
« Nous allons proposer une offre premium à partir d'1 ou 2 millions d'euros »

Pouvez-vous nous présenter votre jeune service, spécifique à la caisse de Brie Picardie ?
Olivier Mézière : Au sein du groupe Crédit Agricole, il existe depuis 2009 une offre de gestion conseillée pilotée déclinée dans les caisses régionales, avec des portefeuilles modèles et une sélection de supports réalisée par Amundi. Une spécificité de notre caisse par rapport à ses consœurs est d'avoir créé son propre service pour piloter ses portefeuilles modèles, même si Amundi reste une source d’inspiration importante. Ce service a été créé en 2016 mais nous conseillons déjà 800 millions d’euros d’encours pour environ 5.000 clients.
Grâce à un modèle économique rentable, notre caisse régionale a pu faire le choix de ré-internaliser de la valeur et de l’expertise avec des conseillers experts qui pilotent en interne leurs propres portefeuilles modèles. Nous avons donc construit une équipe d’une trentaine de conseillers, tous formés en finance de marché. Nous avons également recruté un ancien gérant, Arnaud Scarpaci [ex-associé-gérant chez Montaigne Capital, NDLR], qui dirige le pôle Bourse. Ce pôle ne fait que du conseil en actions. Nous avons aussi une activité un peu plus marginale de distribution de produits structurés, auprès des grands patrimoines et des personnes morales.
L’accès à la gestion conseillée est possible à partir de 100.000 euros d’encours, et coûte à nos clients 0,36% de leurs encours par an. Cela représente 90% de notre chiffre d’affaires, le reste provenant des rétrocessions d’unités de compte reversés par l’assureur Predica [filiale du Crédit Agricole, NDLR], ainsi que de droits d’entrées dans des OPCVM et des frais de courtage en actions.
Êtes-vous autonome dans votre conseil en investissement, vis-à-vis du groupe Crédit Agricole et de sa filiale de gestion d’actifs Amundi ?
L’univers d’investissement en OPCVM est encadré par Amundi, qui propose environ 300 fonds et ETF. Dans sa buy-list, environ deux-tiers des fonds sont ceux du groupe (Amundi, BFT IM, CPR AM, NDLR). Mais nos clients payent un service de conseil, nous portons donc une grande attention à leur apporter une offre complémentaire et propre à notre Caisse régionale. Nous ne voulons donc pas qu’ils nous considèrent comme des vendeurs. Nous avons ainsi rééquilibré notre buy-list avec davantage de fonds externes.
En gestion conseillée, nous faisons de la multigestion sur l’ensemble des classes d’actifs. Au sein du pôle Bourse, nous ne réalisons que du conseil en actions. Un conseiller du pôle Bourse peut cependant utiliser les OPCVM ou des ETF pour jouer une thématique peu couverte, comme les émergents ou des petites capitalisations.
Comment construisez-vous vos allocations d’actifs ?
Nous composons quatre portefeuilles modèles : prudent, équilibre, croissance, et dynamique. Ils sont réplicables en assurance-vie, compte-titre et PEA, et doivent avant tout inspirer les échanges avec les clients. Nous organisons chaque semaine un comité d’investissement réduit auquel prennent part, à mes côtés, les trois responsables des différents pôles, ainsi que deux conseillers, ces deux sièges étant tournant. Les allocations sont généralement révisées tous les mois.
Nous avons un biais prudent dans la construction de portefeuille. Nous préférons limiter les pertes, quitte à ne pas accompagner en totalité les phases de hausse. Récemment, nous nous sommes forcés à réintégrer un peu de valeurs « value » ce dernier trimestre, mais les profils sont plutôt en valeurs de « croissance » pour le moment.
Et en situation de stress, comme par exemple avec le coronavirus en ce moment, comment échangez-vous avec vos nombreux clients ?
Pour ce qui est prévisible, nous sommes normalement dans l’anticipation. Pour l’élection présidentielle de 2017 en France, ou le Brexit, nous avions proposé des profils plus défensifs à nos clients quelques semaines avant ces échéances. Sinon, nous leur envoyons des alertes mails et des notes d’informations. Nous disposons de l’ensemble de leurs positions, donc nous savons lorsqu’une ligne de leur portefeuille est touchée. Ensuite, si le client est réactif, nous pouvons réaliser immédiatement une opération.
Les portefeuilles étant largement sous-pondérés en risque depuis la fin du troisième trimestre 2019, et face à la forte correction, nous avons fait le choix de renforcer ce jour l’exposition aux marchés actions européens et américains, uniquement sur des secteurs défensifs pour l’heure, de 2% à 5% selon les profils.
Comment se passe la sélection des OPCVM en interne ?
Deux collaborateurs sont chargés d’effectuer l’analyse des fonds. Sur la partie quantitative, ils vont principalement effectuer un scoring des performances à court et long terme, et observer le drawdown ainsi que de la volatilité. Ils vont également évaluer la qualité du process de gestion. Si nécessaire, ils échangent avec le spécialiste produit pour affiner les commentaires sur la stratégie du fonds. La buy-list est revue chaque semaine, avec des modifications généralement mensuelles.
Cependant, sur les comptes-titre et les PEA, nous privilégions les ETF, pour deux raisons. D’une part, nous recherchons avant tout la satisfaction client. Ce dernier va nous juger sur la performance, nette de frais, et les ETF sont moins couteux que les OPCVM. D’autre part, les ETF sectoriels sont utiles pour jouer nos allocations. Les ETF ne sont pas présents dans les assurances-vie.
Quels sont les objectifs du service pour 2020 ? Envisagez-vous de nouvelles offres ?
Le principal objectif de l’année est d’atteindre le milliard d’euros sous conseil. Nous réfléchissons également à lancer plusieurs nouvelles offres. L’une d’entre elle serait de donner accès à nos portefeuilles modèles ainsi qu’à un système d’alerte sur les valeurs, mais sans accès à un conseiller. Charge aux clients de répliquer ou non. Ce service serait facturé en pourcentage des encours. Nous souhaitons également proposer deux nouveaux niveaux d’accès à notre conseil : un accès au pôle bourse à partir de 50.000 euros d’avoirs financiers, et une offre premium à partir d’un ou deux millions d’euros, qui proposerait du conseil sur l’ensemble des avoirs du clients.
Nous envisageons également de faire du conseil en placement pour des investisseurs institutionnels "tiers trois" de la région : petite mutuelle, diocèse… Pour l’instant, nous pouvons leur proposer uniquement des produits structurés. Je connais bien ce type d’acteurs car je fus précédemment consultant dans l’univers des investisseurs institutionnels chez Forward Finance.
A quoi ressemble votre clientèle ?
Nous sommes rattachés à la banque privée du Crédit Agricole Brie-Picardie, qui nous apporte sa clientèle. Notre banque couvre trois départements : l’Oise, la Seine-et-Marne, et la Somme. Les clients sont plutôt des hommes (environ 55%), d’une moyenne d’âge de 63 ans, qui sont clients auprès du Crédit Agricole depuis très longtemps. Environ 10% d’entre eux ont un bon niveau d’expertise et nous challengent. Nos clients ont près de 35% de leurs encours investis dans des unités de compte.
L’intuitu personae est très importante, car ces clients sont attachés à leurs conseillers. Cet attachement s’explique par la confiance acquise au fur et à mesure des nombreux points de gestion faits au cours de l’année. Nous nous attachons à avoir des portefeuilles stables par conseillers afin de favoriser cette confiance, mais devons parfois revoir ces portefeuilles en cas d’évolutions de conseillers.
Nous nous engageons à les contacter une fois par trimestre, mais dans les faits, c’est plutôt une fois tous les deux mois. Nous rencontrons aussi ceux qui le souhaitent, une fois par an. Nous accompagnons par ailleurs les conseillers de la banque privée lorsqu’ils ont besoin de nous pour présenter notre service.