
L’ascension des prix n'est pas observable sur tout le territoire

Si les indices de prix fournis par les différents acteurs de l’immobilier résidentiel sèment parfois le trouble dans les esprits, déclenchant critiques et contrariétés lorsque leurs résultats à court terme ne convergent pas, il est un constat qui reste immuable : aucun calcul des prix, aussi complexe soit-il, ne peut retracer en temps réel la conjoncture immobilière. Sans remise en question de la fiabilité des données de chacun, il s’agit de prendre un peu de recul autant sur les chiffres annoncés que sur les sentiments qu’ils suscitent.
Une moyenne nationale n’ayant pas d’autre sens que de fournir au lecteur l’empreinte d’une tendance qui se révèle ne pas correspondre à la réalité applicable au lieu de résidence de celui-ci, il convient de fragmenter le marché en plusieurs marchés, voire en micromarchés, et de garder à l’esprit que d’une région, d’une ville, d’un arrondissement, d’un quartier et d’une rue à l’autre, les prix ne varient pas nécessairement au même moment, et surtout pas dans les mêmes proportions.
Des évolutions de prix dans l’ancien…
Aussi et sans surprise, l’Ile-de-France, Paris en particulier, tire la moyenne nationale vers le haut tandis que d’autres régions voient leurs prix diminuer. Ainsi, Century 21 constate une baisse sur 12 mois - du premier semestre 2010 au premier semestre 2011 - de 2,59 % en Aquitaine, de 4,34 % en Alsace et de 6,89 % en Bourgogne alors que l’agent immobilier note une progression de 7,28 % en Lorraine et de 14,30 % dans les Pays-de-la-Loire. Sur un an - entre le premier trimestre 2010 et le premier trimestre 2011 -, les notaires de Paris-Ile-de-France ont également enregistré des hausses de prix en Ile-de-France tous biens anciens confondus mais, évidemment, avec une forte hétérogénéité entre les régions courant de 3,7 % pour les maisons anciennes en Seine-Saint-Denis à 20,8 % pour les appartements parisiens. Entre les communes, le contraste est tout aussi saisissant : +2 % à Créteil dans le Val-de-Marne, +20,1 % à Courbevoie dans les Hauts-de-Seine.
Des disparités qui persistent, si l’on en croit l’analyse de Sébastien de Lafond, président de MeilleursAgents.com, notant « une fracture entre Paris, les Hauts-de-Seine et l’est des Yvelines d’un côté ; et la Seine-Saint-Denis, le Val-de-Marne et le reste de la grande couronne de l’autre, ces derniers départements faisant état d’un ralentissement de la hausse des prix depuis six mois alors que les premiers continuent sur la lancée de 2010 ».
… à relativiser.
Pour ne reprendre que l’exemple de l’Ile-de-France où l’augmentation des prix sur un an est tout à fait percutante, plusieurs analyses invitent à relativiser la hausse. Lorsqu’un marché immobilier accuse de telles perturbations comme celles qu’il a connues ces deux dernières années, sa configuration s’en trouve modifiée et les indices deviennent peu représentatifs de la valeur réelle des biens. C’est le constat qu’avait établi en juillet dernier Michel Mouillart, professeur d’économie à l’université de Paris X, sur la baisse des prix observée en 2009 : « L’impression que les prix ont reculé vient du blocage du circuit de la revente qui a fait sortir les biens les plus chers (mais aussi les meilleurs et les plus beaux) du marché. Les indices ont reculé parce que la composition du marché a changé » (L’Agefi Actifs n°454, p. 12). Les indices ne prenant pas ou que partiellement en compte l’effet qualité des biens, leur évolution s’en est trouvée altérée.
A l’inverse, au cours de l’année 2010, « les revendeurs, en retrait en 2009, sont revenus et ont présenté des biens de qualité supérieure, ce qui a accentué la hausse des prix jusqu’à maintenant. Lorsque la reconstitution du marché de la revente sera terminée, l’effet d’accélération des prix que l’on remarque aujourd’hui s’affaiblira. On verra donc une progression qui sera très certainement davantage en rapport avec ce que l’on considère comme étant les fondamentaux du marché : les revenus et les taux d’intérêt », explique Michel Mouillart. Tous les vendeurs se calant sur les derniers prix au m_ connus, les biens de qualité moyenne en Ile-de-France sont restés, en ce premier semestre 2011, en dehors du marché, observe Sébastien de Lafond.
La hausse des coûts de revient gonfle les prix du neuf.
Concernant l’activité sur le marché du collectif neuf, le tableau brossé par Christian Rolloy, président directeur général de Promogim, n’est pas porteur d’espoir. Pour le professionnel, les coûts de production sont de plus en plus importants, énumérant l’ensemble des obligations auxquelles les promoteurs doivent faire face et qui entraînent une hausse des prix de vente. La liste des remontrances est longue. D’abord, le pourcentage d’habitats sociaux dans les programmes est trop élevé, ce qui augmente le prix des logements libres. Egalement mis en cause, le pourcentage de logements familiaux imposé par certaines communes, sans rapport avec la capacité d’absorption du marché, ce qui oblige les promoteurs à baisser le prix de ces derniers et à reporter ce manque à gagner en augmentant le prix des petites surfaces.
Ce sont aussi les réglementations concernant les handicapés qui sont pointées du doigt. Puis le foncier, rare et cher mais davantage pour des raisons administratives que de pénurie. L’Ile-de-France et quelques secteurs bien identifiés mis à part (Saint-Tropez, Courchevel...), la charge foncière ne représenterait toutefois que 18 % du prix de revient. En revanche, le coût de construction qui, lui, correspondrait à 50 % du prix de revient, croît avec l’inflation des matières premières et la mise en place de la norme BBC qui s’est traduite par une augmentation de l’ordre de 120 euros/HT/m_ habitable.
Malgré tout, Guy Nafilyan, président directeur général de Kaufman & Broad, ne s’attend pas à une forte augmentation des coûts de production et prévoit un renchérissement de ses prix de vente contenu entre 3 à 4 % en 2011. De son côté, Marc Pigeon, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) table sur légère progression du marché en fin d’année. Alors que l’Union des Maisons Françaises (UMF) anticipait il y a quelques mois une croissance des prix pour les maisons individuelles en diffus comprise entre 13 et 18 % due au passage au BBC, la nouvelle réglementation devrait finalement engendrer une hausse de l’ordre de 8 % à 10 %.
Une année 2011 qui s’annonce moins dynamique.
Tandis que les ventes de logements brutes (appartements collectifs et habitat individuel groupé) ont progressé en 2010 de 8,6 %, atteignant 115.051 unités selon le Ministère du Logement, les réservations de maisons individuelles en diffus ont augmenté de près de 15 % à 195.600 unités, selon les données de l’indicateur Markémétron. L’année 2011 ne devrait pas afficher d’aussi belles performances. Anticipant la diminution de l’avantage fiscal consenti par le Scellier en 2011, les investisseurs ont réalisé leurs acquisitions fin 2010, laissant un vide d’activité au début de l’année 2011. Par ailleurs, les taux d’intérêt d’emprunt n’ont cessé d’augmenter depuis l’automne (1) et la mise en place du PTZ+ a nécessité un temps d’adaptation. De plus, le nouveau dispositif est moins avantageux que l’ancien pour les maisons individuelles en secteur diffus, souvent situées en zone C, notamment pour le financement en BBC.
Conjugués à une légère hausse des prix, ces différents facteurs pourraient entraver la demande de plus de 15 % pour ce qui concerne l’activité des promoteurs, portant le volume des ventes en dessous des 100.000 logements, et de 5 % pour les maisons individuelles, selon les estimations de Dominique Duperret, secrétaire général de l’Union des Maisons Françaises (UMF), à condition que les taux d’intérêt ne montent pas significativement - auquel cas l’activité pourrait chuter entre 5 à 10 %. Pour l’heure c’est une diminution de 4,3 % qui est constatée entre les cinq premiers mois de l’année 2011 et la même période un an auparavant.
(1) Selon Empruntis, les taux fixes sont passés de 3,50 % à 4,05 %, de 3,65 % à 4,30 % et de 3,90 % à 4,45 % de juillet 2010 à juillet 2011 respectivement pour les durées de 15, 20 et 25 ans.