
Résiliation abusive par l'employeur prêteur

En l’espèce, le 3 avril 1995, la société EDF a consenti à l’un de ses salarié, et à son épouse, un crédit immobilier dans le cadre du dispositif d’aide à l’accession à la propriété. Le 1er janvier 2002, le salarié a démissionné de l’entreprise. Dès lors, la société a appliqué la clause de résiliation de plein droit du contrat de prêt opposable à tout emprunteur qui quitte la société. En application de cette disposition, EDF a assigné le couple en paiement de diverses sommes.
Par une décision du 12 septembre 2014, la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion, a jugé que la résiliation de plein droit du contrat était effective depuis le 1er janvier 2002 et a condamné les emprunteurs à payer à la société EDF une certaine somme, augmentée des intérêts au taux de 6 % l’an à compter de cette date. Les juges ont retenu que la société avait accordé ce prêt en sa seule qualité d’employeur, au regard de l’existence d’un contrat de travail la liant à son salarié. La cour a ajouté que EDF n’était pas un professionnel du crédit et que les emprunteurs ne pouvaient pas revendiquer la qualité de consommateurs.
Des arguments qui n’auront pas convaincu le Cour de cassation. Sur le fondement du Code de la consommation, des textes et de la jurisprudence communautaires, le salarié d’une entreprise, qui conclut un contrat de crédit réservé, à titre principal, aux membres du personnel pour le financement d’un bien immobilier à des fins privées, doivent être considérés comme des «consommateurs», et l’entreprise prêteuse comme un «professionnel», même si consentir des crédits ne constitue pas son activité principale. La Cour de cassation en conclut qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé les textes précités.
La Cour de cassation constate directement le caractère abusif de cette clause et la déclare non-écrite, au motif que « la résiliation de plein droit du contrat de prêt pour une cause extérieure à ce contrat, afférente à l’exécution d’une convention distincte, une telle clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement et à une modification substantielle de l’économie du contrat de prêt».
Cass. civ. 1, 5 juin 2019, n° 16-12.519, FS-P+B+I
CA Saint-Denis de la Réunion, 12 septembre 2014, n° 13/00928
Art. L. 132-1 du Code de la consommation
CJUE du 19 mars 2019 (CJUE, 19 mars 2019, aff. C-590/17