Transactions

De nombreux facteurs soutiennent l’immobilier

Les marchés immobiliers de bureau, commerce et résidentiel continuent à montrer des signaux encourageants
Confrontée à des mutations importantes, la filière immobilière commence à se positionner sur la blockchain
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L’année 2018 aura été dynamique pour l’immobilier d’entreprise, avec 30 milliards d’euros investis en France, dont 21 milliards d'euros dans du bureau. Depuis le début 2019, le marché, porté par le bureau, semble cependant entré dans une phase d’accalmie. En Île-de-France, où les volumes investis sont traditionnellement les plus importants, il est revenu à un niveau plus habituel au 1er trimestre 2019, à plus de 540.000 m² commercialisés. La société de conseil en immobilier d’entreprise JLL note « une performance certes en baisse de 23 % en un an, mais en ligne avec la moyenne observée sur les dix dernières années ». Le marché francilien reste caractérisé par une forte tension. « Il demeure une très forte pénurie d’offre, avec un niveau de vacance très faible : 2,2 % dans l’ensemble de Paris intra-muros à la fin du 1er trimestre 2019, et 1,6 % dans le seul QCA. Le marché est plus calme en périphérie », analyse David Bourla, Chief Economist & Head of Research chez Knight Frank.

Niveau de loyers record. Signe de ce manque de foncier disponible, les loyers des bureaux ont poursuivi leur ascension dans l’agglomération parisienne. Ils ont atteint un niveau record de près de 400 euros par m² par an (HT/HC) dans le neuf ou restructuré au premier trimestre 2019, contre 380 euros par m² par an un an auparavant, selon le baromètre Immostat. « A Paris et dans les métropoles dynamiques - Lyon, Bordeaux ou Rennes, par exemple - il se crée beaucoup d’emplois dans le tertiaire, ce qui soutient le marché du bureau. Certaines zones demeurent à l’inverse plus compliquées, comme Orléans, ou Saint-Etienne », commente Jean-Marc Peter, directeur général de Sofidy.

Le commerce reprend son souffle. Le marché des commerces, qui a beaucoup souffert ces dernières années, suscite de nouveau l’appétit des investisseurs : en hausse de 10 % sur un an, il a représenté 4,4 milliards d’euros l’an passé. « Internet a fait du mal aux commerces, mais des forces sont venues contrebalancer cette tendance : la métropolisation, le retour de la proximité, la moindre utilisation de la voiture qui incitent à se concentrer sur des villes plus actives, aident à booster le commerce physique », analyse Jean-Marc Peter. Le marché de l’investissement en entrepôts et en locaux d’activité a quant à lui réduit la voilure, ce segment montrant un repli de 14 % en France en 2018 par rapport à 2017 (11 % en moyenne en Europe) selon BNP Paribas Real Estate (BNPP RE). Le marché s’est ajusté à la baisse à la suite des volumes exceptionnels atteints en 2017, tandis que les taux de rendement « prime » de ce segment devraient continuer de décliner, à 4,5 % en 2019 contre 4,75 % en 2018, de même que sur de nombreux marchés européens en 2019, souligne BNPP RE.

L’immobilier d’habitation moins fragmenté. Côté immobilier résidentiel, un palier autour du million de ventes annuelles semble avoir été atteint ces dernières années. Sans dépareiller, pas moins de 970.000 transactions ont été enregistrées l’an passé. La tendance reste globalement à la hausse des prix, et, fait nouveau, la fracture de prix entre les territoires tend à s’estomper. Ainsi, la quasi-totalité des régions est dynamique, selon Century 21, à l’exception de trois qui voient leur prix moyen au m² baisser : la Bretagne (- 0,5 %), le Centre Val-de-Loire (- 1,5 %) et les Hauts-de-France (- 1,9 %). Reste que si, sur un an au premier trimestre 2019, la progression est de 3 % en France entière, pour la région parisienne, les chiffres des Notaires du Grand Paris montrent une hausse deux fois plus importante. Sur un an, les prix ont augmenté de 6,4 %, à 9.680 euros par m². L’inflation sur les prix devrait se poursuivre ces prochains mois, avec un franchissement de la barre symbolique des 10.000 euros à Paris attendu pour cet été. Par rapport au point bas du cycle observé en mai 2015, la hausse se chiffrerait à 27 %, selon les notaires. Les loyers de marché du résidentiel font pour leur part le grand écart : tout en progressant moins vite que l’inflation dans 70 % des 20 premières villes de France depuis 2013, ils varient du simple au triple selon les villes. Compter 26,20 euros par m² en moyenne à Paris à la fin mars 2019, contre 8 euros à Saint-Etienne, d’après les données de l’observatoire Clameur.

Brexit. La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne influera-t-elle sur l’immobilier français ? Sur ce point, les professionnels restent circonspects. « Après une accélération nette des annonces fin 2018-début 2019, désormais un certain attentisme est observé », selon David Bourla. Parmi les marchés qui devraient bénéficier du Brexit, des villes européennes se détachent nettement hors Paris : Dublin, Luxembourg, Amsterdam ou Berlin. « Il est difficile de se prononcer compte-tenu de l’incertitude du contexte politique, mais l’impact que cela aura devrait, selon nos estimations, rester assez limité », nuance l’expert. Un report sur le marché résidentiel est également évoqué, depuis le début du processus, même si là encore celui-ci est difficile à mesurer pour le moment. Selon le réseau Laforêt, « certains acquéreurs spéculent à Paris sur le retour de cadres expatriés à Londres. Cela pourrait avoir un effet sur le marché du haut de gamme ». Un phénomène confirmé, fin 2018, par le spécialiste du luxe Barnes qui indiquait que 5 à 10 % des ventes réalisées par son entremise dans le Marais, les 6e, 7e, 9e et 18e arrondissements, avaient été signées par des Français et Européens quittant Londres pour s’installer à Paris.

REBOND DE LA PIERRE-PAPIER

Après le trou d’air enregistré l’an passé (lire L’Agefi Actifs n°731 p. 36), la collecte des SCPI et OPCI a connu un second souffle début 2019. Les deux placement en immobilier non coté ont collecté 2,6 milliards d’euros au cours du premier trimestre 2019 selon l’IEIF et l’Aspim, soit une hausse de 62 % par rapport au premier trimestre de l’année précédente. Le volume concernant les SCPI approche de nouveau le sommet, avec 2 milliards collectés sur les trois premiers mois de l’année, en hausse de 79 % comparé au premier trimestre 2018, soit « juste en dessous du niveau record enregistré début 2017 », selon l’Aspim. La performance des SCPI de rendement affiche +4,5 % au 31 mars 2019, selon l’indice EDHEC IEIF, tandis que la revalorisation des parts atteint +1,1 %. 

Les SCPI de bureaux toujours en tête. Dans le détail, les SCPI de bureaux sont restées les plus plébiscitées (1,2 milliards d’euros, +104 % sur un an), devant les SCPI diversifiées (389 millions d’euros, +71 % sur un an), les SCPI spécialisées (284,6 millions d’euros, +77 % sur un an), les SCPI de commerces (197 millions d’euros, +24 % en glissement annuel) et les SCPI résidentiel (non fiscales), qui elles n’affichent qu’une collecte de 8,4 millions d’euros (-70 % sur un an). Les investissements des sociétés de gestion sont restés massivement tournés vers la zone euro : au premier trimestre, les acquisitions à l’étranger ont représenté 40 % du marché, 26 % en régions, tandis qu’un tiers du marché reste concentré à Paris et sa région, selon MeilleureSCPI.com.
Une chute des marchés profitable. Pour les observateurs, l’éloignement du spectre de la hausse des taux d’intérêt ainsi que la bonne tenue des différents marchés locatifs ont conforté le marché de la pierre papier. Dans le même temps, la chute des marchés financiers à la fin 2018 a « pu contribuer à la dynamique des souscriptions du secteur non coté », selon l’Aspim. D’une manière générale, les gérants et distributeurs ont « su conserver la confiance des investisseurs en dépit des nouvelles contraintes réglementaires (MIF2, PRIIPs) imposant une présentation moins intuitive des produits », estime Frédéric Bôl, président de l’association, qui reste « optimiste sur le fait que la tendance haussière soit maintenue sur l’ensemble de l’année ». Pour autant, pour certains, la question de la liquidité du marché de la SCPI devra être résolue : « la France est un marché très attractif. Mais il conviendrait de permettre de créer les conditions d’un véritable marché secondaire », estime Emmanuel Lumineau, CEO de Brickvest.

L’OPCI remonte la pente. Le retour à la normale a aussi gagné l’OPCI grand public. Ce véhicule plébiscité dans les contrats d’assurance vie a enregistré un total de 542,5 millions d’euros de souscriptions nettes sur les trois premiers mois de l’année, en hausse de 18 % par rapport au premier trimestre 2018, selon l'Aspim. La performance globale des OPCI grand public a rebondi à 2,9 % au premier trimestre (dont 1,3 % de rendement courant et 1,6 % de revalorisation), après un point bas à 0,8 % atteint fin 2018. Les investissements des principaux acteurs du marché restent importants, comme le montrent plusieurs grandes opérations réalisées ou en cours par Amundi, BNP Paribas REIM ou La Française.

NUMÉRIQUE, BLOCKCHAIN : DES ENJEUX À DÉPASSER

Comment le monde immobilier appréhende-t-il le tournant du digital ? Alors que plus de 90 % des recherches immobilières par les particuliers sont désormais effectuées en ligne, certains professionnels ont tardé à en prendre la mesure, pointe un observateur. Après des années de domination par des pure players comme Seloger ou Le Bon Coin, puis l’arrivée salutaire pour les agents immobiliers du portail Bien’Ici porté par la FNAIM, les Gafam se positionnent et risquent de déstabiliser encore davantage le marché. « La filière commence à bouger. Si nous voulons faire face à ces enjeux, nous n’avons pas le choix : soit nous les subissons, soit nous co-construisons un modèle de coopération à la française entre acteurs traditionnels, institutionnels et start-up », explique Pierre Leroy, président de la French PropTech. Ce mouvement, qui rassemble plus d’une centaine de start-up de l’immobilier, entend peser en se donnant pour objet de structurer un socle de données immobilières autour du cadastre, du PLU, des bâtiments, de l’environnement des biens, du marché immobilier au sens large, pour pouvoir fournir de l’information utile et exploitable facilement à l’ensemble des professionnels de l’immobilier. Afin de maintenir la compétitivité du secteur, la French Proptech « va se rendre plus visible, accessible pour fournir immédiatement des offres clé en main aux professionnels de l’immobilier », assure Pierre Leroy.

La pierre papier au diapason de la digitalisation. Paradoxalement, le monde de la pierre papier a également mis le temps avant de prendre la mesure de la digitalisation, même si quelques grands noms s’imposent dans cet univers avec chacun ses particularités : Moniwan, Grisbee, MySCPI, France SCPI, MeilleureSCPI, Primaliance ou encore SCPI-8. « Sur le numérique, le monde de la SCPI est un peu en retard par rapport à celui de l’immobilier en général, lui-même en décalage par rapport au financier », explique Paul Bourdois, directeur général de France SCPI. L’objectif, selon lui, est « d’améliorer l’expérience client, d’avoir une approche beaucoup plus simple, afin de vulgariser la SCPI », pour faire en sorte que l’opération puisse se conclure en « seulement quelques heures ». Si de plus en plus de sociétés de gestion ont compris ces enjeux, le choix ne sera bientôt plus possible : « pour celles qui ne l’ont pas encore fait, à un moment donné il faudra digitaliser toute l’offre », prévient Paul Bourdois.

L’immobilier sur les rangs pour la blockchain. Corollaire de la digitalisation, la blockchain fait son entrée remarquée dans la sphère immobilière. Alors que de premières opérations sont en passe d’être bouclées à l’aide de cette technologie, la gestion de fonds immobiliers est prête à sauter le pas : « la blockchain présente de nombreux atouts, en premier lieu celui d’une baisse des coûts pour les investisseurs et l’émetteur. La chaîne de blocs permet également d’enregistrer et de rendre accessible l’information en permanence, explique Michael Abib, cofondateur de Leaseum Partners, gérant de fonds immobiliers. L’intérêt est que l’on peut savoir à tout moment qui est derrière chaque placement. « L’investisseur, lui, peut transférer ses parts à un coût très réduit. Quant aux dividendes, cette technologie signe la fin des virements, qui peuvent être réglés en quasi temps réel sur la blockchain », ajoute le professionnel. Tout un panel d’offres peuvent compléter le dispositif : « différents services adossés à la blockchain voient le jour pour stocker le dépôt de documents liés
aux transactions immobilières, tels que les mandats, les offres ou les dossiers techniques. Des fichiers consultables en permanence par les parties concernées
 », selon David El Nouchi, cofondateur de la plateforme de financement participatif Clubfunding. Mais avant son déploiement à grande échelle, la blockchain, qui a reçu un feu vert de principe symbolique de la part de l’AMF, devra toutefois faire ses preuves sur le terrain. En termes de sécurité et de fiabilité.