
Les banques françaises résistent grâce à leur modèle diversifié

Les turbulences du trimestre écoulé n’ont pas entamé la solidité des banques françaises. BNP Paribas, le Crédit Agricole et la Société Générale ont publié des résultats supérieurs aux attentes sur les trois premiers mois de 2023, dans un environnement toujours marqué par des incertitudes sur l’inflation et la remontée des taux. «Dans un contexte difficile, la diversification est clé», rappelle Rafael Quina, analyste banques françaises chez Fitch Ratings. La relative contre-performance de BPCE, qui pâtit ce trimestre de la revalorisation du taux du Livret A sur lequel le groupe mutualiste possède une importante part de marché, l’illustrent. Il a publié un résultat net en baisse de 29% et un PNB en recul de 5%.
La comparaison avec ses pairs reste toutefois à nuancer. BNP Paribas publie un résultat de 4,4 milliards d’euros, mais a bénéficié ce trimestre de la plus-value de 2,9 milliards d’euros sur la cession de Bank of the West. De son côté, Crédit Agricole SA, la structure cotée du groupe mutualiste, publie un résultat de 1,2 milliard d’euros, soit plus du double par rapport au premier trimestre 2022. Ce dernier avait néanmoins été touché l’an dernier par d’importantes provisions sur la Russie et une dépréciation de sa filiale ukrainienne, ce qui crée un effet de base favorable.
Les affres de la banque de détail
L’élément critique, le plus scruté par les analystes, reste les difficultés de la banque de détail en France. Le rythme rapide de la remontée des taux, la fin des facilités de refinancement à long terme de la BCE (TLTRO) et la hausse du coût de la ressource sur le Livret A, maintiennent la pression sur la marge nette d’intérêt et donc sur les revenus. Davantage tournée vers la clientèle d’entreprises que de particuliers, BNP Paribas pâtit moins que ses concurrentes du modèle de crédit immobilier à taux fixe et distribue moins d’épargne réglementée. Elle fait figure d’exception avec des revenus nets d’intérêt dans la banque de détail en France qui progressent de 6,8%.
Les autres acteurs hexagonaux sont à la peine dans la banque de détail : BPCE connaît un recul des revenus de 7%, LCL accuse une baisse de 5% et les caisses régionales du Crédit Agricole de 9,3%. La baisse du produit net bancaire dans la banque de détail est encore plus spectaculaire à la Société Générale : -11%. Les différences de trajectoires entre banques s’expliquent notamment par leur politique de couverture. «Les banques françaises ont toutes une gestion conservatrice vis-à-vis du risque de taux. Elles modélisent toutes leurs actifs et leurs passifs, mais elles ne retiennent pas toutes les mêmes hypothèses quant aux durations de ces éléments. Ce sont ces gaps de taux qui expliquent les principales différences de couverture d’une banque à l’autre», souligne Rafael Quina.
Des différences de couverture
La Société Générale précise avoir mis en place en 2021 des couvertures du risque de taux sur ses dépôts qui compensent aujourd’hui le bénéfice de la hausse des taux. La banque rouge et noire projette ainsi une marge nette d’intérêt en recul d’environ 15% à 20% sur l’année 2023. «Le bénéfice des taux positifs se matérialisera dès 2024 à mesure que ces couvertures arriveront à échéance», précise sa directrice financière Claire Dumas.
Le Crédit Agricole et la Société Générale compensent en partie les difficultés de leurs banques de réseaux hexagonales par la bonne tenue de leur banque de détail à l’étranger : +22% pour Crédit Agricole Italia, +14% pour les activités de SG en Afrique. La forte dynamique commerciale de l’assurance, portée par l’équipement croissant des clients dans les réseaux, soutient également les résultats. Fort d’une activité record en dommages (automobile, habitation), Crédit Agricole Assurances dégage des revenus en hausse de 32,5%. La Société Générale enregistre une progression de 41% sur son activité d’assurance, due à la performance commerciale, mais aussi dopée par un effet de base avec le retraitement des comptes sous IFRS 17.
La santé radieuse du fixed income
Le moteur de croissance des groupes tricolores au premier trimestre reste la banque de financement et d’investissement (BFI), et tout particulièrement les activités de trading sur taux, changes et matières premières (FICC). Ces dernières ont bénéficié de la forte volatilité sur les marchés, qui a nourri le besoin d’accompagnement des clients, ainsi que du rebond du marché obligataire après un blocage en fin d’année 2022. BNP Paribas affiche une hausse des revenus de 9% sur le FICC, mieux que ses pairs américains dont les revenus ont reculé en moyenne de 1%.
A la Société Générale, ces activités ont enregistré leur meilleur trimestre en dix ans avec une hausse de 16% des revenus. «Notre modèle d’affaires a une composante corporate très importante. Le surcroit d’activité commerciale avec nos clients a donc joué un rôle dans cette performance», explique Slawomir Krupa, qui dirige encore la BFI avant de prendre les rênes du groupe dans dix jours.
Quant au Crédit Agricole, qui s’est historiquement spécialisé sur ces activités de fixed income, il affiche une hausse des revenus de 41%. Pour le directeur général délégué en charge de la banque de grande clientèle, Xavier Musca, l’avantage réside dans le fait que «le Crédit Agricole ne prend pas de position directionnelle sur les marchés». «Lorsque le marché est très volatil, sans direction claire, nous tirons pleinement parti du service de couverture que nous offrons à nos clients sans exposer notre propre bilan», détaille-t-il à L’Agefi. A ce titre, ces derniers mois étaient parfaits pour la banque.