
«Notre objectif est de simplifier le parcours des fintechs»

L'Agefi : Quels sont vos projets pour les fintechs ?
Nathalie Beaudemoulin (ACPR) : L’idée est d’orienter les fintechs en leur proposant un point d’accueil à l’ACPR pour leurs démarches d’entrée dans la réglementation. Nous voulons aussi nous intéresser à la période après l’agrément. On remarque souvent dans cette phase que les forces vives des fintechs sont tournées vers le commercial et elles oublient un peu les enjeux liés à la réglementation et la conformité. Nous travaillons également sur les enjeux de digitalisation dans la banque et l’assurance.
Franck Guiader (AMF) : Nous construisons une plate-forme commune sur nos sites respectifs qui permettra d’aiguiller les porteurs de projets vers le régulateur compétent. Elle devrait être opérationnelle d’ici à cet automne. Nous travaillons aussi, d’ici à la fin de l’année, à un plan d’accompagnement des porteurs de projets. Notre objectif, c’est d’abord de simplifier le parcours des nouveaux entrants et de clarifier les démarches qu’ils ont à accomplir.
Aller vers des statuts plus proportionnés aux risques
Que comptez-vous faire en matière d’agrément de fintechs?
FG : Il existe déjà différents types de statuts. Il ne s’agit pas nécessairement d’en créer de nouveaux mais d’accompagner les acteurs dans leur choix. Une fintech n’est pas obligée, dès sa création, d’opter pour l’agrément le plus contraignant. Les questions posées aux fintechs sont les mêmes que pour les acteurs traditionnels, mais notre accompagnement est plus important du fait, dans certains cas, d’une moindre connaissance de la réglementation.
NB : Nous pouvons, si besoin, proposer aux fintechs d’aller vers des statuts plus proportionnés à leurs risques comme celui d’établissements de paiement allégé. Notre objectif est de fluidifier les discussions sur les agréments en travaillant en amont. Nous voyons souvent des hypothèses de business plans qui sont trop optimistes. Sachant qu’il y a des fintechs qui ne trouvent pas le marché qu’elles avaient escompté, il est aussi important de savoir comment les start-up comptent gérer leur propre fin. Nous avons déjà retiré des agréments à des fintechs.
Quels sont vos points d’attention?
FG : Le conseil automatisé est un sujet prioritaire car, en général, les fintechs qui viennent nous voir en proposent. Les nouvelles formes de services offerts et les comportements des épargnants internautes nous poussent, par exemple, à nous interroger sur la notion de «conseil perçu». La connaissance du client constitue un autre enjeu important pour nous. Nous travaillons également sur le big data et la blockchain.
Vigilance sur la lutte antiblanchiment et sur l'information des clients
NB : Nous travaillons aussi sur le big data et sur les usages des données des clients. Plus généralement, nous souhaitons insister sur les enjeux liés à l’exercice d’activités régulées, notamment en matière de protection des fonds de la clientèle s’agissant des établissements de paiement ou des entreprises d’investissement. En matière de lutte contre le blanchiment, il y a certainement des efforts à faire, notamment sur la connaissance du client. Il y a aussi encore du travail pour les plates-formes de financement participatif sur l’information qu’elles fournissent aux clients.
Quel est le bon niveau de régulation pour les fintechs?
NB : On essaie de promouvoir entre superviseurs des meilleures pratiques sur les sujets innovants. L’approche du superviseur britannique, la «sandbox» ou bac à sable, permet à une fintech pendant quelques mois d’exercer en dehors de la réglementation pour tester son produit sur une catégorie limitée d’utilisateurs. Une autre approche viserait davantage à moduler l’intensité réglementaire en fonction des risques liés à l’activité de l‘entreprise. En première analyse, c’est davantage notre approche. Nous serons toutefois ouverts à la discussion sur des évolutions de réglementation ou de pratiques de supervision.
La «sandbox» ne convainc pas
FG : Nous ne sommes pas davantage convaincus par la «sandbox». Les acteurs des fintechs ont bien compris que la réglementation leur apporte une sécurité juridique nécessaire dans leur approche marketing notamment. Certaines réglementations qui ne sont pas forcément sous l’égide de l’ACPR ou de l’AMF auront également un impact, je pense à celle sur la signature électronique. On peut entendre les revendications des professionnels pour comprendre l’articulation des réglementations entre elles et intervenir si nécessaire. Nous souhaitons rechercher le bon équilibre entre réglementation et rappel des bonnes pratiques.