
Réforme du courtage : une première réunion associations/ACPR non concluante

L'échéance approche mais des questions demeurent. Alors que les textes d'application de la loi relative à la réforme du courtage de l'assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP) devraient selon toute vraissemblance être publiés vers la mi-octobre, L'Autorité de contrôle prudentiel et de régulation (ACPR) a convié les candidats potentiels à l'agrément à une réunion de cadrage. Pour rappel, les courtiers en assurance et les IOBSP devront obligatoirement adhérer à une association professionnelle agrée, à partir du 1er avril 2022 pour les nouveaux entrants et lors du renouvellement annuel d'inscription à l'Orias pour les autres.
Autour de la table étaient présents la CNCGP, l'Anacofi, la CNCEF, la Compagnie des CGP, l'Afib, l'Apic, Planète CSCA, ainsi que deux courtiers grossistes, Zenioo et Leader Insurance, qui ont annoncé à l'Argus de l'Assurance réfléchir à se constituer en association professionnelle. Certains ont abordé la réunion avec sérénité, considérant que le modèle d'association à adhésion obligatoire qui existe pour les CIF a déjà fait ses preuves. D'autres perçoivent une nette différence, notamment en ce que les associations rattachées à l'ACPR n'auront pas de délégation de contrôle comme l'ont celles qui sont rattachées à l'AMF (côté CIF).
La responsabilité dans l'ignorance
« L’organisation souhaitée de la gouvernance de l’association par l’ACPR demeure une architecture fragile face au droit des association, analyse Bruno Rouleau, président de l'Apic. Elle distingue entre une direction opérationnelle pilotée par un dirigeant salarié, qui sera décideur de la mise en œuvre des missions réglementaires et définies par la loi, et une administration issue des adhérents et présidée par un élu, mais ne pouvant dans les textes accéder à toutes les informations pour garantir la préservation des données sensibles. Même si les associations agréées répondront à un cahier des charges défini par des textes, il n’existe pas de catégorie spécifique dans l’identification des associations. Or dans le code des sociétés et associations, le président demeure juridiquement le responsable des fautes de l’association. Un magistrat jugeant une affaire où le responsable serait privé de la possibilité de contrôler toutes les informations de l’association serait confronté à une situation inextricable. Sauf à condamner le président sans que celui-ci ait pu se préserver du risque reproché. »
En filigranne, certains partagent leur crainte que les salariés couverts par le secret professionnel ne deviennent dans les faits ceux de l'ACPR, mettant en retrait le rôle de l'association au profit d'une extension déconcentrée de l'autorité. Les associations n'ayant pas eu accès à la dernière version du texte corrigée par le Conseil d'Etat, difficile de savoir si ce point est susceptible d'évoluer.
Une autre ambiguïté sur l'architecture des associations concerne la commission disciplinaire où des sanctions allant jusqu'au retrait de l'agrément pourront être prononcées à l'encontre des membres. Celle-ci doit être composée de trois personnes au minimum : le président de la commission, impartial et neutre donc n'exerçant pas dans les métiers concernés, un membre du conseil d'administration et un autre de l'assemblée générale. « Cela fait potentiellement deux personnes sur trois qui peuvent être concernées par un conflit d'intérêt », s'étonne l'un des participants.
Les modalités de vérification
L'avant-projet de décret n'utilise d'ailleurs à aucun moment le mot de contrôle quant aux membres de l'association. Il parle d'une vérification qui doit intervenir à minima une fois tous les cinq ans sur certains éléments pour le courtier dirigeant comme ses salariés (compétence professionnelle, formation, RC Pro, garantie financière et casier judiciaire). D'où une question phare : quels éléments pourront en pratique être demandés, au-delà d'une attestation sur l'honneur, pour vérifier l'adéquation des déclarations du courtier à sa situation ? Sans cadrage précis de la définition et de la profondeur des missions attribuées aux associations, certains s'inquiètent que soit franchi le Rubicon séparant la vérification du contrôle. « Le sujet ne porte pas tant sur la vérification que sur les moyens qu’il faut mettre sur la table, balaye un proche du dossier. Les associations déjà en activité pourront le faire mais ce sera plus compliqué pour les autres. L'ACPR a parlé d'un contrôle de cohérence. Il faudra dont être en capacité de s’assurer que c’est la bonne attestation qui a été transmise : même si les processus sont automatisés, chaque document doit pouvoir être vérifié à la main. »
La prochaine réunion avec l'ACPR, qui aura lieu le 4 octobre, devrait être plus centrée sur ces questions : si la première portait plus sur la constitution du dossier d'agrément, les discussions devraient cette fois concerner les modalités pratiques d'organisation des missions et des échanges avec l'autorité de régulation. « Chaque association va proposer son propre schéma de travail si l'on ne nous apporte pas des éléments de réponse », prévient Pascal Labigne, vice-président d’Anacofi courtage et président du collège IOBSP. Lors de la réunion, l'ACPR a promis qu'un guide serait créé pour accompagner les associations.
Les dossiers des candidats devront être déposés avant fin novembre. Les agréments, eux, devraient être délivrés au plus tard vers la mi-mars 2022 pour anticiper la mise en oeuvre de la réforme début avril.