Sous-location illégale

Avantage au bailleur

Les sommes perçues par un locataire dans le cadre d’une sous-location illégale constituent des fruits civils
Revenant par accession au propriétaire, ils doivent être remboursés à ce dernier, selon la Cour de cassation

Une SCI a donné à bail un appartement à deux locataires. Le bien a été vendu et le nouvel acquéreur des lieux a délivré aux locataires un congé pour reprise à son profit, puis les a assignés en validité du congé. Ayant constaté que les locataires avaient sous-loué l’appartement, le propriétaire a également sollicité le remboursement des sous-loyers en exécution de son droit d’accession. Les locataires ont été condamnés en appel à restituer le montant des sous-loyers, et se sont pourvus en cassation. Selon eux, les sous-loyers perçus par un locataire au titre d’une sous-location « ne constituent pas des fruits civils appartenant au bailleur par accession mais l’équivalent économique du droit de jouissance conféré au preneur », et dans le cadre d’une sous-location irrégulièrement consentie, seul le locataire est créancier des sous-loyers.

 

Fruits civils. Des arguments balayés par la Cour de cassation (1), qui a considéré que sauf sous-location autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent bien des « fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire », en vertu des articles 546 et 547 du code civil. Ayant donc relevé que les locataires avaient sous-loué l’appartement pendant plusieurs années sans l’accord du bailleur, la cour d’appel a justement déduit que les sommes perçues à ce titre devaient lui être remboursées. Une confirmation de l’arrêt d’appel (2) qui avait eu « un retentissement, en attribuant les loyers d’une sous-location non autorisée aux propriétaires », rappelle Olga Tokareva, avocate. Mais la Haute juridiction créée au passage du droit, consacrant le « principe d’accession appliqué au cas particulier des loyers de la sous-location », ajoute Nora Faugère, consultante chez Fidroit.

 

Propriétaire avantagé. La solution a cependant de quoi interroger, car « in fine le bailleur perçoit deux fois des loyers au titre du même bien », nuance Olga Tokareva. « Les textes permettent au propriétaire de demander la résiliation judiciaire du bail, mais rien n’impose le reversement intégral des loyers de la sous-location. Avec cette décision, celui-ci se trouve finalement avantagé du fait de la sous-location irrégulière », pour Nora Faugère. Limiter la restitution au supplément de loyer aurait peut-être été « plus indiqué », selon la juriste, même s’il n’est « pas illogique que la sanction soit plus dissuasive que celle d’une sous-location autorisée ».

 

Jurisprudence possiblement fixée. Cette position de la Cour de cassation devrait quoi qu’il en soit être suivie. « Précédemment, les cours d’appel avaient déjà adopté ce raisonnement (3) et dès le lendemain de l’arrêt commenté, une cour d’appel reprenait la solution (4) », explique Olga Tokareva. Dans cet arrêt, la cour d’appel a retenu le même raisonnement juridique, réfutant un à un les arguments juridiques des locataires : « la revendication des bailleurs est fondée sur le droit de propriété, avec des effets autonomes par rapport au contrat de location, que les preneurs peuvent d’autant moins alléguer pour se disculper qu’ils en ont bravé les interdictions et que, du fait de l’autonomie de la prétention, les bailleurs n’ont à justifier ni d’une faute, ni d’un préjudice, ni même d’un lien de causalité », a-t-il été jugé en l’espèce.

« On perçoit ainsi une certaine tendance à la sévérité envers les locataires qui tenteraient de profiter des nouvelles opportunités offertes à l’ère du numérique, comme en l’espèce les locations Airbnb, poursuit Olga Tokareva. Les outils juridiques actuels n’y sont pas nécessairement adaptés. Les cours semblent donc rechercher des solutions dans les mécanismes du droit commun et au cas particulier, propres au droit de la propriété ». La décision du 12 septembre pourrait être aussi le marqueur de la volonté des pouvoirs publics de réglementer davantage le marché : « Elle pourrait aboutir à ce que le législateur s’empare du sujet, soit pour intégrer cette solution dans la loi, soit pour mieux définir les sanctions de la sous-location », conclut Nora Faugère. 

 

(1) Cass. 3e civ., 12 sept. 2019, n° 18-20.727

(2) CA Paris, pôle 4 - ch. 4, 5 juin 2018, n° 16/10684

(3) CA Paris, pôle 4 - ch. 4, 16 avr. 2019, n° 17/14668

(4) CA Paris, pôle 4 - ch. 3, 13 sept. 2019, n° 17/04038