Vincent Legrand, directeur général de Dorémi

«Parler de 4,8 millions de passoires thermiques est une aberration !»

Pour le dirigeant de Dorémi, expert en rénovation énergétique, les propriétaires doivent absolument avoir une approche globale des travaux s'ils veulent espérer une réelle amélioration.
Vincent Legrand, directeur général de Dorémi

L’étude Tremi parue en 2018 révèle que 75% des rénovations énergétiques ne permettent pas d’améliorer le DPE d’un logement. Comment l’expliquez-vous ?

Trop de rénovations énergétiques sont réalisées opération par opération alors qu’il faut avoir une vision globale pour qu’elles soient performantes. L’approche par gestes ne permet d’améliorer l’empreinte énergétique d’un logement qu’à la marge. Les deux principales opérations de transformation menées en France aujourd’hui sont les changements de menuiseries et de chaudières. Or, pour qu’un logement soit énergétiquement performant, il faut prendre en compte six postes de travaux : sol, murs, toiture, menuiseries, ventilation et chauffage.

Cette approche globale est aussi nécessaire à l’échelle d’une copropriété ?

Bien sûr, rénover appartements par appartements n’a pas de sens ! Le problème est d’obtenir l’accord des autres co-propriétaires. Mais il faut bien comprendre une chose : sans rénovation globale, ils ne peuvent améliorer ni la performance globale de l’immeuble, ni celle des appartements rénovés. Tenter de transformer son logement tout seul de son côté est compliqué et souvent inefficace car il peut subsister des ponts thermiques et des déperditions de chaleur. C’est pour cela que l’ensemble de l’immeuble doit être analysé et rénové. Sans quoi les efforts individuels des propriétaires seront vains.

« La rénovation énergétique est à la portée de toutes les bourses ! »

Une rénovation globale a un coût. A combien l’estimez-vous ?

Cela dépend des logements, mais on peut raisonnablement avancer que pour faire passer une maison de 100m² classée F ou G à B, il faudra engager entre 40.000 et 65.000 euros.

Une somme conséquente clairement hors de portée de certains ménages…

Les propriétaires doivent se renseigner sur les dispositifs d’aides publiques auxquels ils ont droit car ils peuvent avoir de bonnes surprises. Et pour cela, ils peuvent se faire accompagner par des professionnels qui les conseilleront sur les montages financiers les plus pertinents.

Certes, mais avancer 40.000 euros peut être compliqué pour certains Français.

La rénovation énergétique est à la portée de toutes les bourses ! En réalité, les ménages les plus modestes peuvent bénéficier d’une avance de la part de MaPrimeRénov’, ce qui les dispense d’un effort de trésorerie. 66% des ménages que nous accompagnons sont d’ailleurs considérés comme modestes voire très modestes. Les ménages les plus aisés ont la surface financière pour engager les travaux. C’est donc pour les ménages intermédiaires que l’inquiétude est la plus grande car ils ne peuvent pas bénéficier de cette avance. Si leur trésorerie est insuffisante, ils doivent recourir à d’autres solutions, comme des prêts bancaires.

Vous pensez au Prêt avance mutation ?

Pour l’instant c’est un non-sujet. Jusqu’à présent, seules deux banques les proposent en France. Ce n’est clairement pas sur ce point qu’il faut miser le plus.

« Ce n’est pas en trafiquant le thermomètre que l’on fait baisser la fièvre ! »

Une bataille sur le nombre de passoires thermiques en France commence à naître. Qu’en pensez-vous ?

Parler de 4,8 millions de logements concernés est une aberration ! Le ministère du Logement s’est basé sur une étude à la méthode erronée [Fidéli 2018, base des DPE 2017 et 2018 de l’Ademe, modèle Enerter (année 2015), ndlr]. Quelques chiffres pour avoir une vision plus réaliste : les maisons représentent 56% du parc ancien. 8 millions d’entre elles ont été construites avant 1975, c’est-à-dire avant l’arrivée des premiers isolants sur le marché de la construction. L’essentiel de ces logements sont des passoires énergétiques. Ce n’est pas en trafiquant le thermomètre que l’on fait baisser la fièvre.

Quels conseils donnez-vous aux ménages concernés ?

Premièrement : se renseigner sur une rénovation globale de leur logement et pas que sur des changements cosmétiques comme les fenêtres ou les chauffages. Il faut avoir une vision d’ensemble et même faire venir les artisans en même temps pour qu’ils se coordonnent afin d’éviter au maximum les déperditions de chaleur et d’énergie. Deuxièmement : se renseigner sur les dispositifs d’aides et les montages financiers possibles pour réduire au maximum l’avance de frais. J’ajouterai qu’il ne faut pas oublier qu’à la clé, on parle d’importantes économies de facture. Nos clients divisent en moyenne leur facture de chauffage par quatre.