
De l’intérêt du Family Office pour les DAF

Au fur et à mesure que l’entreprise et la famille grandissent, leurs enjeux deviennent difficiles à maîtriser dans leur totalité. Sauf à être doué d’ubiquité, le directeur financier se doit de déléguer la supervision du patrimoine familial à un Family Office. En limitant ainsi les risques inhérents à la dualité de cette mission, il en va à la fois de l’intérêt du directeur financier, comme de celui de chacun des membres de la famille.
Il est une catégorie de directeurs financiers à part, auxquels la nature et le nombre des fonctions confèrent un périmètre d’intervention particulièrement large. Ils ont en commun d’avoir pour employeur des sociétés familiales, dont l’actionnariat est composé d’héritiers distants de plusieurs générations du fondateur de l’entreprise. Au départ de l’aventure entrepreneuriale, le patrimoine familial et industriel se confond et les relations entre le dirigeant fondateur et le directeur administratif et financier (DAF) sont simples. L’entrepreneur développe, le directeur financier veille aux finances de la société et des actionnaires. Avec la croissance, les tâches se multiplient et l’ensemble des membres de la famille deviennent également demandeurs de conseils.
Qu’ont donc ces directeurs financiers de si spécifique ? A leur corps défendant, ils sont amenés à assumer la supervision financière d’entités dont la nature et les objectifs sont radicalement différents. La première est l’entité d’exploitation, qui mène une activité opérationnelle dans le but de maximiser la création de valeur actionnariale. Le rôle du directeur financier y est classiquement de piloter la rentabilité financière et la solvabilité de l’entreprise. La seconde entité prend la plupart du temps la forme d’une ou plusieurs holdings patrimoniales dédiées, où sont logés les dividendes distribués au fil des ans, mais également la partie immobilière. Plus diffus, parfois subi, le rôle du directeur financier est ici de veiller à la saine gestion et à la pérennisation de ce « trésor de guerre » familial.
Source de stress et de risque professionnel. Cette dualité de missions relève en réalité du casse-tête, tant les enjeux diffèrent. Citons plusieurs points majeurs d’achoppement : les véhicules familiaux sont placés à long, voire très long terme. Ils diffèrent donc, tant par leur nature que par leur horizon de placement, de la trésorerie de l’entreprise, généralement logée dans des produits courts de type livret bancaire. Ces holdings découlent également de montages patrimoniaux au carrefour d’enjeux financiers, juridiques et fiscaux d’autant plus complexes que l’actionnariat, éclaté, a des attentes divergentes. Qui plus est, faute de la connaissance nécessaire des mécaniques sous-jacentes aux offres patrimoniales et à leur structure de frais, le directeur financier a peu de prise dans les négociations avec les fournisseurs et prestataires. En effet, quel DAF est formé pour renégocier les termes d’un contrat d’assurance vie luxembourgeois ? Quel DAF maîtrise aussi bien la fiscalité du patrimoine que la fiscalité corporate ? Le directeur financier de ce type d’entreprise a tout du mouton à cinq pattes qui doit maîtriser un éventail de formations, d’expériences et de réseaux. Une gageure…
Loin d’être anodin, ce grand écart permanent est générateur de pression, de stress. En s’éloignant de sa zone de compétence et en se détournant de sa mission première, celle de superviser la gestion financière de l’entreprise d’exploitation, il peut être conduit à prendre de mauvaises décisions ou ne pas déceler des situations peu optimales. Des erreurs qui peuvent ensuite lui être reprochées en cas de manquement. Le directeur financier est donc constamment en situation de prise de risque professionnel inconsidéré. Cette dualité imposée n’est pas plus souhaitable pour les membres de la famille actionnaire, qui prennent eux un risque patrimonial accru. Comment donc sortir de cette solitude dangereuse ? La solution consiste à confier la supervision de la gestion du patrimoine familial à un acteur dont c’est le métier : un Family Office. Une structure d’accompagnement des familles qui présente de multiples avantages : elle concentre les compétences et les réseaux nécessaires pour mener à bien la mission de sécurisation et de fructification du patrimoine familial.
Un périmètre d’action qui est à géométrie très variable. Le DAF peut mettre le curseur de l’externalisation là où il le souhaite et préserver sa relation historique avec sa direction générale et ses actionnaires. Le recours à un Family Office n’est pas si onéreux que cela, au regard des implications et des enjeux financiers. Une simple mission d’audit permet d’ailleurs souvent de déceler des sources d’optimisation génératrices d’économies significatives.
Mise en place d’un système de reporting consolidé. Le Family Office commence par un travail ponctuel d’audit préalable des actifs et passifs personnels et la mise en œuvre de premiers ajustements et renégociations éventuels de frais. Sa première véritable mission d’accompagnement doit être la mise en place d’un système de reporting consolidé, outil de supervision financière des avoirs familiaux. Il permet à la fois de quantifier le risque global et de bien mesurer les risques individuels. Prenons un exemple simple : la famille a confié à cinq gérants différents un mandat de gestion sur une partie du portefeuille familial. La sélection de gérants est souvent faite, au moins au début, sur la base de la marque.
Le 1er gérant est le banquier historique du groupe, le 2e est un autre nom connu de la place, le 3e, une marque internationale, le 4e découvert par le bouche à oreille et ainsi de suite… En toute bonne foi, la famille et le directeur financier pensent avoir fait un choix rationnel avec comme objectif de diversifier les sources de performance. Les travaux réalisés par le Family Office vont permettre d’avoir une vision précise de la réalité. Le gérant 1 est obligé de prendre deux fois plus de risques que le gérant 5 pour obtenir une performance similaire. A contrario, le gérant 2 constitue une bonne diversification, par son savoir-faire dans une classe d’actif spécifique, alors même qu’il n’a pas contribué à la performance du portefeuille global. Le gérant 3 obtient des résultats irréguliers et l’analyse de ses performances par le Family Office va montrer l’importance du facteur chance.
L’outil de pilotage réalisé par le Family Office permet au directeur financier de vérifier qu’au fil du temps et des investissements, le niveau de risque accepté par la famille est bien demeuré conforme aux objectifs initiaux ou que le changement induit par telle ou telle décision est bien clair dans l’esprit de tous. Le contenu de la relation s’enrichira ensuite dans le temps au gré des besoins, et surtout de la confiance progressivement tissée entre les parties. L’intérêt pour le directeur financier dépasse cette seule maîtrise du risque. Généralement accessible au-delà de 25 millions d’euros d’avoir financiers, l’externalisation de la supervision financière auprès d’un Family Office changera favorablement la nature de son intervention, consolidera son rôle de pivot dans sa relation avec ses actionnaires et sécurisera en retour son parcours au sein de l’entreprise.
Prendre en charge la multitude de demandes des héritiers de générations différentes. Tous ne travaillent pas nécessairement dans l’entreprise, mais peuvent parfois solliciter le directeur financier sur des questions bien éloignées de sa mission d’origine : problématiques immobilières, fiscales, délocalisations, investissements … et ainsi l’asphyxier. Le Family Office prend en charge ces demandes et par sa connaissance des différents métiers patrimoniaux et son réseau, est à même de produire une analyse approfondie. Ainsi accompagné, le directeur financier dispose alors de tous les éléments nécessaires pour fonder sa décision ou sa recommandation aux membres de la famille. S’il n’y a pas de moment plus opportun qu’un autre pour sauter le pas, certaines périodes de la vie de l’entreprise ou de la famille exacerbent ce besoin de professionnalisation. C’est notamment le cas lorsque le directeur financier ou l’expert-comptable historique de l’entreprise prend sa retraite, emportant avec lui une partie de la mémoire familiale. C’est également le cas quand l’arrivée d’une nouvelle génération modifie l’équilibre familial, apportant avec elle une complexité nouvelle à gérer. Dans tous les cas, ne rien faire reste la solution la plus coûteuse.