Philippe-Michel Labrosse, directeur général d'Abeille Assurances

« Nous pouvons accompagner davantage les CGP »

Après avoir rappelé les atouts d’Abeille Assurances au sein du groupe Aéma et noté les excellentes relations entretenues avec l’Afer, Philippe-Michel Labrosse, son directeur général, grand connaisseur du monde des CGP, a fait part des ambitions que sa société nourrit auprès d’eux.

Vous êtes directeur général d’Abeille Assurances depuis septembre 2021. Que représente l’entreprise en chiffres et quelles sont ses grandes caractéristiques ?

Abeille Assurances est un acteur historique et significatif dans le paysage de l’assurance en France. En 2021, son chiffre d’affaires s’est établi à 7 milliards d’euros et les encours sous gestion au sein de nos filiales de gestion d’actifs atteignent 120 milliards d’euros. Nous comptons 3,1 millions de clients et un total de bilan de l’ordre de 100 milliards d’euros. Abeille Assurances c’est aussi plus de 4.200 collaborateurs, siège et filiales comprises, 1.000 agents généraux qui emploient eux-mêmes 1.500 salariés. C’est donc une communauté humaine de 6.700 personnes qui défendent nos nouvelles couleurs à travers la France.

Notre activité est pour plus des trois-quarts dédiée à l’assurance de personnes : assurance vie, épargne retraite et prévoyance pour 75 % et assurance santé pour 3%. L’activité d’assurance dommages représente 22 % et 1,5 milliards d’euros de primes encaissées.

Nous disposons d’une très large capacité de distribution avec une multiplicité de canaux et de réseaux. Outre nos 1.000 agents généraux, nous comptons environ 800 conseillers commerciaux au sein de notre filiale Union Financière de France (UFF). Nous sommes également propriétaires du premier courtier vie français, Epargne Actuelle, avec ses 200.000 clients, ses 17 milliards d’encours administrés au sein de ses 39 agences. A cela s’ajoutent nos participations majoritaires dans des sociétés de conseils en gestion de patrimoine comme Sacaf ou, plus récemment, VIP Conseils. Nous distribuons également nos offres via 1.800 courtiers actifs en assurance vie et en assurance dommages. Enfin, avec Eurofil nous disposons d’un solide canal de distribution directe.

 

Quelles est votre première analyse sur Abeille Assurances au sein du groupe Aéma ?

L’acquisition d’Aviva France par Aéma Groupe était le meilleur scénario possible pour nos parties prenantes, salariés, agents généraux, partenaires distributeurs, adhérents de l’Afer, et bien sûr, pour nos clients.

C’est pour Abeille Assurances une chance formidable d’avoir un actionnaire issu du métier de l’assurance et de l’économie sociale et solidaire, investisseur de long terme et dont la finalité est de servir au mieux ses clients, sociétaires ou adhérents.

C’est aussi une grande fierté. Notre groupe représente aujourd’hui environ 16 milliards d’euros de chiffre d’affaires (i.e. en année pleine sur la base des chiffres au 31/12/2021), ce qui en fait le 5e groupe d’assurance français. Il y a une réelle complémentarité entre les trois piliers qui le composent - Macif, Aésio et Abeille Assurances - que ce soit en termes de métiers, de réseaux de distribution, de clientèles adressées et d’activités. Au sein de cet ensemble, Abeille Assurances occupe une place essentielle.

Tant en interne qu’en externe, quelles sont vos priorités à court et moyen terme ?

Notre feuille de route comporte quatre grands axes.

Le premier consiste à définir une trajectoire de croissance rentable sur le marché de l’assurance dommages. Cette activité fait face à de nombreux défis : dérèglement climatique, cybersécurité, situations de pandémie ou de guerre entraînant des pénuries et de l’inflation… Autant de chocs exogènes dont l’impact est particulièrement fort et qui imposent des adaptations et transformations.

En assurance vie, nous avons collecté l’an dernier 5,2 milliards d’euros, dont 52 % en Unités de compte (UC). C’est une belle réussite, y compris pour notre portefeuille historique d’adhérents Afer pour qui la collecte en UC continue de croître et est déjà supérieure à 35 %. Hors Afer, le taux d’UC s’élève à 70 % et même 90 % en épargne retraite. Dans ce domaine, nous figurons parmi les quatre premiers acteurs du marché. L’an dernier, nous avons réalisé environ 700 millions d’euros d’affaires nouvelles. C’est un axe très important pour nous et nous allons continuer à développer très fortement cette activité.

Nous avons aussi engagé un programme d’accélération de modernisation de nos offres et de nos systèmes d’information. Le niveau d’ambitions a été considérablement relevé dans ce domaine. Nous mettons en œuvre en 2022 un « plan projets » informatique sans précédent dans l’histoire de notre société. Nous avons aussi décidé d’un plan d’investissements sur plusieurs exercices. Nos systèmes d’informations sont de grande qualité et surtout robustes. Nous travaillons aujourd’hui à leur enrichissement, au développement de nouvelles fonctionnalités et à la généralisation des API [Application Progamming Interfaces, ndlr] afin de simplifier les échanges, et d’offrir plus de flexibilité dans la conception et dans la gestion de nos offres.  C’est un point clé pour la satisfaction de nos clients et pour celle de nos réseaux de distribution.

Dernière priorité : optimiser nos capacités de distribution en redéployant certaines lignes de métiers dans certains canaux de distribution. Cela passe par un meilleur développement du multi-équipement pour nos clients, via notamment le réseau d’agents généraux et le canal direct.

 

Quelles sont vos relations avec l’Afer et comment imaginez-vous les faire évoluer ?

Avec ses 755.000 adhérents et un encours de 56 milliards d’euros, l’Afer est notre grand partenaire et c’est à la fois un honneur et une chance pour Abeille Assurances. L’Afer a changé l’assurance vie dans notre pays et même le patrimoine financier des Français. Nos histoires sont liées depuis l’origine et pour toujours. Depuis ma prise de fonction, son président Gérard Bekerman et moi avons construit une relation de grande confiance. Nous allons poursuivre ensemble le développement des offres, l’enrichissement des fonctionnalités et le renouvellement du portefeuille.

Comment se porte l’UFF que vous présidez ?

L’UFF, dont nous sommes l’actionnaire majoritaire, est une formidable entreprise qui exerce le métier complet de conseil en investissement.

L’UFF a réalisé une excellente année 2021, avec une collecte de 1,695 milliards d’euros, pour atteindre 13 milliards d’actifs gérés et 200.000 clients. L’assurance vie représente 58 % de son activité mais elle exerce également des activités en direction des entreprises avec des plans d’épargne retraite, auxquelles s’ajoutent des expertises en matière d’immobilier direct et de « pierre papier ».

En nommant Fred Vianas directeur général le 19 janvier dernier, j’ai souhaité donner une nouvelle impulsion à l’UFF. Une de ses missions sera d’engager la modernisation des systèmes d’information.

 

La remontée des taux et la forte progression de l’inflation rebat-elle les cartes pour les fonds en euros ?

Le risque théorique majeur en assurance vie a toujours été celui d’une remontée brutale des taux d’intérêt. Rappelons-nous 1994 ! Même si elle est forte en valeur relative, n’oublions pas que la remontée actuelle part tout de même d’une situation de taux négatifs qui était très inquiétante à long terme pour nos activités. Elle comporte donc, à ce stade, des effets très positifs, en ce qui concerne nos modèles de solvabilité et nos politiques d’investissement. En revanche, cette hausse est bien sûr pénalisante pour la valeur de nos portefeuilles obligataires. C’est cela qu’il faut équilibrer. La taille de nos portefeuilles le permet. Nous analysons actuellement de manière opportune les restructurations et arbitrages possibles au sein de nos portefeuilles taux.

 

Avez-vous des craintes sur l’assurance vie compte tenu de la situation économique ou en matière de fiscalité, notamment sur les droits de succession ?

Ce sujet n’est jamais éteint hélas ! Compte tenu de l’attachement des Français à l’assurance vie, il serait très dommageable de la remettre en cause. Nous soutenons le combat de l’Afer sur ce sujet.

Mais d’autres risques existent aussi tant pour les professionnels du conseil que pour les épargnants, avec la refonte annoncée de la Directive sur la distribution d’assurance (DDA) en 2023 et sa convergence avec Mifid. Au côté des associations professionnelles, nous défendons à la fois la transparence des frais et la voie d’un modèle français de commissionnement. Regardons bien les effets pervers de la réforme de 2013 au Royaume-Uni ! La fin des commissions a conduit à écarter du conseil près de la moitié des épargnants. Même le régulateur britanique s’en inquiète ! Le constat est le même pour les Pays-Bas ou la Finlande. Il faut donc faire entendre une voix forte et unie sur ce sujet.

 

Quelles sont les relations que vous entretenez avec les conseillers en gestion de patrimoine ?

Nous avons une relation historique avec un certain nombre d’entre eux, notamment au travers des portefeuilles Afer, car près d’un tiers des encours est conseillé par des courtiers conseillers en gestion de patrimoine. Notre relation avec les CGP d’exercice libéral est donc très ancienne et nous sommes même pour certains d’entre eux à leurs cotés en accompagnant leur développement. A titre d’exemple, nous nous félicitons d’être actionnaire minoritaire d’Astoria que nous soutenons dans sa croissance. Nous avons en outre récemment pris le contrôle de VIP Conseils, qui affiche 1,6 milliard d’euros d’actifs administrés et dans lequel nous avions jusque-là une participation minoritaire.

Cela dit, notre ambition est d’occuper une place encore plus significative sur ce marché dont certains grands opérateurs traditionnels d’assurance vie se sont un peu détournés ces dernières années. L’accélération de la modernisation de nos offres et de nos outils s’inscrit pleinement dans cet objectif, avec un horizon de 12 à 18 mois.

 

De quelle façon pourriez-vous accroître vos liens ?

Nous connaissons très bien ce marché, avons les expertises nécessaires et une vraie légitimité sur l’assurance vie. Nous n’avons pas de vocation particulière à devenir propriétaire de plus de distributeurs. En revanche, nous pouvons les accompagner davantage, soit de façon offensive pour gagner des parts de marché, soit pour défendre nos portefeuilles. Quoi qu’il en soit, nous pouvons être très opportunistes et disposons d’une large capacité de manœuvre.

 

Qu’attendez-vous en pratique de la réforme de l’assurance emprunteur ? Vous placez-vous sur la défensive ou au contraire entendez-vous profiter d’un marché plus ouvert ?

Cette loi, nous l’avons voulue. Elle libère le marché et permet aux assurés de gagner en pouvoir d’achat de façon conséquente. Notre portefeuille reste pour l’heure très modeste et nous disposons d’une vraie capacité à adresser le segment patrimonial. Dans ces conditions, cette réforme est incontestablement pour nous une opportunité que nous ne manquerons pas de saisir.