« Incentives »

Le monstre du Loch Ness a-t-il vécu ?

Gilles-Guy de Salins, président, ANCDGP
Gilles-Guy de Salins, président de l’ANCDGP, s’interroge sur la pratique des commissions qui masque des usages biens différents
De manière surprenante, il rencontre des arguments dans un document de la FCA britannique pour y trouver des leviers d’amélioration du marché

Ce titre un peu provocateur et résolument britannique pose le sujet. Rappelons d’ailleurs que si la France reste la championne incontestée dans le domaine agricole en Europe, c’est l’Angleterre qui se taille la part du lion pour le secteur financier. A ce titre, depuis plusieurs années, on nous prédit la fin du mode de rémunération par commissions.

Discrimination.

Première remarque : pourquoi cet apanage serait-il réservé aux CIF et autres CGPI, à défaut des agents et courtiers en assurances, agents immobiliers... ?

Soit on remet en cause l’intégralité des pratiques et usages concernant ce mode de rémunération, soit on arrête de stigmatiser le secteur financier particulier représenté par les CIF et IOSB. Il s’en suit une véritable discrimination condamnable au titre des distorsions de concurrence. Sur le plan de la logique, c’est déjà un premier clou.

Vigilance.

Deuxième clou dans le cercueil, c’est la confusion des termes : « incentive » ou incitations, qui sont les rétrocommissions, appelées marges arrières dans la « grande » distribution, voire rétrocessions. On est donc bien dans de la rémunération occulte, discrétionnaire et par conséquent réalisée au détriment du consommateur, attiré par une fausse bonne affaire (même si parfois il y en a de vraies) en tête de gondole. D’ailleurs on voit bien l’image de Shylock se « gondolant » d’avoir ainsi grugé le chaland. C’est la quintessence même de « Demain on rase gratis ».

De fait, il s’agit pour le distributeur d’encourager par des aides, en numéraire ou non, la diffusion de produits plus ou moins toxiques mais surtout rémunérateurs pour le diffuseur. Il va de soi que ces pratiques d’une autre époque sont à bannir. Toutefois, rappelons-nous la disparition programmée des contrats d’assurance à frais précomptés, pour savoir que l’enfer est pavé de bonnes intentions. Donc vigilance s’impose, et les régulateurs y veillent.

Différenciations.

Cependant, et c’est là le clou en or, la FCA (Financial Conduct Authority – ex-FSA, l’équivalent anglais de l’AMF) vient de produire un document essentiel dans le débat. Ce texte fait d’ailleurs suite aux indications précieuses déjà disponibles dans la future directive sur l’assurance. C’est toutefois pour la première fois de manière non équivoque qu’il est précisé dans son document « Supervision du conseil en investissements aux particuliers : rétrocessions et conflits d’intérêts », je cite : « Nous étions inquiets que cela puisse produire des paiements qui ne se présenteraient pas comme des commissions traditionnelles ». Ceci veut bien dire que les usages en place ne sont pas condamnables par nature, mais par détournement !

La FCA précise d’ailleurs plus loin que « tout paiement, ou avantage en nature, qui peut induire dans un sens incompatible ou divergent des intérêts des consommateurs/clients » est condamnable. En aucun cas il n’est écrit « commission ». Enfin, dans cette même consultation, la FCA confirme sans aucune ambiguïté la différenciation naturelle entre commissions, honoraires, avantages (en nature ou pas) et incitations (préjudiciables).

Nuances.

Voilà pourquoi, si le serpent de mer des commissions nous a agités en France, c’est bien du loch britannique uniquement que vient le Chevalier blanc. Et pour une fois que la dite « perfide » Albion est de notre côté, célébrons l’Entente cordiale !

En résumé, sont bien visées ici toutes les pratiques incitatives qui fondent a priori la rémunération a posteriori de l’intermédiaire sur la réalisation de ses objectifs. Cela ne vise donc pas les pratiques commerciales tendant à offrir ex post des cadeaux aux meilleurs producteurs, sans que cela soit le fruit d’une pratique déloyale, ou au détriment des résultats financiers octroyés au client.

Il faut donc bien comprendre aussi que la condamnation de pratiques incitatives n’annule en aucun cas les propositions commerciales ex ante visant à l’information ou à la formation des vendeurs de produits arrivant sur le marché. En effet, la suppression des budgets de communication des producteurs aurait au contraire un effet pervers sur le droit à l’innovation des consommateurs.

L’année 2014 s’ouvre donc avec cette avancée notable. Il est clair que nous mettrons toute notre énergie et le poids de tous au service de cette reconnaissance essentielle de la validité de ce mode de rémunération pour nos métiers.