Société de gestion

Ostrum AM dans l’ère de la simplification

Propos recueillis par Franck Joselin
L’Agefi Actifs a interrogé Matthieu Duncan, directeur général d’Ostrum AM, afin de faire le point sur l’avancée de son plan stratégique
Avec une ambition de baisser ses coûts de 25 % entre 2017 et 2020, Ostrum AM se devait de simplifier et clarifier son modèle
Matthieu Duncan, directreur Général d’Ostrum AM

L’Agefi Actifs. Quelles ont été les évolutions organisationnelles et structurelles du groupe en 2018 ?
Matthieu Duncan.- L’année 2018 a été celle de tous les changements pour Ostrum Asset Management. Au début de l’année dernière, la société s’appelait encore Natixis Asset Management et présentait un modèle d’organisation que nous jugions trop compliqué et peu lisible pour nos interlocuteurs extérieurs au groupe. Natixis AM était devenu un modèle multi-affilié dans le modèle multi-affilié de Natixis Investment Managers.
 Au mois de mars 2018, nous avons effectué le changement le plus visible : nous avons changé de nom et d’identité visuelle. Natixis Asset Management est devenu Ostrum Asset Management afin de clarifier son positionnement au sein de Natixis Investment Managers. Ce nom veut dire « de couleur violette » en latin. Nous faisons ainsi référence au groupe – le violet étant la couleur de Natixis et de BPCE, elle-même issue du rapprochement des Banques Populaires, avec une identité visuelle bleue, et des Caisses d’Epargne, avec une identité visuelle rouge.

Le changement de nom n’a pas été le seul changement opéré…
- En effet, nous avions décidé, avant même de changer de nom, de clarifier l’organisation de la société de gestion pour l’inscrire beaucoup plus simplement dans le modèle multi-affilié de Natixis IM. En conséquence, les filiales d’Ostrum AM ont été remontées. D’un modèle de filiales dont certaines comportaient des sous-filiales, nous sommes passés à un modèle en râteau, où quasiment toutes les entités du groupe sont des sociétés sœurs, dépendant de Natixis Investment Managers, l’entité faîtière du groupe dépendant directement de Natixis.
 Natixis IM compte plus de 20 affiliés spécialisés et Ostrum AM est l’un des plus importants en termes d’encours, avec 257,6 milliards d’euros sous gestion. Les seules entités qui restent filiales d’Ostrum AM correspondent, en réalité, à de pures extensions de notre activité. Nous avons, par exemple, une filiale à Singapour, pour nos activités de gestion asiatiques et une filiale à Boston, pour nos activités américaines. De la même manière, notre table d’intermédiation, qui s’appelle encore Natixis Asset Management Finance (Namfi), reste située dans notre univers. En revanche, toutes les filiales de gestion, comme Mirova, H2O AM, ou encore Dorval AM, sont aujourd’hui des affiliés au même niveau qu’Ostrum AM au sein de Natixis IM.

Avez-vous aussi séparé des activités qui faisaient partie de la société de gestion ?
- Tout à fait, nous avons séparé d’Ostrum AM les activités qui ne correspondaient pas à l’activité cœur de la société. Seeyond, par exemple, qui était un pôle de compétence de gestion active quantitative de Natixis Asset Management, a été filialisé et est devenu un affilié à part entière. Nous avons aussi filialisé l’activité d’administration de fonds (fund administration), dont les services peuvent être utilisés par tous les affiliés. Nous avons donc aujourd’hui une plateforme unique sur laquelle tous les autres affiliés pourront se greffer à terme.
 Par ailleurs, nos activités Investissements et Solutions Clients ont rejoint les équipes Dynamic Solutions de Natixis IM qui ont vocation à proposer des offres de gestion innovantes et à forte valeur ajoutée construites notamment à partir des expertises des affiliés du groupe.

Vous considérez-vous comme un spécialiste ou comme un global player ?
- Avec plus de 250 milliards d’euros sous gestion (sur les 800 milliards au total gérés par Natixis IM), Ostrum AM propose une offre déclinée autour de trois piliers. En premier lieu, nous sommes historiquement des spécialistes de la dette, sous toutes ses formes. Cela peut concerner la dette souveraine, d’entreprise, le high yield ou les convertibles, jusqu’à la dette privée (corporate, sur actifs réels, ou encore structurée).
 Sur les actions, nous sommes davantage spécialisés sur certaines niches où nous disposons d’un grand savoir-faire, comme les petites et moyennes capitalisations. Nous avons décidé de nous recentrer sur le style Qualité – Garp (pour growth at reasonable price, croissance à prix raisonnable). Par ailleurs, nous avons intégré les critères ESG au cœur de notre processus d’investissement.
 Nous disposons enfin d’une très grande expertise pour la gestion des actifs des assureurs. Sur la totalité des actifs que nous gérons, 170 milliards d’euros proviennent en effet de 25 compagnies d’assurance, dont évidemment Natixis Assurances, ou la CNP avec qui nous avons un partenariat historique.
 Quoi qu’il en soit, notre positionnement est aujourd’hui clair. Ostrum AM reste un spécialiste de la gestion active fondamentale.

Vous avez évoqué, plusieurs fois déjà, une rationalisation de votre offre et un recentrage de votre gamme de fonds. Concrètement, comment allez-vous opérer ?
- Nous voulons effectivement diminuer le nombre de produits que nous gérons. Nous allons, par exemple, nous recentrer sur les véhicules phares de notre gestion obligataire. Il y a eu, ces dernières années, une prolifération de produits et de fonds. Nous en réduisons donc le nombre pour ne conserver que les plus importants. De plus de 1.150 produits en 2017, nous devrions arriver à environ 700 produits en 2020, soit une baisse de leur nombre de 40 % en trois ans. Aujourd’hui, nous sommes passés sous la barre des 1.000.
 Nous voulons aussi nous diversifier vers la dette privée, que ce soit de la dette sur actifs réels (multi-investisseurs ou via un partenariat avec notre banque d’affaires) ou la dette structurée.

La politique de distribution a-t-elle évolué avec la restructuration d’Ostrum ?
- Non, la réorganisation de la distribution avait déjà été opérée et est mutualisée au niveau de Natixis Investment Managers qui dispose d’une puissante plateforme de distribution internationale. Ainsi, l’équipe de huit product specialists d’Ostrum AM, ainsi que certains de nos gestionnaires de fonds travaillent étroitement avec les équipes de distribution et se déplacent pour aller rencontrer les clients.

Sur quelle(s) clientèle(s) voulez-vous vous développer dans les prochains mois et les prochaines années ?
- Nous voulons évidemment rester présents sur notre clientèle institutionnelle historique, surtout française, mais nous avons clairement une stratégie de développement multi-canal et diversifiée géographiquement. Nous comptons donc être plus présents auprès des distributeurs (le wholesale) et les particuliers.
 Nous voulons aussi développer l’international. Il y a 20 ans, Natixis AM gérait des actifs en France pour des clients français. Aujourd’hui, avec une offre plus internationale, nous attirons des clients eux-mêmes plus internationaux.
 Nous ne cherchons cependant pas à être présents partout. Nous ne sommes pas, par exemple, très actifs sur le développement de la gestion d’actions aux Etats-Unis, ce marché étant déjà bien couvert et très concurrentiel. En revanche, nous comptons être très actifs sur la dette structurée.
 Le marché institutionnel français est, depuis peu, devenu extrêmement sensible au prix. La diversification, aussi bien en termes d’offre que de clientèle nous permet de proposer des produits et services à forte valeur ajoutée et de conserver ainsi nos marges. Nous ne voulons pas brader notre savoir-faire. Nous restons des gérants actifs et nous considérons que la gestion active a un prix. Or, si un gérant est capable de surperformer un indice de plusieurs pourcents chaque année, les clients n’ont pas intérêt à chercher à économiser quelques points de base sur les tarifs de la gestion. Pour quelques centimes gagnés, ils peuvent parfois perdre plusieurs pourcents sur la performance globale de leurs investissements.

Vos effectifs devraient diminuer de près de 10 % à horizon de 2020 avec un plan de départ volontaire, et certaines figures de la gestion sont récemment parties pour la concurrence, cela vous a-t-il nui en termes d’image ?
- D’abord, le plan de départ reste volontaire ; ensuite, concernant les récents départs, il faut, dans une société, considérer le turn-over global des équipes de gestion. Or, chez nous, il demeure très faible. Comme dans toutes les entreprises, des personnes qui étaient dans l’entreprise depuis 15 ou 20 ans ont naturellement envie d’aller tenter de nouvelles aventures. D’un autre côté, nous avons recruté des personnes de grand talent. Il faut garder à l’esprit que ces départs ne sont qu’une partie de notre plan stratégique qui nous conduira à réduire nos coûts fixes de 25 % entre 2017 et fin 2020.