2023, un point d’entrée dans le secteur immobilier

Romain Welsch, président de Theoreim
Le retour de l’inflation et l’augmentation des taux à long terme réajustent l’attractivité des supports de placement. Mais laissent intact l’intérêt de la pierre-papier dans les portefeuilles des investisseurs.

Depuis la crise financière mondiale de la fin des années 2000, les épargnants ont orienté une partie de leur épargne vers les placements immobiliers de type pierre-papier. Ce comportement répondait à la recherche d’un rendement plus élevé que celui proposé par les fonds euros ou celui des placements obligataires, combinée à la perception du risque de la classe d’actifs « immobilier » considérée comme limitée. Le retour de l’inflation et l’augmentation des taux à long terme qui en résulte (l’OAT 10 ans est passée de 0,2 % fin décembre 2021 à 3 % fin février 2023) rebattent les cartes de l’attractivité des supports de placements. Mais cela remet-il pour autant en cause l’intérêt de la pierre-papier dans les portefeuilles des investisseurs ?

De nouvelles conditions de marché

La remontée des taux offre de nouvelles opportunités de placement au profit de l’épargnant : les comptes sur livret tels que le Livret A proposent des rémunérations attractives (3 %) qu’on n’avait pas vues depuis quatorze ans ; les placements obligataires redeviennent compétitifs avec le renouveau de nombreux fonds datés ciblant des objectifs de performance compris entre 4 % et 6 %, et les fonds euros ont entamé une remontée de leur rémunération.

Parallèlement, cette remontée brutale des taux a des conséquences importantes sur la valorisation des patrimoines financiers. La valorisation de ceux investis majoritairement en obligations a notamment été chahutée. Concernant l’immobilier, le renchérissement du coût de l’argent a également une incidence négative sur la valeur des immeubles. La pierre-papier, investie en immobilier, subit donc naturellement ces baisses de valeur.

Ainsi, selon l’indice MSCI Europe Quarterly Property Index, la performance de l’immobilier au quatrième trimestre 2022 en Europe s’est élevée à -6,7 %, soit sa pire performance depuis la crise financière de la fin des années 2000. Cette baisse n’a pas été uniforme ; à titre d’exemple, selon MSCI/Oxford Economics, la valorisation en capital de la classe d’actifs industriel (logistique et activités) a reculé de 8,1 %, alors que la valorisation des actifs résidentiels n’a reflué que de 2,3 %.

Cependant, et c’est là tout le paradoxe de cette baisse des valeurs immobilières, les marchés immobiliers sont sains. Les taux d’occupation demeurent élevés et la raréfaction foncière tire les loyers vers le haut. Certes, il existe des disparités fortes en fonction des secteurs et des localisations, et le choix des bons actifs demeure essentiel dans les décisions d’investissement. Mais c’est bien le rôle des sociétés de gestion de sélectionner les immeubles qui seront les plus à même de générer de l’alpha sur le long terme. Cette dichotomie entre baisse des valeurs immobilières et bonne santé des marchés locatifs fera très certainement de l’année 2023 un bon point d’entrée sur les marchés immobiliers.

Plus encore, en termes de rendement, l’immobilier a pour avantage de voir ses loyers être indexés périodiquement pendant la durée du bail. L’immobilier offre ainsi un rendement qui peut s’apprécier dans le temps. Bien évidemment, au terme du bail, le loyer reviendra à sa valeur de marché, qui pourra avoir progressé à une vitesse différente de son indexation. C’est cette même indexation qui confère d’ailleurs une protection, partielle certes mais bien utile, contre l’inflation. A contrario, et malgré l’augmentation des taux, les fonds euros, les fonds obligataires datés ou encore les comptes sur livret proposent, eux, une rémunération corrigée de l’inflation, qui reste donc négative.

Véhicules de pierre-papier

Les évolutions de marché que nous avons décrites affectent différemment la valorisation des principaux véhicules de type pierre-papier (société civile de placement immobilier – SCPI –, société civile – SC – ou organisme de placement collectif immobilier – OPCI – par exemple). Expliquons-nous. Les règles de valorisation des SCPI donnent une latitude plus importante à la société de gestion avant d’avoir à affecter le prix de la part en cas de baisse de la valeur des immeubles ; en effet, le prix de souscription est fixé librement par la société de gestion dans une fourchette comprise entre +10 % et -10 % de la valeur de reconstitution, c’est-à-dire une valeur correspondant à la valeur de marché des immeubles, augmentée de tous les coûts et frais (tels que les frais de notaire ou la commission de souscription), devant être engagée pour reconstituer le patrimoine de la SCPI. En revanche, pour les SC ou les OPCI, les sociétés de gestion ont l’obligation de répercuter immédiatement les variations de valeurs des immeubles dans leur valeur liquidative (1).

Il en résulte que l’investissement dans chacun de ces véhicules doit se faire après avoir bien compris leur propre mécanisme de valorisation : si les SCPI n’affectent pas leur valeur immédiatement, elles seront peut-être contraintes de le faire plus tard en cas de baisse importante des valeurs de marché. Inversement, si les baisses de valeur des immeubles restent maîtrisées, les SCPI rebondiront moins vites que les SC ou les OPCI, qui auront, eux, traduit en amont ces baisses de valeurs dans le prix de leurs parts. En résumé, dans les SC ou les OPCI, l’investisseur entre au prix de marché car l’impact de valorisation est immédiat. La valeur des parts profitera donc d’une remontée plus rapide une fois que le marché sera à nouveau orienté à la hausse.

La baisse des valeurs immobilières correspond à un ajustement technique, elle n’est pas motivée par une détérioration des conditions locatives ou des perspectives locatives long terme, qui restent favorables et bénéficient d’une protection contre l’inflation. Ces bons fondamentaux justifient à eux seuls le regain à venir et une période propice à l’investissement immobilier.

Si la totalité de la baisse des valeurs immobilières n’est peut-être pas encore passée, une partie du chemin est néanmoins déjà parcouru. Dès lors, les épargnants pourront profiter de ce momentum de marché pour se positionner ou renforcer leur exposition sur la classe d’actifs immobilier.

Les SC ont déjà impacté une partie des baisses de valeur des immeubles, avec certaines disparités puisque certains secteurs immobiliers ont réagi plus rapidement que d’autres. Pour les SCPI, il convient de distinguer les véhicules récemment lancés, pour lesquels le patrimoine sera acquis en tenant compte des nouvelles conditions de marché, des SCPI plus historiques disposant d’un patrimoine déjà constitué et dont les impacts de valeurs, compte tenu du mode de valorisation de ces véhicules, pourraient se traduire dans les performances à moyen terme. Ainsi, pour s’exposer aux marchés immobiliers, les véhicules SCPI récemment créés et les véhicules ayant ajusté leur valorisation entre fin 2022 et début 2023 (SC ou OPCI notamment) devraient être les supports privilégiés.

Bien évidemment, dans ces périodes de forte volatilité, la diversification des placements doit, encore une fois, être privilégiée, tout en restant très discipliné sur l’approche long terme qui sous-tend la construction d’une allocation de portefeuille. 

(1) Les SC qui investissent une quote-part importante en SCPI bénéficient du mécanisme favorable des SCPI tel que décrit plus haut dans la valorisation liquidative.