
Taux effectif global (TEG) : La prescription en débats

Comment le point de départ de la prescription de l’action en nullité du taux effectif global (TEG) est-il appréhendé ?
Pour les emprunteurs, les dossiers qui présentent un TEG erroné ont de quoi représenter une véritable opportunité. A condition de construire un solide dossier de réclamation. Déjà, il est question d’établir avec certitude le point de départ de la prescription applicable, sous peine d’introduire une action dépourvue d’intérêt. Ensuite, il s’agit d’identifier l’opérateur en capacité de monter un dossier solide. Dans les contentieux portant sur un TEG erroné, l’appréciation de la prescription s’avère particulièrement délicate, tant pour les consommateurs, les établissements bancaires, que pour les magistrats. Pour preuve, la Cour de cassation se partage sur le sujet de l’action en nullité du TEG, entre la vision de la chambre commerciale et l’analyse de la première chambre civile (L’Agefi Actifs, n°695, p. 20). La première tient une position « rigoriste et peu favorable à l’emprunteur », estime un observateur. Depuis trois arrêts de principe rendus en 2008, confirmés par un arrêt de mai 2017, elle estime que le délai de prescription doit commencer à courir à la date de la convention (1).
Comment se positionne la première chambre civile de la Cour de cassation ?
A contrario, si le prêt a été souscrit par un consommateur ou un non-professionnel, un éventuel contentieux relèvera en dernier lieu de son analyse. A première vue, cette position peut sembler tout aussi stricte que celle de la chambre commerciale. En effet, le point de départ de la prescription d’une action en nullité de l’intérêt conventionnel est fixé à la date de la convention si son examen permet de constater l’erreur.
Explication : la date de signature de la convention est retenue par les magistrats lorsque l’emprunteur profane a été en mesure de déceler l’erreur à la simple lecture de l’acte de prêt. La connaissance préalable de l’erreur est alors qualifiée. Les juges considèrent que cette erreur est facilement identifiable si plusieurs documents présentent un TEG différent ou lorsque le TEG est mentionné hors frais d’assurance alors qu’il comporte une assurance dans les pages suivantes (2).
En quoi le consommateur est-il ici mieux considéré ?
Quand l’examen de la convention n’a pas permis de constater l’erreur, c’est la date de la révélation de l’erreur qui est retenue pour déterminer le départ de la prescription d’une action en nullité de l’intérêt conventionnel (3). Ce coup-ci, cette appréciation est davantage favorable à l’emprunteur. Autrement dit, s’il est établi que l’erreur ne pouvait pas être aisément identifiable, alors le point de départ peut être reporté au moment où les demandeurs ont connu ou auraient pu connaître l’erreur. Cette appréciation n’est pas sans susciter une grande disparité de jurisprudences. Par exemple, il a déjà été admis que la remise du rapport rédigé par un expert sur le calcul du TEG peut constituer le point de départ de la prescription (4).
Quel dossier illustre la difficulté d’appréhender le point de départ de l’action en prescription ?
Sur le terrain, il en va par exemple d’une structure qui a proposé à des clients emprunteurs de recalculer leur TEG avant d’initier des démarches amiables, voire des procédures contentieuses. L’enjeu ? L’obtention de la déchéance du droit aux intérêts, la nullité du taux d’intérêt conventionnel, voire la substitution d’un taux d’intérêt légal moindre. Pour ce type d’opérateur, des difficultés peuvent survenir lorsque les contentieux formulés sur la base de ses rapports échouent notamment en raison du caractère prescrit de l’action.
A titre d’illustration, plusieurs arrêts de la cour d’appel de Paris ont jugé prescrites les actions des emprunteurs ayant fait appel à une société de conseil pour recalculer leur TEG. D’ailleurs, même lorsqu’elles ont passé la barrière de la prescription, les actions initiées par cette société ont régulièrement été rejetées sur le fond en raison du peu de caractère probant de leur rapport (5).
(1) Com. 10 juin 2008, n°06-19452, n°06-18906 et n°06-19905, et 4 mai 2017, n°15-19141.
(2) Civ. 1re, 8 févr. 2017, n°16-11.625.
(3) Civ. 1re, 11 juin 2009, n°08-11755 ; 27 nov. 2013, n°12-22456 et 12-24115.
(4) Cour d’appel, Aix-en-Provence, 28 sept. 2017, n°15/11150.
(5) Cour d’appel, Paris, 22 sept. 2017, n°16/02081.