Le Crédit Mutuel Arkéa inclut l’extra-financier dans sa mesure de performance

Bertrand de Meyer
Le groupe de Brest a dévoilé une méthodologie permettant d’évaluer en euros ses performances extra-financières. Une première à cet échelon pour une banque.
(Image par Mees Groothuis de Pixabay)

C’est une première pour une banque française. Le Crédit Mutuel Arkéa a dévoilé mercredi une méthodologie lui permettant de mesurer sa performance globale en associant les dimensions financière et extra-financière. L’idée est d'utiliser une unité de mesure commune, à savoir l’euro, pour exprimer non seulement les résultats financiers mais aussi les externalités positives et négatives des actions du groupe sur ses parties prenantes (sociétaires, clients, fournisseurs et salariés) dans le domaine environnemental et sociétal. Les conséquences des choix d’investissement et de financement, de sa politique d’achats et de sa politique de ressources humaines sont donc évaluées et monétarisées pour rendre compte de cette dimension. 

« L’objectif est de transformer notre façon d’appréhender les choses », explique Anne Le Goff, directrice générale déléguée. L’outil de mesure servira au pilotage du groupe et n’a pas vocation à sanctionner un client. Pour Julien Carmona, président du Crédit Mutuel Arkéa, « c’est aussi un travail qui s’inscrit dans le droit fil de notre raison d’être et notre plan stratégique Transitions 2024 ». Lors de sa présentation, le groupe comptait en effet sur cet outil de notation « inédit » pour marquer sa singularité, à défaut d’indépendance. La méthodologie, qui a vocation à être appliquée à l’ensemble des métiers de la banque et de l’assurance, sera déployée progressivement et devrait couvrir 80% des activités du groupe de Brest pour les prochains résultats en mars.

24 indicateurs d’impact 

Déjà, une mise en application a été menée sur les impacts extra-financiers d’Arkéa Banques Entreprises et Institutionnels (ABEI) en retenant 9 indicateurs, notamment l’émission de gaz à effet de serre pour le côté environnemental et les emplois soutenus pour le côté sociétal. Sur la base des encours au 31 décembre 2020, 1 million d’euros de financements accordés par ABEI génèrent en moyenne 15.000 euros d’impacts environnementaux négatifs et 335.000 euros d’impacts sociaux positifs. Au total, l’activité provoque un impact positif de 4 milliards d’euros, dont un impact négatif sur le domaine environnemental de 169 millions d’euros. A titre de comparaison, les revenus totaux du groupe en 2020 atteignaient 2,16 milliards d’euros. 

Le Crédit Mutuel Arkéa a travaillé avec le cabinet PwC, qui a notamment accompagné Kering pour le développement de son Compte de Résultat Environnemental, pour la partie méthodologique. 24 indicateurs d’impact ont été retenus sur lesquels des données agrégées par secteur d’activité sont récoltées (avant de collecter plus tard des données granulaires par client ou produit) à partir de sources publiques (OCDE, France Stratégie, Insee…). Ces indicateurs sont ensuite multipliés par un indice de monétarisation (calculé par la valeur des dommages/bénéfices ou par le coût d’évitement). Enfin, le total est pondéré par une quote-part d’Arkéa, correspondant à la part du groupe dans la valeur de l’entreprise, et permet d’aboutir à la valeur monétaire de l’impact. 

Engagements des autres banques 

« Nous n’avons pas la prétention d’être la référence internationale, mais serions fiers d’inspirer d’autres acteurs », conclut Anne Le Goff. Pour le moment, les autres banques travaillent plutôt avec des outils de notation rendant compte des efforts de transition écologique de leurs clients ou de leurs propres efforts sur la base de leurs engagements environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). D’autres développent des outils de notation qui peuvent se rapprocher de cette méthodologie, mais restent encore en phase de développement ou sur des périmètres plus restreints.

« Une trentaine de caisses régionales de Crédit Agricole ont déjà des outils de mesure de leur impact sociétal », précise par exemple une porte-parole de la banque. En 2020, elle a développé une plateforme de pilotage de la performance ESG qui centralise les données issues de sources internes et externes et permet de calculer des indicateurs de l’impact social et environnemental de ses métiers. Une année plus tôt, le groupe BPCE a fait réaliser une étude d’empreinte socio-économique des deux réseaux Banque Populaire et Caisse d’Epargne prenant en compte son activité de financement. Natixis, sa filiale qu’il a décidée de retirer de la cote, pilote l’impact climatique de son bilan à l'aide du Green Weighting Factor (GWF), un outil basé sur une méthodologie évaluant l’impact climatique et le risque de transition climatique de chaque financement ainsi qu'un mécanisme interne d’allocation de capital en fonction de son impact positif ou négatif sur le changement climatique. Appliqué sur l’ensemble du bilan bancaire hors secteur financier, il est employé comme un outil de décision. « Natixis s’engage à utiliser l’initiative GWF pour fixer des objectifs en matière d’impact climatique pour toutes ses activités bancaires », conclut une porte-parole.