
Dépôt de garantie des locataires : l’erreur du rapport Nogal

Le rapport rendu public en juin a inquiété et inquiète encore, notamment parce que les rapports entre bailleurs et locataires sont un sujet éternellement sensible. Il reste que ce travail parlementaire est porteur de propositions fortes. Au rang des principales, l’extension des obligations des professionnels de la gestion, qui permettrait de garantir les revenus locatifs de leurs clients propriétaires, mais aussi de sélectionner les locataires de façon plus moderne, sur des critères plus ouverts et plus adaptés aux évolutions économiques et sociales. À l’heure où nous écrivons ce texte, la concertation reste nettement insuffisante avec les professionnels.
Sur un autre thème important, celui de l’état des logements loués, le rapport Nogal mène une réflexion sérieuse et étayée, le député ayant beaucoup observé et consulté Nous pouvons citer à titre d’exemple la création d’une grille de vétusté, qui éteindra une grande partie des discussions et des contentieux sur le calcul des réparations locatives lorsqu’un locataire quitte les lieux. Sans doute aussi faut-il réfléchir, comme le rapport le préconise, à l’obligation de lier une retenue, sur le dépôt de garantie, à la réalisation effective de travaux de réfection. En clair, si l’on veut que les logements locatifs soient maintenus au meilleur niveau, il est nécessaire de les entretenir à chaque rotation locative.
En revanche sur un autre sujet crucial, le rapport Nogal se trompe. Il souffle l’idée que les dépôts de garantie des locataires soient conservés par un établissement financier spécialisé. Il ne s’agit pas, comme l’hypothèse en a été formulée par le passé, de les remettre à la Caisse des dépôts et consignations, bras armé de l’État, mais à des institutions ad hoc, éventuellement gérées par des professionnels immobiliers. Le député part du constat que les locataires peinent à récupérer leur dû après avoir déménagé, ce qui les conduit souvent à se faire justice eux-mêmes en ne s’acquittant pas du dernier mois de loyer.
L’erreur de Mickaël Nogal est de ne pas faire la distinction entre les locataires dont le logement est géré par un professionnel et les autres. Car, faut-il le rappeler, les professionnels respectent les obligations légales et restituent dans le délai imparti par la loi le dépôt de garantie, déduction faite le cas échéant du montant des réparations à engager. La plupart des gestionnaires sont eux-mêmes dépositaires de ces dépôts, qu’ils séquestrent sur un compte ouvert à cet effet et protégé par une garantie financière. Ce mécanisme, totalement rassurant pour le locataire, est aussi le plus souple : aucun tiers à solliciter pour transférer les sommes à leurs destinataires lorsqu’ils quittent le logement. D’autant que le professionnel détient également les états des lieux d’entrée et de sortie, permettant le calcul de ce qui sera éventuellement retenu au titre des réparations locatives.
Ce dispositif pourrait être plus sécurisant si la future proposition de loi n’autorise pas un professionnel à se déposséder du dépôt de garantie au profit du locataire. S’il est vrai que certains propriétaires exigent de conserver eux-mêmes les fonds, notamment dans les grandes villes où ces derniers sont élevés, le professionnel doit garder le contrôle de ces dépôts.On pourrait aussi accroître le rôle des garants de sorte que lorsqu’un professionnel ne respecte pas les délais de restitution du dépôt, sa caisse de garantie se substitue à lui pour verser les fonds qui reviennent au locataire sortant.
Pour les particuliers qui gèrent leur bien locatif sans le concours d’un professionnel il est normal de réfléchir à la solution prônée par le rapport Nogal, à savoir l’obligation de consignation dans un établissement présentant toutes les garanties nécessaires. Une autre voie, simple, consisterait à reconnaître les administrateurs de biens comme aptes à séquestrer les dépôts de garantie, même pour des logements qu’ils ne gèrent pas. En clair, les locataires de logements gérés sans intermédiaires pourraient confier leurs dépôts à des professionnels qui seraient habilités.
La future proposition de loi doit pousser à son terme la logique qui sous-tend le rapport Nogal: sans priver le propriétaire de la liberté de se passer du concours d’un professionnel, il importe que l’administrateur de biens devienne un tiers de confiance. Pour cela, la loi doit le conduire à accentuer sa valeur ajoutée, et ce à tous les stades, jusqu’au contrôle du dépôt de garantie du locataire. Mettre sur ce sujet le professionnel au niveau du particulier manquerait de cohérence. Amputer son rôle de la détention des dépôts de garantie serait un bien mauvais signal au moment de mener la communauté des gestionnaires vers des mutations exigeantes.