
Allemagne et Espagne, l’exemple de deux marchés aux fondamentaux et aux évolutions distincts

ALLEMAGNE
Contrairement au marché résidentiel espagnol (lire ci-après) qui concentre 86 % de personnes physiques propriétaires (58 % pour la France), proportion la plus élevée d’Europe, le marché immobilier allemand, se caractérise par un taux de propriété beaucoup plus faible. D’après BNP Paribas Real Estate Allemagne, sur 40 millions de ménages environ, seuls 16,7 millions détiennent leur résidence principale, soit 41,8 %, les 23,3 millions restants étant donc locataires. Pas de course à la propriété, donc peu de transactions entre particuliers.
Le parc de logement est détenu en majorité par des institutionnels.
Vingt-et-un ans après la réunification, le pays garde toujours les traces de la construction du Mur de Berlin qui a divisé verticalement l’Allemagne pendant plus de 30 ans. Bien que subsiste l’empreinte de l’Histoire, le découpage n’est plus seulement Est/Ouest mais également Nord/Sud- quoique les grandes métropoles, Berlin mise à part, se situent à l’Est. Ainsi, ce sont les villes du Sud, Munich, Stuttgart et Francfort qui sont les plus chères. Berlin, au Nord, bien que capitale, se révèle très peu onéreuse (lire l'encadré).
Une offre neuve limitée.
Bien que les règles d’urbanisme soient plus souples qu’en France, que les recours sur permis de construire n’existent pas et que le foncier soit, à quelques exceptions près, disponible, il ne se construit qu’environ 200.000 logements par an dans un pays qui abrite 82 millions d’habitants. Les prix très bas dans l’ancien n’y sont pas étrangers. Jusqu’alors, le marché de l’ancien a subi peu de pressions.
Le parc immobilier, fortement renouvelé après guerre, est d’une part plus récent que dans d’autres pays européens et, d’autre part, majoritairement locatif. Le niveau des loyers est compris entre 5 et 13 euros/m_ lorsque la moyenne française se situe à 12,3 euros/m_. Cette situation explique à son tour l’atonie des prix de l’immobilier.
Déséquilibres offre et demande à venir ?
Si l’offre de biens est excédentaire dans certaines zones, notamment à l’est, il se pourrait que la demande se fasse plus vive dans les années à venir dans les grandes métropoles urbaines objets de flux migratoires. Bien que la population doive décroître dans les prochaines décennies, certains organismes anticipent toutefois une hausse des besoins en logements en prévision d’une augmentation du nombre de ménages due notamment à l’immigration et à la décohabitation. La population allemande a tendance à se concentrer dans les grandes métropolesen restantbienrépartie sur le territoire entre Düsseldorf, Munich, Stuttgart, Hambourg, Berlin, ce qui diminue la pression sur le foncier.
Cependant, « la construction neuve étant extrêmement limitée, il va y avoir un déséquilibre entre l’offre et la demande sur le marché de l’ancien », explique Thierry Beaudemoulin, directeur général de Foncière Développement Logements.
Evolution des prix.
Dans l’ancien, les prix à l’acquisition augmentent dans les bassins d’emploi et baissent dans les zones délaissées par les Allemands mais sont relativement stables depuis dix ans. La pression est plus forte dans le sud de l’Allemagne. A Munich et à Francfort, les prix oscillent entre 3.000 et 4.500 euros/m_. Stuttgart présente une fourchette entre 2.000 et 4.000 euros/m_.
Le mouvement est réel mais plus modéré dans des villes comme Berlin ou Düsseldorf où les prix varient respectivement entre 700 et 2.500 euros/m_ et entre 1.500 et 2.500 euros/m_. En comparaison avec d’autres pays qui connaissent une évolution à deux chiffres, le rythme de croissance moyen annuel des prix allemand reste contenu, entre 2 % et 7 % d’après les estimations de Thierry Beaudemoulin.
En Allemagne, les pouvoirs publics ne soutiennent pas l’investissement immobilier et, curieusement, les prix y sont plus raisonnables qu’en France. Doit-on y voir un lien de cause à effet ?
ESPAGNE
Jusqu’ici, la baisse des prix a été limitée. Selon les données de l’Institut national des statistiques (Instituto Nacional de Estadística), l’indice des prix n’a baissé que de 11,2 % entre le quatrième trimestre 2007 et le quatrième trimestre 2010 sur l’ensemble du pays. Sur la même période dans l’ancien, les prix ont certes diminué davantage, de l’ordre de 15,2 %, mais ils n’ont pas dégringolé comme on aurait pu s’y attendre. De même, dans le neuf, l’indice n’a fléchi que de 8,3 % entre son plus haut et son plus bas niveau, à savoir entre le troisième trimestre 2008 et le quatrième trimestre 2010, alors que sur la même période, l’activité a complètement fondu. D’autres organismes font ressortir des écarts de prix plus importants mais la baisse reste, relativement contenue.
Les transactions dans l’ancien en chute libre.
D’après l’Institut national des statistiques, le nombre de transactions dans l’ancien a fortement régressé : -39,3 % en 2008, -29,1 % en 2009. En 2010, les ventes ont augmenté de nouveau de 12,4 %, représentant 218.713 logements contre 443.980 en 2007. L’Andalousie, la Catalogne, la région de Valence et la communauté de Madrid ont concentré 60 % des transactions dans l’ancien. En 2008, l’Andalousie représentait à elle seule 20 % des ventes réalisées sur ce marché (et 22 % dans le neuf).
Surproduction dans le neuf.
Il y a quelques années, la construction en Espagne correspondait à environ 700.000 logements par an, la plus dynamique d’Europe (deux fois le niveau français ou allemand, trois fois le niveau britannique). En 2006, on décomptait 760.000 mises en chantier, plus que l’Allemagne, la France et l’Italie réunies.
La crise n’en a été que plus sévère. L’activité est aujourd’hui au point mort. Eu égard aux difficultés économiques auxquelles doit faire face le pays, la demande n’est peut-être pas prête de rééquilibrer les comptes. Les ventes dans le neuf ont simultanément baissé de 14,1 % en 2008 et de 20,6 % en 2009 pour s’établir en 2010 à 222.655 unités. Un niveau bien insuffisant pour purger les excès de construction. Le nombre de logements invendus s’établirait à environ 1,2 million, dont 35 à 40 % concernerait des résidences secondaires, marché complètement à l’arrêt (donc peu de transactions de référence pour le calcul des indices).
De son côté, le marché de la résidence principale, bien qu’infiniment moins dynamique, n’est pas stoppé. Une réponse sans doute à la faiblesse de l’offre locative.
Les constructeurs pansent leurs plaies.
Pour les constructeurs, l’heure est donc à l’écoulement des stocks. C’est par exemple le cas des Nouveaux Constructeurs - loin d’être les seuls -, qui, avec 115 unités à solder et une vingtaine de logements à produire pour finir les programmes commencés, estime à deux ans le temps nécessaire à la liquidation desdits produits. La société, qui n’envisage pas pour autant de se retirer du marché espagnol, a cependant réduit son activité à la vente de programmes dits « à prix maîtrisés ». Le principe est simple : après consultations publiques, les municipalités cèdent des terrains aux alentours de 300 euros/m_ constructible maximum en échange d’un engagement de la part du promoteur de modérer sa tarification en vendant à des particuliers, sous conditions de ressources, à des prix se situant entre 2.000 et 2.500 euros/m_ habitable dans les agglomérations de Barcelone et Madrid (les prix des logements libres en stock s’établissent actuellement au-delà de 3.000 euros/m_ habitable). D’après Olivier Mitterrand, président de la société Les Nouveaux Constructeurs, « en dehors des logements à prix maîtrisés, aucun logement libre n’est proposé, ni ne se vend sur plan, par l’ensemble des acteurs ». Et Jean Tavernier, le directeur de la filiale espagnole, de préciser : « Les demandes de permis sont tombées sous la barre des 100.000 en 2010, logements à prix maîtrisés compris. »
Résistance des prix à la chute brutale d’activité.
Tous marchés confondus, les prix, orientés à la baisse, ont toutefois résisté jusqu’à maintenant. Après avoir enregistré une hausse moyenne sur le territoire de 8,2 % dans l’ancien et de 11,9 % dans le neuf en 2007 et des augmentations de près de 15 % dans certaines zones telles que la région de Murcie dans le sud-est, l’Espagne a commencé à vaciller en 2008 dans l’ancien et en 2009 dans le neuf. Mais pas autant qu’anticipé. Peut-être parce que beaucoup de transactions ont concerné des résidences secondaires dont les propriétaires ont les moyens d’attendre des jours meilleurs.
Toujours est-il que l’indice de l’Institut national des statistiques n’a diminué en variation annuelle que de 1,5 %, 6,7 % et 2 % respectivement en 2008, 2009 et 2010, révélant des disparités entre le marché du neuf et celui de l’ancien, ce dernier ayant contribué plus fortement à la correction de l’indice en 2008 et 2009. Ainsi, la baisse de 6,2 % observée en 2008 en Catalogne était imputable aux logements de seconde main qui perdaient 9,7 % de leur valeur dans l’année.
La tendance s’est inversée en 2010, les prix dans le neuf diminuant plus fortement. Le stock considérable de logements disponibles ne présage pas de beaux jours dans l’immédiat. Les montants des biens neufs vont probablement poursuivre leur régression, réduisant par la même occasion la valeur des portefeuilles hypothécaires des banques. La bulle n’a pas encore dégonflé.