
Rappel des obligations des professionnels du marché de l’art

C’est l’article L561-2 10° du code monétaire et financier qui vient préciser que ces professionnels sont soumis, au même titre que d’autres professions, comme les banquiers ou les conseils en investissements financiers, aux obligations prévues en matière de lutte contre le trafic et le blanchiment d’argent sale. Ce guide publié par les autorités chargées de la lutte contre cette délinquance vient préciser aux professionnels qui vendent ou achètent régulièrement des œuvres d’art quelle est l’étendue de leurs obligations.
L’obligation de vigilance normale. Le professionnel du monde de l’art doit vérifier dans le cadre habituel de ses transactions l’identité de ses clients par sa pièce d’identité ou le bénéficiaire économique lorsqu’il s’agit d’une société. La vérification de l’extrait Kbis est donc indispensable lorsque l’acheteur ou le vendeur est une entreprise. Depuis quelques années, les professionnels sérieux demandent systématiquement les documents d’identité ou les éléments d’entreprises des clients du marché de l’art. Il reste que le souhait du code monétaire et financier de connaître le bénéficiaire économique final d’une transaction n’est pas sans poser de difficulté au regard du droit des obligations et de la liberté contractuelle. Sans qu’il y ait de malignité de la part d’un vendeur ou d’un acheteur, ce dernier peut légitimement souhaiter garder l’anonymat vis-à-vis d’une maison de vente aux enchères ou d’un acheteur, et c’est son droit le plus strict en vertu du droit des obligations. Ce mandat dit « opaque » permet d’assurer, par l’intermédiaire d’un courtier, une certaine confidentialité d’un client dans la chaîne contractuelle d’une transaction. Le droit civil se télescope ainsi avec le droit monétaire et financier. Les vendeurs peuvent-ils exiger, par exemple, d’une maison de vente de leur donner l’identité de l’acheteur et l’origine des fonds des sommes provenant de cet achat au titre de leur mandat opaque ?
L’obligation de vigilance renforcée. L’obligation de vigilance renforcée intervient dans une logique de bon sens lorsque le client ou les œuvres sont de provenance ou d’origine douteuse. Ainsi, lorsque les œuvres proviennent de pays en guerre (Irak, Syrie, Yemen, Afghanistan) ou du bassin méditerranéen (Turquie, Liban, Libye, Malte, Grèce), le professionnel doit faire appel à une vigilance renforcée. Les biens issus de cette région sont souvent des pièces archéologiques qui peuvent provenir de fouilles sauvages ou de butin de guerre. Le différentiel entre un bien authentique et un prix très faible doit également interpeller. Cela étant ces recommandations restent purement théoriques car, dans la pratique, les professionnels reconnus sont très rarement confrontés à des dossiers « brûlants ». Le marché de l’art « noir » a tendance à rester dans la confidentialité la plus totale avec très peu d’interférences avec le marché de l’art officiel. C’est la raison pour laquelle d’ailleurs, il y a peu de déclarations de soupçon dans le marché officiel ou que la jurisprudence du conseil des ventes est peu étoffée.
La méthodologie de la déclaration de soupçon. En cas de doute et de soupçons avérés, le professionnel pourra être amené à réaliser une déclaration à la cellule Tracfin. Cela doit être le cas lorsque le professionnel a de bonnes raisons de soupçonner que les sommes de la transaction sur des œuvres d’art proviennent d’une infraction passible d’une peine de prison supérieure à un an, qu’elles proviennent d’une fraude fiscale ou qu’elles sont liées au financement du terrorisme.
Dans ces hypothèses, le professionnel doit communiquer les éléments en sa possession (factures, éléments d’identité ou extrait Kbis) à la cellule Tracfin par le biais de la plateforme Ermes, https://www.economie.gouv.fr/tracfin/declarer. Le professionnel de bonne foi qui aura accompli ces diligences sera dégagé de toute responsabilité pénale, civile ou disciplinaire au titre de la violation du secret professionnel ou de la dénonciation calomnieuse.