
Attention au risque de requalification

La fiscalité des particuliers lors de la revente des œuvres d’art est assez simple. Le collectionneur ou l’amateur d’art qui cède une œuvre dispose d’une option qui lui permet de choisir entre la taxe forfaitaire de 6,5 % du prix de revente du bien (10,5 % pour l’or) et une fiscalité égale à 34,5 % de la plus-value réalisée après un abattement de 5 % au-delà de la deuxième année, soit une exonération au bout de 22 ans.
Très souvent, c’est la taxe forfaitaire qui est choisie car payer 6,5 % du prix de revente reste très avantageux alors que l’œuvre a pu faire l’objet de plusieurs successions en étant intégrée dans le forfait de 5 % des meubles meublants. Cette taxe libératoire reste en tout état de cause beaucoup plus attrayante que la fiscalité professionnelle avec la TVA de 20 % sur la marge réalisée et l’IS ou l’IR en fonction du régime choisi.
Une fiscalité incitative.
La fiscalité du collectionneur reste donc très incitative à condition que les transactions soient réalisées dans le cadre de la gestion de patrimoine de celui-ci. En effet, le rapport du Conseil des ventes pour 2016 publié fin juin dernier a mis en lumière opportunément un arrêt passé inaperçu de la cour administrative d’appel de Marseille (CAA Marseille 4e chambre 22 avril 2016 n° 13MA04959) qui confirme la condamnation d’un particulier dont les activités de vente de monnaies anciennes ont été requalifiées comme activité commerciale. La juridiction confirme dans cette décision que le vendeur ne pouvait pas utiliser la taxe forfaitaire prévue pour les objets d’art ou les métaux précieux mais devait être soumis à la fiscalité de l’activité commerciale au titre de la TVA et des BIC.
C’est une question très intéressante pour les collectionneurs ou les amateurs d’art qui réalisent souvent des reventes afin de se racheter d’autres œuvres ou bien pour faire évoluer leur collection. Le particulier qui vend une œuvre d’art de temps en temps est indiscutablement taxé en vertu de la fiscalité des particuliers (taxe forfaitaire ou régime général). Mais il peut arriver un moment où le nombre d’achats et de reventes est trop important et là, le risque de requalification en activité commerciale devient très fort.
La CAA de Marseille a ainsi considéré dans l’affaire que « le fait de vendre habituellement des pièces de monnaies anciennes constitue l’exercice d’une profession commerciale au sens de l’article 34 du Code général des impôts ; qu’il résulte de l’instruction que Mme B a, en 2005 et 2006, réalisé de manière répétée des cessions de telles pièces de monnaie ; (…) que, dans ces conditions, eu égard au caractère lucratif, au nombre et à la fréquence des transactions réalisées au cours des deux années en cause, Mme B doit être regardée comme ayant exercé l’activité en litige à titre professionnel au sens de l’article 34 du Code général des impôts »
Conditions de requalification.
La juridiction ne nous apporte malheureusement pas le nombre de transactions qui a pu justifier une telle requalification mais si l’on se penche sur des décisions anciennes à ce sujet, on retrouvera des décisions qui requalifient en activité commerciale la personne qui procède à 155 achats et 231 ventes pendant quatre années (CE 14 janvier 1983 n°34132) ou celle qui a procédé à la vente de dix œuvres d’art pour 105.000 euros, dont trois d’entre elles ont été cédées au cours du mois même de leur acquisition (CAA Paris 18 janvier 2001 n°96PA04567, M. Amara). Une autre décision de 1999 (CAA Paris 3 juin 1999, n°96PA 01665) définit bien trois critères de requalification. Elle estime qu’un contribuable qui, pendant une période de dix-huit mois, a procédé à dix opérations d’achat ou de revente de véhicules automobiles de luxe exerce une activité de nature commerciale compte tenu des critères suivants : le faible délai de conservation de ces voitures (de quatre mois à deux ans), l’importance des sommes investies, soit 232.484 euros, une marge bénéficiaire variant entre 116 et 325 %.
Un particulier qui revend des œuvres d’art doit donc être particulièrement vigilant lorsqu’il le fait et attentif à ne pas tomber sous le coup des critères qui viennent d’être exposés. A défaut, le risque fiscal est très élevé, surtout en cas de fortes plus-values.