
La CJUE se prononce sur les prélèvements sociaux
Les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine entrent-ils dans le champ du Règlement européen de 1971 qui coordonne les systèmes de Sécurité sociale ? En répondant favorablement à cette question, un arrêt rendu le 26 février dernier par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) ouvre la voie à de nombreuses réclamations, en particulier sur les prélèvements sociaux payés par les non-résidents pour des biens immobiliers détenus en France.
Règlement applicable.
En l’espèce, l’administration française réclame le paiement de prélèvements sociaux sur des revenus du patrimoine de source néerlandaise (rentes viagères) à un résident français relevant de la Sécurité sociale des Pays-Bas. Selon elle, ces prélèvements sont un impôt et non une charge sociale ce qui, d’une part, l’exclut du champ du Règlement de 1971 et qui, d’autre part, permet de réclamer son paiement en France.
Mais la CJUE n’est pas du même avis. Elle déclare que ces prélèvements sur les revenus du patrimoine présentent un lien direct et pertinent avec la Sécurité sociale lorsqu’ils participent à son financement. Ils entrent donc dans le champ d’application du règlement. Or, les personnes soumises au Règlement de 1971 ne peuvent se voir appliquer que la législation d’un seul Etat membre. « La qualification d’impôt par la législation nationale n’est pas exclusive de celle de cotisations sociales au niveau européen, constate Sandrine Quilici, directeur de l’ingénierie patrimoniale chez Pictet. Aussi, la Cour ne recherche pas l’existence de prestations sociales en contrepartie mais la participation de ces prélèvements au financement et à l’apurement du déficit de la Sécurité sociale suffit. » Elle poursuit : « De plus, la CJUE rappelle la règle de l’unicité de la législation et écarte sa remise en cause du fait que la cotisation sociale sur les revenus du patrimoine n’aurait pas encore été soumise à cotisations sociales dans l’autre Etat membre. »
Etre assuré.
La CJUE suit ainsi sa jurisprudence rendue en 2000 qui juge incompatible avec l’interdiction du cumul des législations sociales le prélèvement de la CSG et de la CRDS portant sur les revenus d’activité de résidents français travaillant et assurés dans un autre Etat membre. A ce propos, dans l’arrêt du 26 février dernier, la Cour apporte une précision importante en déclarant que le règlement s’applique indépendamment de l’exercice de toute activité professionnelle. « La seule condition est qu’elle soit assurée à un régime de Sécurité sociale de manière obligatoire ou facultative » , explique Sandrine Quilici.
Adaptation.
En s’appuyant sur l’arrêt de la CJUE, le Conseil d’Etat qui a posé la question préjudicielle va statuer définitivement sur le contentieux. De son côté, le gouvernement a indiqué qu’après cette décision, il « sera, le cas échéant, amené à prendre les dispositions éventuellement nécessaires ». Sandrine Quilici s’interroge donc : « Dans quelle mesure le droit interne va-t-il être adapté rapidement étant donné que les faits de l’espèce sont particuliers et ne concernent pas directement les non-résidents ? »
Réclamations.
Reste à tirer les conséquences de cet arrêt pour les personnes ayant payé les prélèvements sociaux. « Deux catégories de personnes sont concernées et peuvent demander le remboursement des prélèvements sociaux qu’elles ont déjà versés : les non-résidents sur leurs revenus fonciers et plus-values immobilières ainsi que les frontaliers, résidents français qui travaillent dans l’Union européenne, sur tous leurs revenus du patrimoine et de placement, le point déterminant étant que ces personnes soient rattachées à un régime social d’un autre Etat membre que la France », indique Bruno Knadjian, associé du département Droit fiscal du cabinet Hogan Lovells.
La réclamation doit être déposée le 31 décembre de la deuxième année suivant son paiement pour les plus-values immobilières ou l’avis d’imposition pour les revenus fonciers. « L’action est donc prescrite pour les plus-values réalisées en 2012. Pour les revenus fonciers de 2012 (avis d’imposition en 2013), le délai court jusqu’à la fin de cette année, précise l’avocat. Cette mesure devrait coûter à l’Etat 250 millions d’euros par an. »