
Un maintien des dividendes distribués malgré la baisse des recettes locatives
La SCPI est un produit de rente. Ses porteurs de parts, bien que rajeunissant, sont âgés de 60 ans en moyenne et sont très attachés à la stabilité du revenu que leur placement distribue chaque trimestre. Les sociétés de gestion le savent très bien : il faut maintenir les dividendes, quitte à piocher dans le report à nouveau. Les bénéfices accumulés durant les années fastes non distribués et non mis en réserve sont là pour venir au secours des exercices financiers difficiles. Et c’est ce qu’elles ont fait. Parallèlement, les prix des parts faisant état d’une augmentation à fin 2009 (base de calcul du rendement 2010) par rapport à 2008, le rendement des SCPI se trouve affecté, perdant ainsi 0,4 point cette année.
Collecte nette historique.
Valeur refuge s’il en est, l’immobilier semble inspirer les investisseurs. Du côté de la pierre papier, les SCPI ont connu en 2010 un engouement sans précédent. Toutes catégories confondues, elles ont rassemblé 2,46 milliards d’euros de nouveaux capitaux, une hausse de 180 % par rapport à l’année précédente.
Avec 920 millions d’euros, les SCPI Scellier ont dépassé à elles seules la collecte nette totale comptabilisée en 2009, qui avait atteint, pour mémoire, 870 millions d’euros. En 2010, les SCPI non fiscales ont recueilli 1,5 milliard d’euros (dont 300 millions sur des SCPI purement institutionnelles), alors qu’en 2009, elles avaient vu leur collecte nette diminuer de moitié par rapport à 2008, de 710 à 379 millions du fait notamment du repli de la collecte nette d’UFG REM. Le premier collecteur du secteur avait fait l’objet de plusieurs retraits non compensés par des souscriptions sur deux de ses SCPI à capital variable, pour un montant de près de 60 millions d’euros - sur une capitalisation de 2 milliards d’euros.
Le marché secondaire de nouveau liquide.
Confrontées à des retraits importants d’institutionnels (compagnies d’assurance vie ayant subi les transferts de la part de particuliers d’unités de compte vers des fonds en euros), certaines SCPI à capital variable n’avaient pas réussi à rééquilibrer le départ d’associés par de nouveaux souscripteurs. L’incident est à présent clos puisqu’en 2010, le montant des retraits non compensés est inférieur à 3 millions d’euros.
Concernant les SCPI à capital fixe, où l’échange de parts résulte d’une confrontation entre offreurs et demandeurs, 417 millions d’euros ont été monnayés. Un nombre en augmentation chaque année depuis 2000, mais qui reste toutefois relativement faible eu égard au montant de la capitalisation du secteur : 22,3 milliards d’euros fin 2010. Le taux de rotation annuel des parts ne s’élève qu’à 1,85 % du total de la capitalisation. Caractérisé par un défaut de vendeurs par rapport à la masse d’acquéreurs, le marché secondaire voit augmenter, voire s’envoler pour certaines SCPI de petite taille - dont la capitalisation n’excède pas 100 millions d’euros -, le montant des prix des parts proposées à la revente.
Augmentation du prix des parts à relativiser.
« En effet, il convient de distinguer les petites SCPI, moins liquides et moins diversifiées, des grandes qui subissent des revalorisations davantage en phase avec le marché », explique Philippe Vergine, gérant de Primaliance. « Les SCPI sur lesquelles on constate de très fortes augmentations de prix de parts cumulent en général deux critères : elles sont fermées, avec un marché secondaire très restreint - donc peu de vendeurs -, et elles étaient décotées par rapport à leur actif net réévalué (ANR), c’est-à-dire que leur prix de part était largement inférieur à la valeur de l’immobilier sous-jacent », ajoute Daniel While, analyste à l’Institut de l’épargne immobilière et foncière (IEIF). Et « les vendeurs font payer cette pénurie d’offre aux acquéreurs », renchérit Philippe Vergine.
Si certains véhicules d’investissement affichent des hausses de 20, 30 ou encore 40 %, la progression du prix des parts des SCPI hors fiscales pondérée par la capitalisation de ces dernières est plus mesurée : +5,48 % en 2010, contre +5,21 % en 2009 et -5,07 % en 2008. Evidemment, cette croissance des prix concerne les SCPI à capital fixe qui ont vu leur prix monter de 9,99 % pendant que les SCPI à capital variable annoncent une baisse de 0,09 %, les valeurs d’expertises ayant très peu bougé, environ +2 %, les gérants ont maintenu le prix des parts. Rappelons que pour les SCPI à capital variable, le prix de part est fixé par la société de gestion dans une fourchette de plus ou moins 10 % par rapport à la valeur du patrimoine expertisé.
Dividendes maintenus grâce aux reports à nouveau.
Cette année encore, les gérants n’ont pas failli à leur mission. Les dividendes des SCPI hors fiscales n’ont diminué que très faiblement, de l’ordre de 2 %, bien que les loyers de leur sous-jacent, l’immobilier d’entreprise, ont plutôt continué à baisser en 2010. Ceci, du fait de leur indexation sur l’indice du coût de la construction (ICC), défavorable en 2010, mais aussi de l’impact des renégociations de loyers (et surtout les franchises accordées) et de la vacance qui représente 10 à 15 % du patrimoine global, selon les chiffres de certains acteurs. Pour préserver l’équilibre financier, « nous avons maintenu la masse locative en arbitrant des immeubles vides contre des immeubles pleins,explique Jacqueline Faisant, présidente du directoire de BNP Paribas Real Estate Investment Management. Mais peut-être devrons-nous être raisonnable sur la distribution en 2011 ».
Pas si sûr en effet que les dividendes se maintiennent à leurs niveaux actuels l’année prochaine. L’UFG a d’ailleurs déjà révisé leurs montants, de l’ordre de 5 à 10 % selon les fonds en 2010. « Nous avons limité l'ajustement des revenus en prélevant sur les reports à nouveau pour servir une distribution plus importante que celle effectivement produite par les loyers de nos immeubles. Cela permet de donner un signal aux associés et ne pas continuer à entretenir l’illusion que la crise est définitivement terminée,explique Jean-Marc Coly, directeur général délégué d’UFG REM. En réalité les acteurs du marché des SCPI ont peu ou prou les mêmes résultats opérationnels en baisse de 7 à 8 %. Chacun agit en fonction de ses reports à nouveau et de sa stratégie commerciale. »
Baisse généralisée des rendements.
Les dividendes maintenus et le prix des parts en hausse à fin 2009, les rendements (dividendes 2010/prix des parts fin 2009) des SCPI non fiscales ont donc baissé en 2010, en moyenne de 0,40 point, passant de 6,05 % en 2009 à 5,64 % en 2010. Le rendement instantané, qui prend en compte la remontée du prix des parts en 2010, s’élève quant à lui à 5,3 %. A dividende constant en 2011, c’est ce rendement que l’on pourrait retrouver l’année prochaine. Néanmoins, certaines SCPI - 15 % d’entre elles - ont vu leur performance se stabiliser, voire augmenter.
Investir les capitaux collectés.
Les capitaux frais collectés vont devoir à présent se convertir en investissements. En 2010 déjà, l’exercice n’a pas été si aisé. « L’objectif, qui n’a pas été si facile, a été de transformer ce cash en immobilier », reconnaît Renaud des Portes de La Fosse, directeur général délégué d’Uffi Ream. Au premier semestre 2010, constatant la cherté de certains actifs, la société de gestion a préféré, quitte à baisser ponctuellement les dividendes, attendre le second semestre, qui s’est révélé plus enclin aux négociations, avant d’investir.
Néanmoins, gérants de SCPI de bureaux ou de commerces, les professionnels ne semblent pas inquiets pour 2011. « Il y a des biens sur le marché », entend-on. Reste à trouver les bons immeubles dans un marché devenu hautement concurrentiel.
Les SCPI non fiscales d’abord, qui, avec 1,5 milliard collecté, s’imposent comme un acteur de taille sur le marché de l’investissement - d’après Colliers UFG PM, elles représentaient en 2010, 12 % du marché de l’investissement, soit 1,2 milliard d’euros -, arriveront-elles à placer leurs fonds dans de bonnes conditions ?
La société de gestion Sofidy a d’ailleurs plafonné par deux fois, en juin puis en novembre 2010, les enveloppes de souscription par foyer fiscal (en flux et en stock), notamment sur sa principale SCPI de murs de magasins, « afin d’ajuster les entrées de capitaux au marché de l’investissement devenu plus concurrentiel », expliqueJean-Marc Peter, directeur général adjoint de Sofidy.
Les SCPI Scellier, ensuite, qui ont battu des records en 2010 avec 920 millions d’euros levés auprès des particuliers alors qu’elles ne représentaient encore il y a un an que 490 millions, trouveront-elles toutes les biens recherchés à un bon prix ? A suivre.
Commerces, le retour à la proximité.
Evolution sociétale de la dernière décennie, l’apparition du commerce électronique rafle des parts de marché. Cette perte de chiffre d’affaires pour les acteurs traditionnels est loin d’être compensée par la présence physique aujourd’hui recherchée par certaines sociétés internet. Moins mobile, plus vieillissante, la population fait également état d’un regain d’intérêt pour le commerce de proximité, délaissant les grands ensembles au profit des centres-villes. Soumis aux mutations des modes de consommation des ménages, les investisseurs immobiliers sont contraints d’adapter leurs stratégies d’investissement. « Depuis quatre ans, nous privilégions les acquisitions en centre-ville et vendons même, au fil de l'eau, des moyennes surfaces en périphérie que nous avions beaucoup acheté durant la crise des années 90 »,explique Jean-Marc Peter, qui reste toutefois optimiste sur l’avenir des SCPI murs de commerces.
La responsabilité des SCPI dans la rénovation du parc ancien.
L’obsolescence du parc ancien soumet les acteurs immobiliers à rude épreuve. D’une part parce qu’elle réduit l’offre de qualité disponible sur le marché, et potentiellement la valeur de certains biens, et d’autre part parce que la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 contraint les investisseurs, SCPI comprises, à procéder à des audits de performances énergétiques en vue de la réalisation de travaux de mises aux normes dans un délai dehuit ans à compter du 1er janvier 2012. Un décret déterminera « la nature et les modalités de cette obligation de travaux ». Les professionnels se préparent. « Les acteurs immobiliers doivent commencer le recensement de leur patrimoine, savoir combien consomme un immeuble dans ses parties privées et dans ses parties collectives afin de pouvoir agir en conséquence », expliqueEric Cosserat, président du directoire de Perial.
En effet, l’inventaire du parc tertiaire se révèle un préalable indispensable aux prises de décisions stratégiques des investisseurs. En fonction des travaux à effectuer, mieux vaut-il arbitrer ou conserver durablement un bien ? Les SCPI sont aujourd’hui confrontées à ces questions. UFG REM a d’ailleurs analysé en 2010 un panel d’immeubles représentatif de l’ensemble de son patrimoine et fait certifier sa démarche par l’Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie). Ce qu’il en ressort ? « Ce n’est pas le grand soir qu’on nous avait annoncé », explique Jean-Marc Coly, non surpris des résultats de cette étude et des budgets à consacrer aux travaux à venir : « 80 % du travail est davantage à mener sur la méthode de gestion et d’utilisation des immeubles que sur la réalisation de travaux à proprement parler. » Puissent les autres professionnels tirer les mêmes conclusions.
Un système multilatéral de négociations pour demain ?
Soulevée par l’Aspim en 2009, la question de créer un système multilatéral de négociations (SMN), c’est-à-dire une plate-forme qui centraliserait les ordres à l’achat et à la vente en provenance des SCPI à capital fixe, fait doucement son chemin (lire l'avis d’expert). Pour l’heure, chaque société de gestion s’occupe individuellement de la confrontation d’offreurs et demandeurs et le SMN n’existe pas.
« Il y a un certain nombre de gestionnaires intéressés par cette démarche. Pas tous, il est vrai. La réflexion se poursuit : il s'agit de trouver une manière d'animer durablement ce système et de procurer une liquidité supplémentaire au bénéfice des porteurs », explique Arnaud Dewachter, délégué général de l’Association française des sociétés de placement immobilier (Aspim). Si certaines sociétés de gestion considèrent que le SMN est un moyen d’animer et de développer le marché secondaire, d’autres y voient un éloignement de la vocation initiale de la SCPI ou encore un manque à gagner. L’accalmie retrouvée sur le marché des parts, le sujet reste quelque peu en suspens.