
La liberté du courtage doit être défendue

L’action vertueuse des intermédiaires bancaires dans la distribution du crédit se trouve menacée par les pratiques anticoncurrentielles des banques. La distribution bancaire française sort d’une profonde transformation. Les réseaux d’intermédiaires bancaires, d’intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP) remplacent pratiquement ceux des établissements de crédit prêteurs. Plus de 30.000 IOBSP en France, dont près de 7.000 courtiers, réalisent plus d’un crédit immobilier sur trois. Le courtier IOBSP est juridiquement au service du client. Rebutés par une conception dépassée de la relation banque-client, les emprunteurs trouvent chez les courtiers en crédits des taux attractifs. Ils s’y procurent surtout l’écoute commerciale et l’accompagnement que les banques ont méthodiquement stérilisés dans leurs réseaux directs.
Fait nouveau, en 2019, les banques font silencieusement pression sur les courtiers en crédit pour exiger des clients, à travers eux, toutes sortes de contreparties, sous la menace de rupture brutale des relations commerciales. Les refus opposés par les banques aux demandes de crédit soumises par les courtiers explosent littéralement. Les banques confondent la liberté d’octroyer le crédit avec le droit de refuser d’en étudier les demandes. Elles promettent ainsi l’extinction économique à tout un tissu d’intermédiaires bancaires profondément au service des consommateurs. Le principal motif de friction réside dans le fait que les banques parsèment le marché de l’assurance emprunteur d’entraves à son libre choix par l’emprunteur. Des principes juridiques solides existent en faveur de la liberté de choix de l’assurance emprunteur. En les méprisant, les prêteurs contreviennent, à la fois, à leur obligation de conseil en assurance, ainsi qu’à l’interdiction des pratiques commerciales déloyales (trompeuses ou agressives). Ces pratiques, susceptibles d’être perçues comme anti-concurrentielles, relèvent de l’abus d’une position dominante. La masse colossale des résiliations de conventions entre banques et courtiers suffit à attester de la réalité du phénomène. Pourtant, les pratiques obstructives des banques envers les clients à présent étendues aux courtiers, sont dépourvues de toute sanction. Même le service indépendant de conseil en crédit, prévu par la directive sur le crédit immobilier, est nié par les banques. Une recommandation de l’ACPR portant sur le cadre de relation entre les banques et les courtiers-IOBSP, rappelant les obligations respectives des uns et des autres, dans les limites posées par le droit bancaire, contribuerait au rétablissement de l’équilibre économique gravement compromis.
L’assurance emprunteur : le casse-tête des courtiers en crédit. Chaque mois les taux d’emprunt atteignent des niveaux historiquement bas et aujourd’hui, il semble normal d’emprunter sur 20 ans à moins de 1 %. Difficile alors pour les établissements de crédit de parvenir encore à dégager de la marge sur les crédits qu’ils octroient. Comment continuer à gagner de l’argent sur le crédit ? Une seule réponse : l’assurance emprunteur, produit fondamental pour pouvoir emprunter en France. Les banques détiennent 85 % de ce marché très juteux (9,1 milliards d’euros en 2017 selon la FFA) tout en proposant des tarifs 2 à 4 fois supérieurs au reste du marché. De quoi compenser, du moins en partie, leurs pertes sur le crédit. Elles ont tout intérêt à faire en sorte que les crédits commercialisés soient équipés de leur assurance groupe et non d’une assurance externe, malgré la déliaison imposée depuis 2010 par la loi Lagarde.
C’est dans ce contexte que les banques pénalisent les courtiers en crédit immobilier qui, en bons professionnels, font baisser le coût global du crédit en choisissant une autre assurance que celle de la banque prêteuse. Si certaines banques acceptaient encore hier, dans la limite des quotas qu’elles imposaient, des dossiers comportant une assurance externe, aujourd’hui nombre d’entre elles refusent catégoriquement toute délégation. Parfois, la banque impose sa propre délégation d’assurance, un peu moins chère que son contrat groupe, mais encore trop chère et souvent moins couvrante. Alors pourquoi le courtier ferme-t-il les yeux ? Car le moyen de pression des banques est énorme : elles coupent sans hésiter l’étude des demandes du courtier, en résiliant les conventions de partenariats si celui-ci ne respecte pas ce deal officieux. Un courtier sans convention, sans possibilité de déposer des demandes de crédit, va rapidement à sa perte. Ce sujet majeur que nous dévoilons aujourd’hui est tabou. De très nombreux courtiers nous confient anonymement les témoignages des chantages auxquels ils sont soumis et les différents stratagèmes mis en place pour les empêcher de proposer des assurances emprunteurs moins chères, en délégation : faux prétextes de refus, refus de dossiers renvoyés avec des documents erronés, avertissements rarement écrits…ils sont privés de la possibilité de les dénoncer. Non seulement le courtier peut perdre l’accès à son partenaire bancaire mais il risque également de perdre un client qui verra son dossier refusé sans raison valable. Une telle dégradation du marché et des principes juridiques n’est pas acceptable. La liberté de concurrence doit s’installer dans le marché de l’assurance-emprunteur.
Dès lors, quelles sont les solutions qui s’offrent aux IOBSP, notamment aux courtiers en crédit ? Dans un futur tout proche, les courtiers en crédit constitueront l’essentiel de la distribution bancaire. L’agence de réseau d’établissement de crédit n’a pas d’avenir. Les courtiers disposent à présent de plusieurs leviers d’action, y compris judiciaire, pour conserver au marché son bon équilibre contractuel. Les courtiers doivent systématiquement signaler les pratiques abusives, tant envers eux qu’envers les clients. Car les signalements permettent les sanctions et les actions. La lutte obstinée des banques pour placer le plus longtemps possible un produit d’assurance emprunteur plus coûteux pour les consommateurs, prospère sur l’absence d’action et sur l’absence de sanction sérieuse.
Les emprunteurs disposent quant à eux de solutions pour exercer leur droit au choix de l’assurance. Ils bénéficient en effet d’une législation favorable et peuvent faire cavalier seul, sans la banque. L’emprunteur agit une fois que son dossier de crédit est accepté. Grâce à la loi Hamon, il peut faire appel à un courtier spécialisé en assurance de prêt et peut changer de contrat d’assurance quand il le souhaite durant la première année suivant la signature de l’offre de prêt. S’il loupe le coche, l’amendement Bourquin lui permet de procéder au changement d’assurance emprunteur chaque année, à date d’anniversaire du contrat. Pour vérifier si l’opération vaut le coup, de nombreux comparateurs en assurance de prêt proposent, en deux minutes, de trouver la meilleure offre du marché selon le profil de l’emprunteur. On parle ici plus de 10.000 euros d’économies par contrat. Dans un contexte où le coût de l’assurance dépasse celui du crédit, c’est absolument fondamental de ne jamais baisser les bras face à des banques qui agissent délibérément contre la loi.