Tribune

Beaucoup de bruit pour rien

Par David Kalfon, président de Sanso IS
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Le grand théâtre de Donald Trump a officiellement ouvert ses portes et les investisseurs s’y pressent, quitte à risquer de se faire peur. Au programme des festivités, des effets d’annonce à tout crin. D’abord sur des mesures protectionnistes d’instauration de nouvelles taxes douanières, sur l’acier notamment, à l’encontre de la Chine, puis sur Amazon, à qui le président américain reproche de ne pas payer assez d’impôts et de provoquer la fermeture de milliers de commerces aux États-Unis. Dans le public, les marchés assistent un peu désabusés au spectacle et manifestent leur mécontentement par des secousses parfois brutales, à l’image du violent décrochage des indices mondiaux fin janvier.

Esbroufe. Mais que l’on ne s’y trompe pas. Donald Trump fonctionne avec un câblage et un mode de communication qui n’ont rien à voir avec ceux de la politique traditionnelle. Le président américain est avant tout un homme d’affaires qui bouscule les codes en utilisant des techniques de négociation empruntées au monde de l’entreprise tout en tentant de préserver son électorat. Quitte à faire, au passage, un peu d’esbroufe. Comme lorsqu’il annonce en grande pompe ses mesures protectionnistes sur l’acier précisément au moment où les contestations sur le port d’arme devenaient de plus en plus vives, pour finalement entamer un début de marche arrière en assouplissant son discours face au Canada, au Mexique et à l’Europe, les principaux pays fournisseurs des États-Unis. De même, on peut difficilement envisager un rapport frontal avec la Chine, qu’il continue de considérer (et pour cause) comme un pays « ami ».

Les enjeux de la guerre commerciale tant redoutée par les marchés demeurent donc pour le moment très limités. L’acier et l’aluminium représentent moins de 1% des exportations totales de la Chine, et les autres produits ciblés par Donald Trump, environ 2%. Une chose est sûre : les États-Unis restent débiteurs de l’empire du Milieu à hauteur de leur déficit commercial, qui atteint 375 milliards de dollars, sachant que la Chine est le premier détenteur étranger de dette fédérale américaine (1.180 milliards de dollars). De quoi inciter Donald Trump à mettre un peu d’eau dans son bourbon. D’autant qu’en face la riposte ne s’est pas fait attendre.

Contre-mesures. Le 1er avril, Pékin a annoncé, avec prise d’effet dès le lendemain, de nouvelles hausses de tarifs douaniers sur des produits en provenance des États-Unis. Sont concernées 120 matières premières, comme la viande de porc (+ 25%) et les fruits (+ 15%). Ces contre-mesures ont ceci de notable qu’elles appuient sur une zone sensible d’une bonne partie de l’électorat de Trump : le secteur de l’agriculture. Toutefois, on peut penser que la Chine sera moins encline à envenimer la situation qu’à montrer sa capacité de réponse aux tentatives de déstabilisation du président américain. Avec la possibilité, au passage, de fédérer autour d’elle d’autres pays, notamment européens, pour faire bloc. Car du côté de l’Union européenne, Jean-Claude Juncker, le président de la Commission, a réclamé que l’UE soit exemptée de façon permanente des droits de douane américains sur l’acier et l’aluminium, alors que les exemptions temporaires expireront le 1er mai prochain. On l’aura compris, Donald Trump a beau redoubler d’efforts pour trouver un moyen de réduire sa dépendance financière et commerciale vis-à-vis du reste du monde, son arsenal sonne un peu creux.

Fondamentaux solides. Seulement voilà, l’histoire a montré que les marchés avaient tendance à opter pour le premier degré. Notamment lorsque les annonces portent sur des variables susceptibles de peser sur la croissance économique. Il faudra donc sans doute continuer de composer avec une forte volatilité dans les semaines, voire les mois, à venir, tout en veillant à se raccrocher aux faits. En l’occurrence, les publications macroéconomiques des deux côtés de l’Atlantique tendent à confirmer la solidité de la reprise. En outre, le nouveau patron de la Fed, qui affiche un discours très mesuré face au risque d’inflation, n’est pas si « faucon » que l’on aurait pu le croire. Jerome Powell ne semble pas vouloir envisager de hausse des taux avant 2019, sachant que ces derniers continuent, même après une légère remontée, d’évoluer à des niveaux absolus très faibles (moins de 2%).

En résumé, les fondamentaux restent solides et la tendance de fond, positive malgré le regain de nervosité des investisseurs. À condition d’y croire et de faire abstraction du bruit…