
Un besoin de transparence

L’Agefi Actifs. - La CLCV a passé au crible 232 contrats d’assurance vie. Sur cette base, vous demandez aux compagnies de faire preuve d’équité dans l’attribution des taux de rendements des supports en euros.
Jean-Yves Mano, président de CLCV. - En effet, pour les besoins de notre enquête, nous avions recensé plus de 1.000 contrats et nous n’avons reçu que 232 réponses aux formulaires adressés. Certains groupes ont décidé de ne pas nous répondre, alors que d’autres, à l’image de La Banque Postale ou des Caisses d’Epargne, ont joué le jeu. Dans d’autres cas, des réponses partielles nous ont été fournies. Par exemple, nos demandes visant les contrats en cours mais non commercialisés n’ont pas obtenu d’éclaircissements. Dans l’ensemble, nous relevons une avancée de la part des acteurs présents sur ce marché mais nous regrettons les difficultés rencontrées.
Que reprochez-vous, au juste ?
- En ce qui concerne la répartition des taux de rendements gérés dans un fonds commun, nous avons constaté l’existence de taux variables, qui s’expliquent par les arbitrages dictés par des enjeux marketing. Ce n’est pas équitable. Pour partie, les choix opérés par les compagnies relèvent d’une politique commerciale discrétionnaire. Quand on nous explique qu’un taux ne se calcule pas mais se décrète, ou que le taux servi à l’épargnant n’est pas lié au rendement effectif de l’actif en euros mais à une partie de ce support, on en déduit que le client n’a aucune idée des critères sur lesquels les professionnels se basent. Des décisions sont prises sans que l’épargnant en ait conscience, ce qui est anormal compte tenu des masses financières en jeu. Nous demandons de rendre public le taux servi par rapport au rendement réalisé sur les huit dernières années. On se rendra compte des différences entre les gestionnaires. Nous avons aussi constaté que, même pour des experts comme les gestionnaires de patrimoine, certains se retrouvent dans la même ignorance que le consommateur final.
Vous prévoyez des rencontres avec les pouvoirs publics ?
- Il en est question en effet. D’ailleurs, par le passé, il nous est déjà arrivé de saisir le Trésor sur le sujet des contrats collectifs, où les décisions sont prises de façon particulière. Nous avons donc exigé et obtenu, dans le cadre de la loi Sapin II, le vote de décisions en assemblée générale. Ce qui n’a pas suffi puisque nous avons constaté que, dans ces associations, leur président peut détenir la majorité absolue à la différence des autres membres. Ce qui correspond à un détournement de l’esprit même de cet amendement.
Et quant au projet de loi Pacte ?
- Il est question d’orienter les épargnants vers les unités de compte, soit une prise de risque supplémentaire. Pour exister, ces produits doivent-ils rester cantonnés sous l’appellation générique « assurance vie » ? A notre avis, un autre vocable devrait être employé pour ne pas tromper l’investisseur.
Dans votre enquête, vous remettez en cause le « versioning » pratiqué par les assureurs ?
- En effet, une numérotation devrait être utilisée afin de déterminer quels sont les points qui ont évolué par rapport à la première version du contrat. Bien évidemment, sur un nouveau produit, la tendance sera de forcer le rendement au détriment de contrats plus anciens.
Supports en euros, quid de tels écarts ?
L’enquête, de novembre 2017, est accessible sur le site de l’association de consommateurs. Extraits.
En moyenne, le taux de redistribution (taux servi après frais de gestion/performance du portefeuille) s’établit à 75,1 %, avec des écarts importants : de 56,3 % à 107 %. […] Sur tous les contrats ayant plus de 8 ans, la performance moyenne du portefeuille est de 34,31 %. Le minimum est à 27,29 %, et le maximum à 49,90 %, reflétant de véritables écarts dans la qualité de la gestion des assureurs. Dans le même temps, le rendement servi au client est de 25,75 %, soit un écart de 8 points avec le taux moyen des actifs. On notera aussi l’ampleur des différences entre le résultat le plus faible (16,40 %) et le plus élevé (34,36 %). La sélectivité du consommateur est donc cruciale dans le choix de son produit. L’écart entre taux de l’actif et rendement servi ne peut pas totalement s’expliquer par les frais de gestion. Le consommateur investisseur doit légitimement s’interroger sur cet écart et sur l’usage qui est fait des fonds qui ne sont pas redistribués.