Bpifrance lance son troisième fonds dédié aux particuliers

Asmae KADDOURI
Le véhicule, baptisé «BEA1», aura un ticket d’entrée de seulement 1.000 euros. L’entrée en masse des particuliers dans le capital investissement soulève des interrogations quant à la capacité des acteurs à fournir un accompagnement adéquat à cette clientèle plus novice.

Après le succès de ses fonds BE1 et BE2 dédiés aux particuliers, Bpifrance lance son troisième fonds dédié à une clientèle privée, baptisé «Bpifrance Entreprises Avenir 1», ce mercredi 19 mars. Contrairement aux millésimes précédents qui offraient la possibilité d’investir en secondaire, la toute nouvelle offre de produit proposera aux particuliers d’investir dans des fonds en primaire, à savoir au moment même où l’argent des véhicules est levé, sans avoir une connaissance en amont de la composition de ces derniers. «L’idée avec ce nouveau projet est de faire de Paris une capitale européenne du private equity pour les particuliers», déclare Nicolas Dufourcq, le directeur général de Bpifrance.

Ce nouveau fonds commun de placement à risques (FCPR), «BEA1» en abrégé, sera d’une taille cible de 50 millions d’euros qui pourra être relevée ultérieurement. Il co-investira systématiquement, aux côtés de Bpifrance, dans une douzaine de fonds avec l’ambition de financer 200 sociétés (PME et Start-up) sous-jacentes. D’une durée plus longue (10 ans, prorogeable de deux années) que les deux fonds précédents, il visera un objectif de rendement annuel net de frais de gestion d’environ 8%. Bpifrance déploiera 40 millions d’euros pour soutenir le projet, et la collecte auprès des investisseurs viendra se substituer à cette levée ultérieurement.

Les fonds sous-jacents devront être classés «article 8» ou «article 9» selon le règlement européen sur la divulgation des informations extra-financières (SFDR - Sustainable Finance Disclosure Regulation) et la période de souscription qui commence dès ce mercredi 19 avril est ouverte pendant un an jusqu’au 18 avril 2024.

Des tickets d’entrée de plus en plus faibles sur le marché de private equity

Le private equity n’est plus l’apanage des institutionnels et des clients privés les plus fortunés. La première initiative de Bpifrance avec son fonds Entreprises 1 en septembre 2020 permettait aux investisseurs non professionnels d’accéder à un portefeuille de fonds dans lesquels Bpifrance est investie, avec seulement 5.000 euros. Avec le lancement du deuxième fonds Entreprises 2 début 2022, le ticket a été abaissé à 3.000 euros. Il est de nouveau abaissé à 1.000 euros avec le nouveau fonds BEA1. «Ce que nous proposons aux Français avec 1.000 euros, c’est de suivre Bpifrance dans sa stratégie d’investissement et de profiter de son expérience en la matière», soutient Nicolas Dufourcq.

Cette tendance à la démocratisation par la baisse des tickets d’entrée est soutenue par d’autres nombreuses initiatives visant à rendre le marché non coté plus accessible à un public plus large et diversifié. Le fonds d’investissement 123 IM a prévu de lancer un nouveau fonds diversifié de 150 millions d’euros avec un investissement abaissé à 5.000 euros (contre 100.000 euros pour les millésimes précédents).

Des enjeux de taille

Les actifs de private equity suscitent de plus en plus d’intérêt, mais leur ouverture aux investisseurs particuliers soulève des questions sur la capacité des acteurs à fournir un accompagnement approprié.

L’entrée en relation avec les investisseurs est le premier défi pour les fonds qui se lancent dans la clientèle privée. «C’est un Big bang pour les sociétés de gestion qui passent de fonds réunissant une dizaine d’investisseurs (LPs) à un tout autre ordre de grandeur avec l’entrée du retail», commente Olivier Herbout, directeur général de Ramify, conseiller en investissement.

Viennent ensuite les questions relatives à la gestion des flux de cette clientèle et à son accompagnement. Que ce soit par le biais d'équipes spécialisées ou de conseillers en investissement, le défi est de pouvoir proposer une information plus accessible tout en évitant la perte d’informations pour protéger les investisseurs novices. Mais la tâche ne s’annonce pas toujours facile, souligne Olivier Herbout car «il y a une complexité supplémentaire dans la chaîne d’informations, notamment avec le recours aux fonds feeders (fonds nourriciers)», mécanismes auxquels ont eu recours plusieurs fonds pour permettre à des clients privés d’investir avec des tickets d’entrée moins élevés.

Cependant, il reste à savoir si les fonds sont prêts à assumer les coûts liés à la fourniture d’un travail pédagogique adéquat. L’enjeu financier suscite des interrogations quant à la capacité réelle des fonds à offrir un accompagnement adapté à cette clientèle privée.