
Les clés de l'évaluation d'une entreprise

Pour les professionnels de la gestion privée et les conseillers indépendants, la cession ou la transmission d’une entreprise sont parties intégrantes de leur activité. Cependant, si les problématiques fiscales et patrimoniales des transmissions sont largement commentées, il est assez rare de présenter les méthodes qui conduisent à la détermination de la valeur de l’entreprise. Il faut rappeler que cette valeur va servir de base à la fixation d’un prix qui dépendra de la négociation entre les deux parties acheteuse et vendeuse.
La valorisation d’une entreprise est un métier à part entière mais il existe au moins une règle générale. En finance, la valeur d’un actif se définit comme la somme de ses flux futurs actualisés. C’est de cette manière que se détermine la valeur présente d’une action ou d’une obligation. Il en est de même pour la valorisation d’une entreprise telle qu’une PME. C’est ce que nous allons voir dans l’exemple suivant.
DONNÉES DE L’EXEMPLE
L’entreprise Déraisonnable est basée sur la French Riviera et fabrique des vêtements haut de gamme sportwear. Les dirigeants envisagent de la vendre à un fonds d’investissement qui serait intéressé en fin d’année 2020. Le chiffre d’affaires 2016 est prévu à un million d’euros, les charges fixes annuelles sont de 100.000 euros et les charges variables sont de 25 % du chiffre d’affaires, dont la croissance est anticipée à 6 %, de même que la croissance des charges fixes.
L’entreprise a prévu le programme d’investissement suivant pour lequel elle pratique des amortissements linéaires sur quatre ans. Les dotations pour les investissements anciens sont de 10.000 euros par an (voir le tableau 1).
Du fait des conditions du marché et de la situation de l’entreprise, le fonds d’investissement pratique un taux d’actualisation de 5 % (1) et souhaite une valeur de revente égale à 1,5 fois le dernier chiffre d’affaires.
L’entreprise Déraisonnable n’est pas endettée. Les dirigeants estiment que leur BFR correspond à deux mois de chiffre d’affaires.
Le taux d’impôt sur les sociétés (I/S) est de 33,33 %.
MÉTHODOLOGIE
Le fonds d’investissement utilise une méthodologie courante fondée sur l’actualisation des flux futurs connue sous le nom de méthode DCF (2). En pratique, il s’agit de déterminer les flux de trésorerie futurs disponibles que l’entreprise est en mesure de dégager de manière régulière en prenant en compte ses revenus d’exploitation, l’impôt sur les sociétés, les investissements, etc.
Cette méthodologie s’établit en plusieurs temps :
- Etape 1 : calculs préalables du résultat net et de la variation du BFR.
- Etape 2 : estimation des flux de trésorerie disponible (FTD) futurs sur la base des hypothèses de croissance.
- Etape 3 : détermination de la valeur terminale de revente.
- Etape 4 : actualisation de l’ensemble des flux futurs sous la forme suivante :
V0 = [(FTD) / (1+i)] + [(FTD2) / (1+i)2] + [(FTD3) / (1+i)3] +[(FTD4) / (1+i)4] + [V4 / (1+i)4]
- Etape 5 : somme des flux futurs actualisés et valorisation.
APPLICATION
Calcul préalable du résultat net.
Ce calcul se fait sur la base des hypothèses de progression du chiffre d’affaires et des charges fixes (+6%) (voir le tableau 2).
Calcul préalable du BFR et de sa variation.
Le besoin en fonds de roulement (BFR) traduit les montants immobilisés dans le circuit d’exploitation. Comptablement, il se compose des stocks auxquels s’ajoutent les créances d’exploitation et dont on enlève les dettes d’exploitation. En pratique, le BFR correspond au décalage entre les sommes reçues de la part des clients et celles versées aux fournisseurs. Dans notre exemple, par hypothèse, le BFR est égal à deux mois de chiffre d’affaires.
Notre calcul prendra en compte non pas le BFR lui-même, qui est un stock, mais sa variation qui est un flux positif ou négatif. Si la variation du BFR est positive, les délais de paiement accordés aux clients s’allongent et ceux imposés par les fournisseurs diminuent, l’entreprise s’expose à un besoin de ressources. Dans le cas inverse, si la variation du BFR est négative, l’entreprise profite d’un décalage favorable entre les délais de paiement clients et ceux des fournisseurs, il s’agit d’un emploi (voir le tableau 3).
Calcul des flux et valorisation.
Le cœur de la méthode repose sur la détermination des FTD qui rassemblent les flux de trésorerie positifs et négatifs issus de l’activité courante de l’entreprise. Il s’agit du résultat d’exploitation auquel sont rajoutées les dotations aux amortissements (qui ne sont pas de vrais sorties de trésorerie qui sont déduites comptablement et ajoutées financièrement). Nous devons ensuite retrancher les principales dépenses courantes (I/S, investissements) ainsi que la variation du BFR dès lors qu’elle est positive (voir le tableau 4).
Le dernier FTD comprend une estimation de la valeur terminale de l’entreprise en cas de revente. Par hypothèse, celle-ci est égale au dernier chiffre d’affaires multiplié par un coefficient de 1,5.
Les FTD sont ensuite actualisés au taux de 5 %. La somme de l’ensemble des flux actualisés fournit la base de valorisation au 01/01/2016 (voir le tableau 5).
La valorisation de l’entreprise Déraisonnable à ce jour est donc égale à 2,7 millions d’euros. C’est sur cette base que la négociation d’un prix de vente devrait s’effectuer.
La méthodologie présentée ici peut servir de base à un travail d’évaluation sans oublier qu’elle est extrêmement dépendante du taux d’actualisation et des hypothèses servant à établir les projections. Il est donc préférable d’effectuer des estimations en faisant varier les différents paramètres.
(1) Ce taux d’actualisation dépend principalement du niveau du taux sans risque auquel s’ajoute une prime de risque en fonction des caractéristiques et de la situation financière de l’entreprise évaluée.
(2) Discounting cash-flows ou actualisation des flux de trésorerie disponibles.