
La France et l’Allemagne s’entendent sur les donations et les successions

Le gouvernement a publié le 29 avril dernier, par la voie d’un décret (1), la convention entre la France et l’Allemagne portant sur les droits de mutation à titre gratuit. « La portée de cette initiative est à souligner dans la mesure où c’est la septième fois seulement que la France convient d’un accord de ce type concernant à la fois les successions et les donations », remarque Mireille Schröder, gérante du cabinet MSCI. La date d’entrée en vigueur du document, préalablement fixée au 3 avril 2009, n’a pas été modifiée. « Ce texte est dépourvu d’effet rétroactif alors même que la signature entre les deux Etats remonte au 12 octobre 2006 »,précise la responsable.
Il est à noter que cet accord se distingue des avenants signés cette année par la France avec la Suisse et les Etats-Unis, en matière d'impôt sur le revenu et la fortune, qui ne sont pas encore entrés en vigueur (lire l’Agefi Actifs n°381, p 5 et n°387, p 6).
Parts de sociétés immobilières.
« Bien que cette convention soit conforme aux principes posés par le modèle de convention fiscale de l’OCDE, elle comporte des clauses particulières pour tenir compte de la spécificité des législations des deux Etats. Un des premiers enseignements porte sur l’assimilation des parts de sociétés à prépondérance immobilières à des immeubles », explique Mireille Schröder. L’article 5 de la convention prévoit ainsi que les actions ou les parts de société dont l'actif est constitué pour plus de la moitié d'immeubles situés dans un des états contractant sont considérés comme des biens immobiliers. En la matière, le principe applicable demeure que ces biens, transmis à l’occasion de l’ouverture de la succession d'une personne domiciliée en France, sont imposés en Allemagne s'ils y sont localisés.
Selon Guillaume Masse, avocat chez LSK & associés, « il s’agit d’un alignement sur le droit commun des conventions fiscales. Cette disposition fera obstacle aux montages de financements immobiliers permettant à leurs constituants de bénéficier du régime fiscal applicable aux transmissions de biens mobiliers, plus favorable parce qu’imposables en Allemagne où le barème d’imposition est moins élevé ».
Eliminer les doubles impositions.
« Ce document présente aussi l’intérêt de définir des règles destinées à éliminer les cas de double imposition en consacrant le système de crédit d’impôt », poursuit Mireille Schröder. « La difficulté antérieure résultait de l’application par les deux pays, comme base de calcul de l’impôt, du principe d’une territorialité mondiale », relève Guillaume Masse. Désormais, lorsque le défunt au moment du décès ou le donateur au moment de la donation est domicilié en France, l’administration française impose l'ensemble des biens qui font partie de la succession ou de la donation, y compris les biens qui sont imposables en Allemagne. Elle accorde, alors sur cet impôt, une déduction égale à la taxe acquittée en Allemagne, dans la limite du montant payé en France sur ces biens. Dans un autre cas de figure où défunts et donateurs ne sont pas domiciliés en France, l'impôt français n’est calculé que sur les biens localisés dans l'Hexagone.
Il est également prévu qu’un héritier, légataire ou donataire domicilié en France au moment du décès du défunt ou au moment de la donation, fasse l’objet d’un prélèvement du fisc français sur tous les biens reçus, à charge pour l'administration fiscale d’imputer sur l'impôt en question celui payé en Allemagne.
Transfert temporaire de résidence.
Parmi les autres précisions apportées par cet accord, l’article 4 prévoit de maintenir la qualité de résident fiscal à la personne qui a transféré de façon temporaire sa résidence ou un bien, « ce qui a le mérite de sécuriser la situation des salariés en détachement à l’étranger », retiennent les experts. Plus précisément, il est désormais établi que la personne qui possédait au moment de son décès la nationalité française et qui était domiciliée dans les deux Etats est considérée comme domiciliée en France, selon la convention, « si elle avait l’intention manifeste de ne pas conserver indéfiniment son domicile »en Allemagne et si elle y avait été domiciliée « au total moins de 5 ans au cours de la période de sept ans précédant immédiatement le moment »du décès.
(1) Décret n° 2009-487 du 29 avril 2009, JORFdu 2 mai 2009