
«Le guichet unique des entreprises ne fonctionne pas»

L’Agefi Actifs : Vous avez lors de vos vœux fait part de dysfonctionnements depuis l’entrée en vigueur du guichet unique des entreprises ?
Jérôme Gavaudan : Le guichet unique des entreprises ne fonctionne pas, en raison d’un mélange de problèmes techniques et d’oublis dans les formulaires. Nous ne sommes pas opposés au système de plateforme, mais les statistiques sont catastrophiques. Au lieu des 300 dossiers habituellement traités par le greffe, on tombe à 3 ou 4 dossiers. On nous a indiqué qu’il devrait fonctionner au mois de mars. Le Conseil national des barreaux (CNB), centralisant les données de la profession, s’est engagée à faire remonter les éléments qui dysfonctionnent à Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des Petites et moyennes entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme.
La récente décision du Conseil constitutionnel (1) est-elle encore une occasion manquée pour vous de voir consacrer l’unicité du secret professionnel de la défense et du conseil ?
Il y a une forme de déception, j’aurais aimé que le Conseil émette des réserves mais la motivation rassure par rapport à l’objectif de la loi. Il faut se rappeler que la chambre criminelle de la Cour de cassation restreignait la protection du secret professionnel seulement à l’enquête. Pourquoi le secret professionnel serait-il plus fort quand le document est rédigé lors d’une enquête ? Le Conseil constitutionnel valide les exceptions au secret professionnel du conseil mais confirme qu’en cas d’enquête les droits de la défense prévalent même lorsque les exceptions s’appliquent [notamment s'il existe des soupçons de fraude fiscale, corruption, trafic d'influence, financement d'une entreprise terroriste ou de blanchiment de ces délits NDLR]. Certains services d’enquête pensaient qu’en présence de ces exceptions le secret professionnel ne s’appliquaient plus.
L’application de la loi Confiance dans l’institution judiciaire est pour le moment respectueuse des droits de la défense, les juges d’instruction jouent le jeu.
«La Cour de cassation accuse un retard avec une conception vétuste des pouvoirs de police et d’enquête»
Les juridictions françaises et européennes semblent avoir une approche différente du secret professionnel ?
La Cour de cassation accuse un retard avec une conception vétuste des pouvoirs de police et d’enquête. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) propose un meilleur équilibre entre principes constitutionnels de recherche d’infraction et droits de la défense. Les cours européennes placent l’avocat et les dispositions spéciales au cœur du système alors qu’il existe un fonds anti-droits de la défense lié à la profession d’avocat dans la jurisprudence française, qui le considère comme l’empêcheur de tourner en rond.
Pourquoi votre régime spécifique de retraite est-il épargné par la réforme ?
Notre système par répartition est solidaire, il offre la même retraite de base à tous les avocats et l’âge de départ est à 65 ans après 42 ans d’exercice. La réforme ne remettra donc pas en cause notre vision de la retraite. Nous avons préservé notre régime car il est autonome et s’auto-finance. Nous sommes à l’équilibre et pour longtemps. Nos réserves étaient de 2,262 milliards d’euros au 31 décembre 2020. Nous serons cependant vigilants sur l’invalidité et les retours public/privés.
Que retenir des états généraux de la Justice ?
Les annonces du garde des Sceaux s’inscrivent dans l’esprit du rapport que nous avons remis le 8 juillet dernier au Président de la République. Les discussions sur les propositions du garde des Sceaux sont déjà en cours. Il faut souligner l’effort budgétaire et sur l’organisation des juridictions : l’exécutif a fait part de sa volonté de recruter rapidement des magistrats chez les avocats avec un système de passerelle fluidifié.
L’esprit de fond des états généraux est de sortir de l’idée de gestion de pénurie. Nous espérons qu’ils donneront lieu à un assouplissement du décret Magendi dont le but pour les juges était uniquement de sortir des dossiers rapidement. Dans les faits, cette réforme de la procédure d’appel empêche l’accès à un juge. Les perquisitions nocturnes dans les locaux d’habitation pour les crimes de droit commun droit doivent également cesser, au nom du respect de la vie privée et des difficultés à mettre en place une défense réactive dans ces tranches horaires.
(1) Décision n°2022-1030 et 2022-1031 QPC