
Yomoni investit la pierre

Huit ans, âge de raison ? Lancée en 2015, la fintech Yomoni accélère sa diversification. Elle lance, avec le gérant Keys REIM, une société civile immobilière (SCI), Yomoni Immobilier. Une nouvelle classe d’actifs pour la start-up qui voulait «disrupter» la gestion de patrimoine.
Alliance sur mesure
Yomoni Immobilier investira jusqu’à 60% de sa collecte dans une sélection de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI). Entre 30% et 35% financeront l’acquisition en direct d’actifs immobiliers professionnels, principalement situés en France et dans l’Union européenne en cas d’opportunité. Les 5% à 10% restants constitueront une poche de liquidités. Le tout étant géré par Keys REIM, qui devra respecter un plafond de 25% de l’allocation globale de la SCI pour ses fonds maison.
Le choix de la société de gestion spécialisée dans le private equity immobilier fait sens, elle qui a lancé en mars dernier sa première unité de compte (UC), Keys Sélection Vie, pour viser le marché retail. Un produit déjà en route donc mais qui n’aurait pas forcément trouvé sa place dans le catalogue de Yomoni (lire ci-dessous).
Parmi les principales raisons au choix d’un produit sur mesure, la volonté d’abaisser les coûts au maximum. Yomoni Immobilier présente uniquement des frais de gestion de 2,9%, mais aucun frais d’entrée ni de sortie. «C’est notre objectif depuis le début : proposer à nos clients le meilleur des classes d’actifs à meilleur prix. Nous l’avons fait sur les ETF (exchange-traded funds) et le faisons maintenant sur l’immobilier», appuie Sébastien d’Ornano, son président et cofondateur. Il est vrai que la jeune pousse a, dès le début, misé sur cet argument pour asseoir son développement. Ses contrats d’assurance-vie et compte-titres, 100 % ETF et aux frais très faibles, avaient même irrité quelques acteurs de la gestion de patrimoine, incapables de s’aligner sur un tel modèle à cause d'une structure de coûts beaucoup plus lourde. Une stratégie poil-à-gratter qui pourrait peut-être aussi expliquer les freins au développement du B to B chez Yomoni (lire dessous).
Une brique de plus
L’immobilier n’est pas la première branche de diversification de Yomoni. Après avoir fait des ETF sa marque de fabrique, la fintech s’est déjà essayée au private equity en s’associant à Altaroc. En septembre dernier, elle annonçait le référencement des portefeuilles de fonds de la plateforme dans ses plans d’épargne retraite (PER).
Huit mois plus tard, Sébastien d’Ornano se félicite d’une collecte d’un peu plus de 10 millions d’euros, alors même que seuls ses clients assimilés à des investisseurs professionnels étaient éligibles à cette nouvelle offre. Il ajoute déjà réfléchir aux prochains millésimes, sans s’interdire de «regarder ce qui se fait ailleurs sur le marché» et de potentiellement référencer de nouveaux partenaires.
Si sa gamme immobilière ne vise pas à s’étoffer davantage, en tout cas pour l’instant, Yomoni pourrait bien s’ouvrir à d’autres classes d’actifs. «Nous nous sommes équipés des enveloppes les plus importantes (assurance-vie, PER, compte titres). A présent, nous réfléchissons aux briques que nous pouvons y loger afin de proposer à nos clients la meilleure diversification possible, toujours au meilleur prix», conclut son dirigeant.
L’arrivée de Yomoni dans la pierre papier prouve que l’immobilier demeure un socle pour les distributeurs de placements et encore plus pour les pure players en ligne. Peu importe le contexte de marché et le niveau des taux, il leur est difficile de se passer de cette classe d’actifs tant elle est plébiscitée par la clientèle. Les sociétés de gestion l'ont bien compris : l'Aspim recense 215 SCPI et 44 SCI distribuées en UC. Les premières ont capté 10,2 milliards d’euros l’année dernière pour un taux de distribution moyen de 4,53%. Les sociétés civiles distribuées en UC ont, elles, collecté 5,4 milliards d’euros en 2022 pour une performance moyenne de 3,7%.
YOMONI ET LES CGP
Il y a huit ans, les conseillers en gestion de patrimoine (CGP) ont vu d’un œil assez méfiant l’arrivée de jeunes start-up, misant à fond sur la technologie pour « disrupter » leur marché. C’était le cas de Yomoni, qui a développé une offre bien moins chère que les standards pour se faire une place dans ce monde très concurrentiel.
Historiquement tournée vers le grand public, la wealthtech a tenté, un temps, de développer une branche BtoB. Mais la mayonnaise a eu du mal à prendre. «La gestion passive n’est pas assez intégrée au monde CGP. Elle ne leur permet pas de rémunérer leur conseil, explique Sébastien d’Ornano, président et cofondateur de Yomoni. Nous avons toujours une offre de mandats à destination du réseau de CGP de notre partenaire Suravenir, ainsi que des produits distribués par Linxea, mais nous restons très majoritairement axés sur le grand public.»
3 Questions à...Sébastien d’Ornano, président et cofondateur de Yomoni
Retraits massifs de la part de clients, alerte de la Banque centrale européenne, hausse des taux d’intérêt, décote de certains actifs… Le calendrier est-il propice pour se lancer dans l’immobilier ?
Sur les marchés, on parle communément de « point d’entrée » : le momentum le plus intéressant pour se lancer. Il en va de même pour l’immobilier. Ce milieu d’année 2023 est clairement un momentum immobilier et le timing est parfait pour ouvrir de nombreuses opportunités. Nous nous en sommes assurés auprès de notre partenaire Keys REIM et avons attendu avant de proposer cette offre à nos clients.
Pourquoi ne pas avoir référencé l’unité de compte de Keys REIM, déjà commercialisée ?
Nous avions un cahier des charges très précis : une dimension ESG très forte, l’optimisation des frais au maximum et un produit à notre nom, que l’on puisse faire évoluer comme nous le souhaitions. Après un audit de plusieurs sociétés, nous avons choisi Keys REIM pour son expertise sur le private equity immobilier, qui offre un maximum de diversification à nos clients et le couple rendement-risque le plus intéressant selon nous.
Votre offre immobilière a-t-elle vocation à s’étoffer ?
Non, pas pour l’instant en tout cas. L’objectif de Yomoni Immobilier est de proposer des actifs en direct et de sélectionner les meilleures SCPI du marché. Nous n’avons donc pas d’intérêt à proposer d’autres produits immobiliers.