Immobilier

Une publicité foncière à moderniser

Un rapport suggère de moderniser les règles de la publicité foncière
Il propose notamment un système unique d’interrogation du fichier
Laurent Aynès, professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne et avocat associé au sein du cabinet Darrois Villey Maillot Brochier

Simplifier et moderniser le droit de la publicité foncière, tels étaient les principaux objectifs de la commission présidée par Laurent Aynès, professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne et avocat associé au sein du cabinet Darrois Villey Maillot Brochier. En effet, la réglementation relative à la publicité foncière, regroupant l’ensemble des informations sur des biens immobiliers et permettant de les rendre opposables aux tiers, date de deux décrets de 1955. Rendus nécessaires par les destructions de la guerre autant que par le développement de la copropriété, ces textes nécessitent d’être remis au goût du jour : « De nouveaux dispositifs juridiques ont été créés, comme de nouvelles formes de divisions des immeubles ou de propriétés, et l’informatisation a gagné ce secteur », souligne Laurent Aynès. Par ailleurs, « les réformes successives de ces textes les ont rendus difficilement compréhensibles ».

Insécurité juridique. Ces difficultés, doublées d’une « explosion du marché immobilier » dans certains territoires, entraînent un retard dans la publication des formalités. Ainsi, sur les 354 « services de la publicité foncière » qui sont en charge de l’accomplissement de cette mission de service public, certains enregistrent un retard de plus d’un an, selon Laurent Aynès. « Dans cette situation, le demandeur, certes, a connaissance des dépôts effectués, mais pas de la nature exacte de ce dépôt », précise-t-il. Cette inscription tardive a aussi une incidence sur le cours de la justice, puisque pour qu’une assignation en justice de demande de résolution ou de nullité d’une vente immobilière soit recevable, il faut que l’assignation soit publiée dans ces services. Enfin réduire ces délais permettrait de gagner en compétitivité internationale : les derniers classements Doing business de la Banque mondiale montrent que la France a des axes d’amélioration à mettre en œuvre en termes de publicité foncière pour accélérer les transactions.

Propositions. Dans son rapport remis à la Garde des Sceaux le 12 novembre 2018, la commission dirigée par Laurent Aynès détaille plusieurs propositions. Au titre de la lisibilité juridique, elle souhaite ainsi l’insertion dans le Code civil d’une théorie générale de la publicité foncière, c’est-à-dire de principes généraux fondateurs. En ayant pour boussole la finalité d’opposabilité, la commission a aussi opéré un tri entre les actes susceptibles de créer un conflit de droits réels ou dont la connaissance par les tiers est nécessaire à la sécurité juridique du commerce immobilier – ce qui justifie leur publication –, et les autres. A ainsi été abandonnée l’exigence de publication de droits personnels : les baux de plus de douze ans, les quittances ou cessions de trois années de loyers, ou encore les contrats de promotion immobilière. S’agissant des promesses unilatérales et pactes de préférence, la mission propose d’assortir leur publicité de l’opposabilité aux tiers, alors que l’opposabilité n’était pas jusqu’à présent automatiquement liée à cette publication, l’acquéreur évincé devant prouver la mauvaise foi du tiers acquéreur, « ce qui est encore une fois source d’insécurité juridique », selon Laurent Aynès. Pour autant, les parties seront libres d’y renoncer en considérant notamment le « terme de l’option (pour les promesses) », le « coût de la publication » ou « l’importance de l’investissement envisagé ». 

Informatisation généralisée. La commission met également en avant une informatisation généralisée des inscriptions et de la délivrance des informations. Si la DGFip, qui a la responsabilité des services de publicité foncière, a déjà entrepris un effort de modernisation, en y associant étroitement les notaires via le système Télé@ctes et désormais le projet ANF (Accès des notaires au fichier immobilier), elle pourrait aller plus loin en ouvrant ces services à d’autres professions juridiques (huissier, avocat).
La commission propose aussi la création d’un fichier unique, c’est-à-dire un système unique d’interrogation pour les particuliers, ce qui éviterait de saisir chaque service en fonction du lieu de situation des immeubles. Ces propositions ont été accueillies favorablement par le ministère de la Justice car elles « répondent à un véritable besoin des praticiens et des justiciables ». Reste à savoir dans quel texte elles pourront être intégrées et à quelle échéance.