
Ces indicateurs qui feront bouger les marchés

Les marchés financiers ont basculé dans un nouveau régime avec désormais des taux à 10 ans américains au-dessus de 3%, un rendement du Bund supérieur à 1%, et des marchés actions à la peine depuis le début de l’année, notamment à Wall Street. Le nouveau régime est aussi économique. L’affirmation par la Fed qu’il n’y aurait pas de hausse de 75 points de base (pb) lors de ses prochaines réunions, soulevant la question de sa capacité à faire face à l’inflation et à éviter un atterrissage brutal, et le message peu rassurant de la Banque d’Angleterre (BoE), qui anticipe une récession dès l’an prochain au Royaume-Uni, ont déboussolé les investisseurs. Ces derniers vont plus que jamais se focaliser sur les indicateurs économiques, alors qu’ils ne doivent plus compter sur le soutien des banques centrales, occupées à combattre l’inflation. Revue des indicateurs statistiques à surveiller.
Inflation
Publié ce mercredi après les 8,5% en mars, l’indice des prix CPI aux Etats-Unis restera la boussole des marchés. Entre avril 2020 et avril 2021, le cours du pétrole brut WTI américain était passé de 18 à 64 dollars le baril, soit une augmentation de 255%. Même si l’énergie ne pèse que 8% directement dans l’indice, ce bond aurait dû avoir un effet de base considérable un an plus tard. Idem pour nombre de biens durables, au premier rang desquels les voitures d’occasion (+55% en rythme annuel l’an dernier).
Entretemps, les problèmes d’approvisionnement ne se sont pas résorbés, à cause de la guerre en Ukraine et des confinements liés au Covid en Chine depuis trois mois. Et les prix de l’immobilier américain - qui compte pour 33% dans l’indice - ont continué à croître, de 15% à 375.300 dollars pour le prix médian à fin mars. Cela devrait repousser de quelques mois le pic d'inflation attendu. Et pourrait s’accompagner d’un ralentissement de la hausse des salaires américains plus net que celui entrevu dans le Job Report de vendredi.
Energie
Un enjeu de la guerre en Ukraine porte sur le paiement du gaz et du pétrole russes. Tout embargo aurait un effet important sur les prix de l’énergie, qui pèsent entre 9% et 14% des indices d’inflation en Europe. Mais les 27 Etats membres n’arrivent déjà pas à se mettre d’accord sur le pétrole russe, pourtant moins problématique puisque plus facilement remplaçable. Les marchés scruteront donc les cours du pétrole européen et américain (107 et 104 dollars/baril lundi), et bien sûr du gaz européen (94 euros/MWh). Il faudra également regarder le prix du gaz naturel américain, car les cours des contrats à terme Henry Hub Natural Gas ont plus que doublé depuis février outre-Altantique, de 4 à 8,2 dollars/MMBtu, à des plus haut depuis treize ans avec l’accélération des exportations vers l’Europe.
Activité
Les indices PMI sur les commandes auprès des directeurs d’achats seront encore très suivis en Europe. Les dernières livraisons ont globalement montré un ralentissement de l’activité, mais toujours en progression avec des chiffres au-dessus du seuil de 50 qui sépare la croissance de la contraction pour les grands pays développés. Seules la Russie (44,4 pour l’indice PMI composite) et la Chine (37,2) sont ressorties en mauvaise posture. «Il est probable que l’attention se retourne prochainement davantage sur le niveau de l’activité et la capacité des entreprises à absorber les coûts. On a déjà vu les indices ISM diminuer un peu en avril, et il ne faudrait probablement pas qu’ils s’approchent trop des 50», indique Bastien Drut, stratégiste senior chez CPR AM.
Moteur de la croissance aux Etats-Unis, la consommation sera particulièrement surveillée. Pour l’heure, les ventes de détail, plus suivies que les enquêtes de confiance, trop volatiles, ont continué à progresser grâce à la réouverture post-Covid dans les services et à l’épargne des ménages. Mais la hausse de l’inflation risque d’entailler les dépenses, avec un revenu disponible réel en baisse depuis mi-2021. Le site Tracktherecovery, qui publie un indicateur des dépenses en temps réel, confirme pour l’instant la bonne tenue de la consommation aux Etats-Unis.
Le marché du travail redevient aussi un indicateur-clé pour les marchés financiers. «Même s’il s’agit d’un indicateur retardé, il est aujourd’hui intéressant car l’effet de rattrapage lié à la pandémie étant largement derrière nous, il va donner une meilleure idée du rythme sous-jacent des créations d’emplois», estime Florence Pisani, directrice de la recherche économique de Candriam. Les investisseurs y chercheront les signes d’un ralentissement de l’activité et de la dynamique des salaires. Frédéric Rollin, conseiller en investissement chez Pictet AM, préfère les données hebdomadaires d’inscriptions au chômage pour une vision plus immédiate.
Immobilier
L’autre risque pour la croissance américaine vient du ralentissement du marché immobilier. Mais beaucoup d’indicateurs arrivent en retard, comme les permis de construire. «Les nouvelles demandes de crédits hypothécaires sont un bon indicateur de la dynamique sur le marché du logement aux Etats-Unis, qui plus est sur une base hebdomadaire», ajoute Florence Pisani. Ces demandes ont commencé à diminuer, mais leur baisse est loin d’être spectaculaire au regard de l’envolée des taux hypothécaires à 30 ans, de 3% à 5,40% depuis janvier, au plus haut depuis 2009. Cette résistance du marché s’explique par une poursuite de la hausse des loyers et l'existence d’importantes liquidités.
Chine
L’activité en Chine et les mesures de confinement seront l’autre facteur négatif pour la croissance mondiale, alors que Pékin a confirmé sa volonté de poursuivre une politique zéro-Covid. Avec des effets à la fois sur l’activité et le commerce mondial, mais aussi sur l’inflation en raison des perturbations dans la chaîne d’approvisionnement. A cet égard, la congestion des ports en Chine, notamment celui de Shanghai, risque de compliquer davantage un retour à la normale de l’inflation.