
Une réforme encore discutée

L’Agefi Actifs.- En quoi la loi dite Macron a modifié la fixation des tarifs par les notaires ?
Marie-Hélène Pero. - Le tarif des notaires est entré dans le Code du commerce, à ce niveau il s’agit bien plus que d’une simple modification. Annoncée comme devant donner plus de pouvoir d’achat aux Français, nous y avons vu, en réalité, l’amorce d’une autre réflexion, plus structurelle, celle du devenir d’une notion essentielle : le service public. Cette loi accorde une place importante au principe de concurrence afin notamment de tenter de concilier notre conception du service public avec celle du droit européen.
Dans la loi de 2015, le tarif, désormais arrêté conjointement par les ministres de la Justice et de l’Economie, devait prendre en compte les coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable, définie sur la base de critères objectifs. Mais face à l’impossibilité pratique de recueillir les données nécessaires à la détermination de ces tarifs, leur mise à jour, par un décret de 2016, s’est opérée sur la base du taux de marge des professionnels calculé par la Direction générale de la Concurrence (DGCCRF) et s’est traduite par une baisse de 2,5 % des tarifs réglementés.
Les textes ont également prévu deux possibilités de remises que le professionnel peut octroyer. La première, limitée à 10 %, concerne les prestations faisant l’objet d’une rémunération tarifée proportionnelle, telles que les ventes immobilières, ou les donations. Elle s’applique sur les tranches d’assiettes supérieures à 150.000 euros. La seconde fixée à 40 % concernent certaines opérations portant sur des capitaux très élevés pour des tranches supérieures à 10 millions d’euros.
Est-ce que cette réforme a bien été acceptée par les offices ?
Je vous mentirais si je vous disais que cette réforme a été bien perçue. Elle est difficilement acceptée, même si elle est assimilée au quotidien, car elle n’assure aucune visibilité sur le long terme aux entreprises notariales. Elle porte atteinte à notre service public notarial qui repose sur l’égalité. Avec le recul on a ainsi constaté que l’impact lié à l’écrêtement affecte durement certains offices, en particulier ceux implantés dans les zones rurales, et fragilise le maillage du territoire car beaucoup d’opérations nécessitant de nombreuses heures de travail sont facturées seulement à 90 euros. Par ailleurs, l’abandon d’un seuil d’émoluments au-delà duquel une négociation libre était possible avec le client est une erreur, car il empêche aussi de prendre en compte la réalité des coûts (temps passé, nombre de collaborateurs dédiés pour d’importants dossiers). A contrario, la mise en place du taux de remise à 40 % au-delà de 10 millions d’euros a engendré une forte augmentation des émoluments au profit principalement des offices situés dans les métropoles. Enfin,une révision tarifaire au moins tous les cinq ans telle que mentionnée dans la loi était préférable au délai de deux ans inscrit dans le décret du 26 février 2016, afin de favoriser le développement des offices des nouveaux notaires et prendre en compte les charges liées à leurs installations.
La loi réforme pour la Justice révise les critères de détermination des tarifs (1). En quoi cela consiste-t-il précisément ?
Cette loi annule la référence à la comptabilité analytique, difficilement réalisable puisque le tarif répertorie plus de 300 cas différents. Le taux de résultat moyen lui est substitué. Il sera calculé, pour le notariat, en rapportant le résultat professionnel de l’office au chiffre d’affaires. La solution retenue, déjà utilisée en 2016, devrait déterminer l’évolution du tarif, selon des modalités qui seront fixées par décret. Ainsi, si cette révision était nécessaire, le CSN restera attentif aux mesures réglementaires à venir.
La nouvelle loi réforme les règles d’octroi des remises. De quelle manière ?
Avec cette loi, la négociabilité des émoluments sera rétablie au-delà d’un certain seuil. Ce seuil de négociabilité sera défini par un arrêté. Le CSN est favorable à cette réforme, mais reste également vigilant au contenu à venir de l’arrêté.
(1) Loi n°2019-222 du 23 mars 2019.