
Immobilier : la dégradation s’accélère

Les études sur le marché immobilier s'enchainent et apportent avec elles leur petite touche de morosité. Le dernier Observatoire Crédit Logement / CSA (1) n'échappe pas à la règle. Comme la majorité des notes publiées récemment, il témoigne d'indicateurs qui se déteriorent et qui pourraient très bientôt tourner au rouge écarlate.
La production de crédit s’écroule
C’est un point de divergence profond entre la Banque de France (BDF) et les professionnels du financement immobilier, courtiers en tête. Ces derniers ne cessent de vilipender l’institution pour sa méthode de calcul de la production de crédits, jugée en décalage avec le marché. A en croire la BDF, la production de crédit se porte au mieux et serait toujours très dynamique. Les courtiers, eux, ont une autre version, dans laquelle ils disent voir exploser les refus de financement de dossiers. L’Observatoire Crédit Logement / CSA se range plutôt de leur côté.
«Dans le contexte d’une stricte application des recommandations du HCSF et d’une détérioration du pouvoir d’achat, le nombre de prêts accordés s’est affaibli dès le début de l’année 2022», écrivent ses auteurs. La guerre en Ukraine en a ajouté une couche et accru la pression inflationniste, alors que le moral des Français commençait à décliner. Un «choc supplémentaire sur la demande de crédits» qui a «transformé le ralentissement du début d’année en dégradation du marché».
Source : Observatoire Crédit Logement / CSA
Les taux s’emballent
Au premier trimestre 2022, les banques affichaient des taux d’intérêt de leurs crédits immobiliers de 1,40% en moyenne, toutes durées confondues. Une moyenne qui dissimule l’accélération de la remontée. Alors que les taux n’ont augmenté que de 4 points de base (pdb) durant les deux premiers mois de l’année, ils se sont emballés sur les quatre derniers mois, bondissant de 42 pdb.
Bien que la remontée des taux d’intérêt affole les ménages qui veulent acheter, les professionnels du financement ne cessent de rappeller qu’ils se situent toujours à des niveaux historiquement bas. «Le taux d’intérêt réel sur les crédits immobiliers est largement négatif, à un niveau sans précédent depuis 1949, écrivent les experts de l’Observatoire. En juin, seuls 4% des emprunteurs supportent un taux compris entre 2% et 2.25%, pour une inflation mesurée en niveau annuel glissant à 3.91% en glissement annuel d’après l’IPCH. La totalité des emprunteurs bénéficient donc de crédits à des taux très largement inférieurs à l’inflation, ce qui ne s’était jamais constaté depuis la fin des années 50».
Pour amortir la hausse des taux d’intérêt et composer avec les 35% d’endettement imposés par le Haut conseil de stabilité financière (HCSF), les emprunteurs n’ont souvent d’autres choix que de s’endetter sur du très long terme. La durée d’endettement n’a cessé d’augmenter depuis 200, passant de 13,6 ans en moyenne (163 mois) à 20 ans en juin dernier (240 mois). Les plus jeunes sont les premiers à avoir eu recours à ce stratagème : 78.5% des moins de 35 ans ont bénéficié d’un prêt à plus de 20 ans au 2ème trimestre, contre 69.7% il y a un an à la même époque. Mais cette stratégie semble approcher de ses limites : depuis décembre 2021, le taux d’annuité n'a augmenté que de 4,7%.
Et non seulement les Français s’endettent plus longtemps, mais ils empruntent également davantage. Le montant moyen des crédits octroyés au premier semestre a augmenté de 8% en glissement annuel, alors qu’il était déjà en hausse de 2,8% en 2021. La faute à un marché immobilier haussier ces sept dernières années. Autre moyen de faire face à la flambée des prix : augmenter l’apport personnel. Au deuxième trimestre, les Français mobilisaient 43,5% de fonds propres de plus que fin 2019, alors que «le marché était alors au zénith et le taux d’apport au plus bas», soulignent les auteurs de l’Observatoire.
Les Français ont gagné 1m² en un an
Malgré l’accumulation de ces mauvais chiffres, le pouvoir d’achat immobilier des ménages a légèrement augmenté. Ils ont gagné en moyenne 1m² en un an. Une augmentation en réalité artificielle car résultant de l’exclusion du marché des ménages aux plus faibles revenus et apports.
(1) L'Observatoire Crédit Logement / CSA du Financement des Marchés Résidentiels est né de la synergie entre le Professeur Michel Mouillart, l'Institut CSA et Crédit Logement. Les analyses réalisées par l'Observatoire s'appuient sur un portefeuille d’environ 310.000 opérations immobilières nouvelles garanties chaque année. Les publications ont été élaborées en tirant avantage de la très bonne représentativité de Crédit Logement dans la production de crédits immobiliers, ainsi que de la structure de marché utilisée par l'Instit