Le bilan mitigé de l’actionnariat salarié

FLORENT ARTAUD, directeur France chez SeedLegals
De plus en plus d’entreprises s’engagent dans un partage de la valeur. L’actionnariat salarié est-il vraiment en plein essor ?

Deux enquêtes récentes permettent de dresser un bilan intéressant de la progression de l’actionnariat salarié en France et en Europe. D’un côté, un rapport de la Fédération européenne de l’actionnariat salarié (FEAS), de l’autre, le baromètre de l’actionnariat salarié en start-up initié par SeedLegals, une plateforme à destination des fondateurs et investisseurs pour faciliter les levées de fonds. Que faut-il en retenir ?

 

Succès dans les start-ups

La FEAS note une progression de l’actionnariat salarié en Europe en 2021, avec une capitalisation détenue de 433 milliards d’euros, établissant ainsi un nouveau record.

La FEAS a également observé qu’en 2021, 88 % des grandes entreprises organisaient des plans d’actionnariat salarié de toutes sortes, tandis que 53 % avaient des plans pour tous et 60 % des plans de stock options, sachant que 32 % des entreprises ont lancé des nouveaux plans cette même année. Autre point important à relever, la part détenue par les salariés représente en moyenne 3,13 % du capital.

Pour autant, le nombre d’actionnaires salariés a atteint un niveau plus bas historique sur les dix dernières années. Autre point noir, la part détenue par les employés recule tandis que celle détenue par les dirigeants augmente.

Côté start-up, l’enquête de SeedLegals révèle que 80 % des salariés répondants ont eu accès à un dispositif d’actionnariat en 2021 (+62 %). L’efficacité de la mise en place d’un tel dispositif se voit à travers deux chiffres :

- 55 % des salariés ont choisi leur employeur parce la start-up proposait un plan d’actionnariat

- 65 % d’entre eux indiquent rester dans la start-up en raison de ce plan

Parmi eux, 85% bénéficient de Bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE), la distribution d’actions gratuites étant peu utilisée (2 % des répondants seulement).

Quant au montant du capital ainsi partagé, il s’élève autour de 10 % (dans 60 % des réponses), sachant que plus la start-up est jeune, moins le pourcentage de capital est élevé (5-10 % du pre-seed à la série A).

Enfin, côté démocratisation de l’accès au capital pour les salariés, la pratique des start-up est nettement plus vertueuse : 69 % des entreprises partagent ainsi leur capital avec tous les salariés. Si les motivations sont similaires (attirer, fidéliser et récompenser les salariés), les outils diffèrent selon le type d’entreprise.

Au-delà des salaires plus élevés et autres avantages que peuvent proposer des entreprises plus matures, ces dernières peuvent également se permettre de partager une prime liée à la performance de l’entreprise (intéressement) ou représentant une quote-part de ses bénéfices (participation).

Or, pour des start-up en recherche de rentabilité, il semble difficile, en tout cas au début, de mettre en place ce type de dispositif. C’est pourquoi pour une start-up en amorçage, l’actionnariat salarié est un argument indispensable pour sa compétitivité.

Sur ce point, l’arsenal juridique dont disposent les start-ups comme les grands groupes se résume aux trois outils suivants : les Attributions gratuites d’actions (AGA), les Stock-options (SO) et les BSPCE.

Ces mécanismes permettent de partager le capital en offrant la possibilité aux salariés d’acheter des actions de la société (SO et BSPCE), ou d’acquérir gratuitement une action (AGA).

Les start-ups privilégient les BSPCE plutôt que les SO ou les AGA car ils sont réservés aux entreprises de moins de 15 ans. Ce n’est donc pas par choix mais par défaut que les grands groupes s’orientent vers les SO ou AGA.

De manière générale, l’actionnariat salarié dans les grands groupes s’apparente plus à une épargne confortable, en parallèle d’autres dispositifs. Côté start-up, l’actionnariat salarié a d’autres enjeux et peut s’avérer extrêmement bénéfique. Critéo a ainsi rendu des dizaines de salariés millionnaires lors de son entrée en bourse en 2013. De belles perspectives se profilent également avec toutes les dernières licornes françaises. Encore faut-il être salarié d’une start-up qui réussit. Mais prime à ceux qui prennent le risque...