Bruxelles veut imposer la transparence fiscale à la cryptosphère

Clément Solal, à Bruxelles
La principale mesure proposée : contraindre tous les prestataires de services sur cryptoactifs, à signaler aux autorités fiscales les transactions effectuées.

Bruxelles n’en a pas fini avec le monde des cryptoactifs. Sur fond de premiers appels venant, notamment, du Parlement européen, à d’ores et déjà renforcer le tout nouvel encadrement du secteur par l’UE, face à la déflagration qu’a constituée la faillite de l’empire FTX, la Commission européenne a proposé jeudi un projet législatif ciblant la cryptosphère. Il n’est toutefois pas question, à ce stade, d’ouvrir une révision des règlements MiCA (Markets in Crypto Assets) et TFR (Transfer of Funds Regulation), récemment adoptés. Ledit projet, qui prend la forme d'une modification de la directive relative à la coopération administrative (DAC 8) se limite à « combattre la fraude, l'évitement et l'évasion dans le domaine fiscal », à travers l’usage de cryptoactifs.

Sa principale mesure : exiger de tous les prestataires de services sur cryptoactifs, « quelle que soit leur taille ou leur localisation », qu'ils signalent les transactions, y compris transfrontières, effectuées par leurs clients résidant dans l'UE. Informations que les autorités fiscales des Etats membres seront, aux termes du projet, ensuite tenues de partager. « La protection de l’anonymat, le fait qu'il existe plus de 9.000 types de cryptoactifs différents actuellement disponibles et la nature numérique inhérente à ces échanges signifient que de nombreux utilisateurs de cryptoactifs réalisant d'immenses profits passent sous le radar des autorités fiscales nationales. Notre proposition garantira que les États membres obtiennent les informations dont ils ont besoin pour veiller à ce que des impôts soient payés pour les gains réalisés », a estimé jeudi le commissaire européen à l’Economie, Paolo Gentiloni.

Pays réticents

Sous réserve de leur adoption par les Vingt-Sept, ces dispositions n’entreraient cependant en vigueur qu’au 1er janvier 2026. A celles-ci s’ajoute une nouvelle obligation d'échange automatique d’informations entre Etats membres sur les rescrits fiscaux (tax rulings) impliquant des personnes physiques « fortunées ». « Les personnes concernées sont celles qui détiennent un minimum d’un million d’euros de patrimoine financier ou de placement, ou d'actifs sous gestion. Ceux-ci excluent la résidence privée principale de l'individu », précise l’exécutif européen. Enfin, le projet introduit un niveau minimal commun de sanctions que devront appliquer les États membres, « dans les cas sérieux de non-respect des règles, tels que l'absence totale de notification malgré des rappels administratifs ». Ces sanctions concerneront, entre autres, les nouvelles règles sur les cryptoactifs.

Suffisant pour garantir une mise en œuvre rigoureuse de la directive à travers l’UE ? Le doute est permis. Mi-septembre, le Parlement européen avait adopté une résolution pointant le peu d'empressement de la Commission à épingler les États membres rechignant à échanger des informations fiscales. « Alors que seize pays membres ont appliqué les règles adéquatement, nous avons constaté des lacunes dans dix autres - Belgique, Croatie, République tchèque, Estonie, Allemagne, Hongrie, Lituanie, Pays-Bas, Pologne et Slovaquie », avait alors souligné le rapporteur, Sven Giegold, eurodéputé Vert allemand.