Encadrement des loyers

La mesure partage la classe politique mais aussi les professionnels de l’immobilier

L’économiste Michel Mouillart s’interroge sur le bien-fondé d’un tel dispositif dans un contexte où les loyers ont évolué au même rythme que le revenu disponible - Une étude réalisée par des sociologues dans la région lyonnaise tend à relativiser l’impact négatif de l’encadrement des loyers sur l’investissement locatif.

Lors du Sommet de l’Immobilier et de la Construction organisé par la Fédération française du bâtiment (FFB), le 7 mars dernier, Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, a rappelé la volonté du candidat de gauche de mettre en place des « mesures d’encadrement des loyers à la relocation dans les zones de fortes tensions ». Une proposition aussitôt contestée par Jean-François Copé, secrétaire général du groupe UMP et soutien du candidat de droite, dénonçant « une logique malthusienne » sans « aucun sens » qui conduira les ménages à ne plus louer leurs biens.

L’Agefi Actifs a cherché à apporter quelques pistes de réflexion sur le sujet.

L’Agefi Actifs. - Les mesures d’encadrement des loyers ont-elles un sens ?

Michel Mouillart. - La démarche que nous soutenons dans le cadre de l’Observatoire Clameur consiste à apporter un éclairage sur les mécanismes qui sous-tendent le fonctionnement du marché locatif, à apprécier le niveau et les évolutions de loyers dans les différentes zones géographiques en distinguant ce qui relève des conséquences de l’effort d’amélioration de ce qui provient des tensions de marché.

Aujourd’hui, je me pose la question suivante : sauf à laisser croire que la variation de loyer entre un ancien et un nouveau locataire constitue une mesure des évolutions des loyers de marché (ce qui n’est pas le cas), qu’est-ce qui fonde le diagnostic selon lequel les loyers auraient dérapé dans les grandes villes ? Dans les villes de plus de 60.000 habitants, les loyers ont augmenté en moyenne de 2,6 % par an sur longue période alors que, dans le même temps, le revenu brut disponible par ménage a progressé de 2,3 % par an. A Paris, les loyers ont progressé de 3,4 % par an depuis 15 ans (parallèlement, les parisiens déclarent des revenus supérieurs de près de 40 % à ceux du reste du territoire).

Aussi, s’il n’y a pas dérapage des loyers, pourquoi alors souhaite-t-on les encadrer ?

Parce que les revenus des locataires augmentent moins vite que les loyers…

- Ce n’est qu’une hypothèse parmi d’autres. Il n’y a pas d’élément récent permettant d’affirmer que l’évolution du revenu moyen par locataire ait été moins importante que celle des loyers.

Je ne conteste pas le fait que le poids du loyer dans le budget des locataires ait progressé, aussi bien pour le parc locatif privé que social d’ailleurs. Cependant, entre 1996 et 2006, dernière année pour laquelle des constats appropriés sont disponibles, on a assisté d’une part à une érosion des aides personnalisées au logement (et le taux d’effort tient compte de ces aides) et, d’autre part, à une baisse des revenus moyens des locataires. Mais cette forme d’appauvrissement apparent est due au fait que les locataires les plus riches (dont la part du loyer dans le revenu est aussi plus faible) ont quitté ces patrimoines locatifs pour accéder à la propriété. Cela ne signifie pas pour autant que le revenu des ménages locataires restant a diminué.

Si les ménages peinent à faire face à toutes leurs dépenses, ce n’est pas forcément un problème de marché du logement, mais c’est un vrai problème de pouvoir d’achat.

Je ne pense pas qu’une politique de logement puisse se construire durablement sur des diagnostics mal fondés sur la réalité.