GRAND PRIX DU PATRIMOINE JEUNES DIPLôMéS 2009

Deux étudiantes de Toulon délivrent leurs conseils à Bernard Leprince

Défendant les couleurs du master 2 Droit et gestion de patrimoine de l’université de Toulon, elles terminent deuxièmes du Grand Prix de l’Ingénierie Sur les bases de la situation exposée dans notre précédent numéro, elles se penchent sur le cas d’un riche sexagénaire et de ses projets immobiliers.

Faisant suite à notre entretien confidentiel, nous avons le plaisir de vous présenter notre analyse patrimoniale et nos propositions de solutions qui répondent à vos objectifs. Naturellement, nous restons à votre écoute et à votre disposition pour vous accompagner dans votre projet.

Situation de famille.

Vous avez 60 ans et êtes célibataire sans enfant. Vous avez un frère, Jean-Pierre, et une sœur, Martine, veuve et mère de Mélanie, 20 ans. Votre père, Jacques, est décédé et votre mère, Jacqueline, a 96 ans.

Situation patrimoniale.

Vous possédez avec votre sœur Martine, à parts égales et en nue-propriété, les parts de la SCI « Le Soleil » comprenant une maison dans le Midi, estimée à 300.000 euros dont votre mère est usufruitière.

Vous disposez de la moitié des parts sociales dans la SCEA « La Ferme », propriétaire exploitante, se composant de terres agricoles et d’une ferme estimées à 2,25 millions d’euros en région normande et dont l’exploitation rapporte 30.000 euros par an. Votre sœur et vous-même avez chacun un compte courant d’associé dans cette société d’un montant de 300.000 euros.

La SCEA « La Ferme » détient également la totalité des parts de la SCI « Le Château » qui possède un château d’une valeur de 2,5 millions d’euros. Votre mère occupe ce château à titre gratuit et supporte l’entretien courant de ce dernier, soit 120.000 euros par an (voir schéma 1).

Vous possédez également en nom propre cinq mas dans le Luberon, évalués à 14 millions d’euros. Vous occupez à titre d’habitation principale les combles de l’un d’entre eux. Le reste de la propriété est destiné à la location. En outre, la SCI « Les Mas », dont vous êtes propriétaire de 99 % des parts, détient cinq mas supplémentaires estimés à 11 millions d’euros (voir schéma 2).

Vous avez un compte courant dans la SCI « Les Mas » d’un montant de 800.000 euros. Cette société doit également rembourser un prêt in fineau mois de juin 2009 d’un montant de 1,2 million d’euros.

Le 1 % restant est détenu par l’EURL « Le Hameau » dont vous êtes l’unique associé. Locataire de l’ensemble des mas, elle verse un loyer annuel d’un montant de 80.000 euros à la SCI « Les Mas » et de 12.000 euros à vous-même.

L’EURL « Le Hameau » loue les mas et met à la disposition des locataires des services de restauration et du personnel d’entretien. Son chiffre d’affaires s’élève à 700.000 euros, avec un résultat équilibré. Votre compte courant d’associé dans cette société est de 300.000 euros. Voir tableau 1.

Situation fiscale.

Vous n’êtes pas assujetti à l’impôt sur le revenu. Votre base d’imposition pour le calcul de l’impôt sur la fortune est d’environ 2,5 millions d’euros et, à ce titre, vous avez acquitté en 2008 la somme de 15.000 euros.

Vos objectifs.

Lors de notre rencontre, vous nous avez fait part de vos objectifs et de vos motivations :

- Vous souhaitez investir dans le hameau du Luberon en le dotant d’une chapelle traditionnelle et d’un lac à proximité. Le coût de ce dernier s’élève à 2,5 millions d’euros.

-Vous souhaitez déterminer comment rembourser le prêt in fine au mois de juin prochain.

- Votre sœur et vous-même désirez vendre le château et la ferme, ensemble ou séparément. En cas de vente du château, une solution adaptée d’hébergement pour votre mère doit être trouvée.

- Vous souhaitez conserver votre maison dans le sud de la France.

Afin de répondre à vos objectifs tout en sécurisant votre opération patrimoniale, nous vous conseillons tout d’abord de :

- Négocier un report de l’échéance du prêt in finede la SCI « Les Mas » d’un montant de 1,2 million d’euros.

- Procéder à la vente du château ainsi que des terres et de la ferme.

Cette vente vous permettra d’amorcer substantiellement le financement nécessaire pour atteindre vos objectifs. L’engagement de vendre ces derniers ainsi que les mesures de négociation de prêts prises par les banques suite à la conjoncture financière actuelle rendent tout à fait concevable ce report d’échéance.

Le château, les terres et la ferme.

Le château étant en vente depuis plusieurs années et n’ayant pas encore trouvé preneur ferme, une adaptation du prix de vente au marché est à envisager. Lors de notre entretien, vous nous avez indiqué en outre que le château nécessite des travaux de structure considérables s’élevant à 2,5 millions d’euros.

La SCI « Le Château » ne pouvant pas assurer ces travaux, il y a lieu de convenir d’un ajustement du prix de vente du château, de manière à enrayer la dégradation et la dépréciation de votre bien.

Au regard des derniers indices du marché immobilier normand et selon nos estimations, le château pourrait être vendu pour un montant de 2,125 millions d’euros, et les terres et la ferme à 2 millions d’euros (voir tableau 2), et ceci, sans ouvrir droit à un impôt sur la plus-value des biens, car ces derniers sont détenus par la SCI « Le Château » depuis plus de 15 ans.

A la suite de ces cessions, vous pourrez dissoudre les sociétés en accomplissant les formalités prévues pour la dissolution, liquidation et partage de l’actif. La vente des biens appartenant directement ou indirectement à la SCEA s’élevant environ à 4.125.000 euros, un montant de 2.062.500 euros vous reviendrait, après remboursement des comptes courants d’associés. Cette somme sera alors soumise au droit de partage qui s’élève à 1,10 %.

Avec ces liquidités, vous pourrez par la suite rembourser le prêt in finede la SCI « Les Mas » en augmentant le compte courant dans cette dernière. Le restant, soit près de 840.000 euros, viendra contribuer ultérieurement au financement de votre projet.

Tant que la vente n’a pas eu lieu, votre mère pourrait, si elle le souhaite, continuer à résider dans une partie du château. Il est à noter que sur les 120.000 euros à sa charge pour l’entretien du château, seuls les travaux d’entretien courant et les charges locatives doivent être assurés par elle. En effet, les grosses réparations, si elles interviennent, doivent rester à la charge de la SCI « Le Château », pour que ces charges ne risquent pas d’être requalifiées en donation déguisée par l’administration fiscale, car c’est bien la SCI qui en tire profit. Une ventilation et une vérification de ces dépenses seraient donc appropriées.

Afin de continuer à assurer l’entretien du château pendant ce temps, la location pure et simple des lieux pour divers évènements (tournage de films, mariages, séminaires…) permettrait de prendre en charge les frais d’entretien actuellement supportés par votre mère. En effet, son capital en assurance vie de 500.000 euros s’épuiserait trop rapidement si cette charge devait continuer à lui incomber.

Les Mas du Luberon.

Afin de parvenir au financement complet de votre projet, une solution nous semble la mieux adaptée à votre situation. L’unicité des mas et la protection de la propriété foncière étant importantes, nos propositions tiennent compte de cette particularité afin de vous apporter la meilleure situation d’ensemble.

Pour ce faire, vous pouvez apporter à la SCI « Les Mas » l’intégralité de vos mas détenus en propre. En contrepartie de cet apport, vos parts sociales dans la société augmenteront proportionnellement. Par ailleurs, vous pourrez également définir les conditions nécessaires pour continuer à occuper les lieux à titre gratuit.

Considérant que la SCI « Les Mas » n’est pas soumise à l’impôt sur les sociétés, l’apport pur et simple que vous effectuerez en cours de société afin d’augmenter le capital est soumis au même régime fiscal que les apports faits lors de la formation de la société, c’est-à-dire qu’il ne donne pas ouverture au droit de mutation de 5 %. Un droit fixe d’enregistrement de 500 euros devra cependant être acquitté (article 810-I du Code général des impôts) en sus de la rémunération du conservateur des hypothèques et des honoraires du notaire.

A la suite de cette opération, vous pourrez choisir d’assujettir la SCI « Les Mas » à l’impôt sur les sociétés pour pouvoir ainsi bénéficier d’une fiscalité plus avantageuse. Il y a lieu de noter que lors de l’apport pur et simple de vos mas à la SCI, il conviendra en outre d’établir par un acte votre engagement à conserver pendant au moins trois ans les parts sociales qui vous seront attribuées en contrepartie dans la société (voir schéma 3).

Une telle précaution aura pour effet de maintenir l’exonération des droits de mutation lors de l’apport de vos cinq mas à la SCI « Les Mas » lorsque la société deviendra passible de l’impôt sur les sociétés.

La SCI « Les Mas » disposant désormais de dix mas dans son patrimoine, elle pourra se faire consentir un nouveau prêt in finepour atteindre le montant requis pour votre projet. Selon nos estimations, ce prêt de 1,7 million d’euros devrait être accordé sur la base du patrimoine important de la société, ainsi que sur la base des revenus locatifs versés par l’EURL à ce jour, mais qui devraient par ailleurs être révisés à la hausse tenant compte du fort développement de l’activité de cette dernière.

Nous vous conseillons également d’établir un bail commercial entre l’EURL, société exploitante, et la SCI « Les Mas ». Celui-ci aura pour effet de créer un lien juridique et une communauté d’intérêts entre ces deux sociétés.

L’assujettissement à l’impôt sur les sociétés de la SCI « Les Mas » et l’adoption de la comptabilité commerciale lui permettront, en outre, d’amortir les travaux de construction, reconstruction et agrandissement ainsi que déduire de son résultat imposable l’amortissement des immeubles et des frais réels.

Une précision concernant la plus-value des biens est indispensable : en cas de revente de la SCI ou de son patrimoine, l’opération sera soumise à la plus-value des professionnels et non plus des particuliers, ce qui est plus pénalisant puisque l’ancienneté de détention des immeubles ne sera pas prise en compte. Néanmoins, votre implication dans ce projet d’aménagement dans le hameau, vos besoins de trésorerie qui seront facilités par l’amortissement, ainsi que l’absence de besoin de procéder à une transmission de patrimoine dans l’immédiat justifient cette opération.

Une telle stratégie vous permettra ainsi de garder la maîtrise de votre patrimoine tout en assurant un financement sécurisé et en vous permettant d’adapter et d’envisager d’autres projets dans le futur.

Maison du Midi.

Vous nous avez fait part de votre souhait de ne pas vendre la maison du Midi pour des motifs personnels et familiaux. Plusieurs solutions s’offrent à vous, notamment pour assurer l’entretien de celle-ci ainsi que pour augmenter sa rentabilité :

- Votre mère, usufruitière de ce bien, pourrait y habiter. N’ayant à assurer que les charges usufructuaires, ces dernières pourraient être couvertes par son assurance vie, en complément de ses autres revenus éventuels.

- La location de la maison à un tiers. Au regard du marché locatif, nous estimons cette location pour un montant mensuel compris entre 1.250 euros et 1.500 euros. Ceci permettrait d’accroitre les revenus de votre mère afin qu’elle puisse financer une structure d’accueil adaptée à ses besoins, tout en assurant l’entretien et la conservation de la maison.

Fiscalité.

Suivant notre analyse et propositions ci-dessus exposées, vous disposeriez des comptes courants d’associé dans la SCI « Les Mas » et dans l’EURL « Le Hameau ». Nous vous conseillons, afin de les sortir de l’assiette de l’ISF, de les apporter aux sociétés en augmentant leur capital. La vente du château, de la ferme et des terres agricoles, cumulée avec l’apport pur et simple aux sociétés diminuera votre assiette d’imposition et vous ne serez plus assujetti à l’ISF.

Deux situations devront être examinées plus précisément lors de notre prochain entretien, afin d’écarter tout risque de redressement par l’administration fiscale :

- Les loyers actuellement versés par l’EURL pourront être révisés et adaptés au marché ;

- Les frais d’entretien que votre mère, Jacqueline, supporte, devront être examinés pour écarter toute requalification en donation déguisée.

Synthèse.

Comme nous l’avons évoqué lors de notre entretien, vous souhaitez garder la maîtrise de vos biens et y demeurer pour pouvoir accomplir votre projet. Nous avons écarté toute possibilité de vente en viager et de vente de nue-propriété dans votre situation, eu égard à la difficulté de trouver un acquéreur dans de telles circonstances.

Nos propositions exposées dans la présente analyse tiennent compte des éléments que vous nous avez communiqués et de vos objectifs.

Ayant trouvé le financement adéquat, vous pourrez alors entreprendre les travaux de rénovation de la chapelle et d’aménagement du lac tout en assurant une meilleure gestion de votre patrimoine.

Réduisant votre charge fiscale et maîtrisant votre foncier au plus près, vous pourrez alors vous concentrer sur l’aboutissement de votre projet (voir schéma 4).