Crowdfunding : «70% de nos collectes proviennent des CGP» 

Gaetan Pierret
La société de gestion Vatel Capital accélère la digitalisation de sa filiale de financement participatif. Entretien avec son équipe.  
Matthieu Lambert, directeur général délégué de Vatel Capital et Axel Anguille-Evrard, chargé d’affaires de Vatel Direct

C’est l’histoire d’une société de gestion qui voulait se mettre…au crowdfunding. Vatel Capital, spécialisée dans le capital investissement depuis 2008, a lancé sa filiale de financement participatif, Vatel Direct, en 2016. Avec plusieurs particularités pour se distinguer du marché.  

D’abord, la plateforme finance exclusivement des TPE et PME par émission d’obligations amortissables mensuellement. Ensuite, elle mise bien plus sur ses partenaires CGP que sur l’acquisition de clients en direct. Trop couteux et pas assez rentable, selon elle. Enfin, elle a l’audace de faire la fine bouche sur les dossiers qui lui sont apportés : seule une dizaine de collectes est présenté à ses CGP chaque année, d’un montant compris entre 1 et 3 millions d’euros, pour un taux d’intérêt entre 7% et 9%.  

Une stratégie qui la classe loin derrière les volumes des mastodontes du secteur mais assez en avant dans le virage de l’intermédiation qu’est en train de prendre le marché. Petit à petit, les plateformes de crowdfunding se mettent aux CGP…qui l’ont bien compris. Alors Vatel Direct accélère. Elle a réalisé une importante mise à jour de sa plateforme afin de répondre à la nouvelle règlementation PSFP et aux attentes de ses investisseurs et partenaires distributeurs. Ces derniers pourront mieux suivre et administrer leurs clients. Pour ce faire, Vatel Direct a confié à la SSII MIPISE le soin de développer un outil en marque blanche.

Entretien avec Matthieu Lambert, directeur général délégué de Vatel Capital et Axel Anguille-Evrard, chargé d’affaires de Vatel Direct

Pourquoi avoir créé une filiale de crowdfunding ?

Matthieu Lambert : Son origine remonte à 2016, au moment où nous avons commencé à réfléchir à l’extension des moyens de financement pour les PME qui ne voulaient pas ouvrir leur capital. En effet, Vatel Capital, la société mère de Vatel Direct, est historiquement spécialisée dans le financement en fonds propres et quasi fonds propres via des fonds d’investissements, ce qui ne couvre pas tout le spectre des besoins des dirigeants et des dirigeantes de PME Françaises.

"Nous devrions lancer prochainement un FCPR mixant obligations simples et convertibles" - Matthieu Lambert

Pourquoi financer seulement une dizaine d’opérations par an ? C’est loin des volumes des plus grandes plateformes…

ML : Effectivement, nous ne faisons pas la course à la levée. Notre priorité n’est pas d’atteindre les volumes de certains acteurs de crowdfunding dont le financement participatif est la seule activité mais bien de favoriser la qualité à la quantité. Nous assumons notre parti pris de ne présenter qu’une poignée de dossiers à nos partenaires et investisseurs. L’analyse des dossiers est faite manuellement par les collaborateurs de Vatel Direct. De plus, nous imposons un remboursement amortissable mensuellement aux porteurs de projets. Tous ne le souhaitent pas, mais c’est une condition sine qua non qui opère comme un second filtre naturel des dossiers analysés.

Axel Anguille-Evrard : C’est aussi un procédé plus exigeant. L’amortissable aligne davantage les intérêts des clients avec ceux de la plateforme puisque le moindre retard de remboursement est directement visible. Le suivi des projets est plus lisible pour les investisseurs qui peuvent demander des comptes au besoin. Cela nous impose une certaine pression du fait du remboursement au fil de l’eau, alors qu’avec un remboursement in fine, comme on peut le trouver chez certains de nos confrères, c’est uniquement à l’échéance que l’investisseur récupère ses deniers.

"La qualité des dossiers a un peu baissé ces derniers mois" - Axel Anguille-Evrard 

Vous vous distinguez également par votre collecte très majoritairement intermédiée alors que le marché s’est construit sur le B to C…

ML : 70% du montant collecté est effectivement amené par nos partenaires CGP. L’intermédiation est dans l’ADN du groupe. Nous avons encore une grande marge de progression puisque sur les 1.000 partenaires CGP de Vatel Capital, seulement une quarantaine ont signé avec Vatel Direct. Le B to C ne présente que 30% des montants collectés et nous ne déployons pas de moyen particulier pour développer cette branche.

A A-E : Dès le début de Vatel Direct, nous avons développé à la fois le B to C et le canal distributeurs mais les CGP cherchaient encore leur place dans ce marché naissant. Ils s’interrogeaient notamment sur leur devoir de conseil vis-à-vis de leurs clients avant qu’un contrat de place élaboré avec l’Anacofi et un cabinet d’avocat spécialisé n’apporte des éléments de réponse.

ML : De plus, il y a une dichotomie entre les deux modèles, direct et intermédié. Le B to C impose des coûts d’acquisitions clients très importants pour des marges limitées alors que l’intermédiation permet de démultiplier le modèle à plus grande échelle et d’améliorer ainsi la rentabilité.

Plusieurs signaux d’alerte commencent à faire jour sur le marché immobilier. Qu’en est-il du financement de TPE et PME ?

A A-E : Vatel Direct ne finance pas de promotion immobilière ni de marchands de biens. Nous finançons uniquement des PME. Sur ce marché, les dossiers sont encore très nombreux mais leur qualité a un peu baissé ces derniers mois. Les PME ont de plus en plus de mal à se financer auprès des banques, ce qui peut être une aubaine pour les investisseurs privés. Charge à nous de rester sélectifs comme nous l’avons toujours fait ! Sans oublier que le crowdfunding est récent en France et qu’il est encore très majoritairement tourné vers l’immobilier. Mais on commence à voir un ralentissement sur l’immobilier. Cela peut rééquilibrer les choses en remettant la lumière sur le financement des TPE et PME. C’est bénéfique pour les investisseurs qui peuvent davantage diversifier leur risque, malgré des taux moins attractifs. Ils doivent comprendre qu’il n’y a pas que lui qui compte !

Quels sont vos prochains axes de développement ?

ML : Nous réfléchissons à des produits complémentaires pour davantage diversifier le risque. Nous devrions lancer prochainement un FCPR mixant obligations simples et convertibles et qui pourra investir dans des projets de Vatel Direct. C’est une enveloppe qui répond aux besoins des CGP d’investissement simple, rapide, avec une bonne diversification et logeable en assurance vie.