La sécurisation des décisions d’investissement devient un enjeu majeur pour les CGP

Jean-François Magnan, Directeur Produits et Formation - CGP Entrepreneurs
La définition du profil du client, l’élaboration d’une allocation d’actifs, puis la mise en œuvre d’arbitrages doivent être toujours rigoureusement documentées.

La judiciarisation du métier de conseiller en gestion de patrimoine est une réalité depuis plusieurs années et cette tendance a vocation à perdurer. Elle n’est pas spécifique à ce métier, les médecins, les notaires ou les architectes aussi doivent en prendre la mesure et rendre leurs procédures les plus rigoureuses possibles. Pour leur part, les professionnels du patrimoine devront donc assumer des clients prompts à rechercher leur responsabilité face à des performances de leurs investissements décevants, mais aussi des autorités de supervision, voire les chambres elles-mêmes, dont les contrôles seront de plus en plus exigeants. La vigilance s’impose d’autant plus que les textes qui encadrent l’exercice de leur activité (en particulier la directive MIF et bientôt MIF 2) font peser sur eux des contraintes toujours plus fortes.

La bonne connaissance du profil du client, de son appétence au risque, de son horizon d’investissement, de ses projets professionnels et personnels, de ses connaissances financières, de la composition de son patrimoine sont le b.a.-ba du métier de conseiller en gestion de patrimoine. Mais désormais, il doit être en mesure de prouver à tout moment, lors d’un contrôle ou à l’occasion d’un litige, qu’il a bien mené les diligences nécessaires pour s’assurer que les décisions d’investissement prises l’ont bien été au regard du profil du client. Précisément, ces diligences sont à mettre en œuvre en amont d’une première opération, au moment de l’élaboration de l’allocation d’actifs, mais aussi tout au long de la vie des placements réalisés, et en particulier à l’occasion d’arbitrages. Surtout, ces démarches doivent être rigoureusement documentées.

L’agrégateur de comptes peut s’avérer un outil très efficace

Il n’y a pas une unique méthode de définition d’un profil, il en existe plusieurs, dont certaines proposées par des fournisseurs d’outils de construction d’allocations, mais il faut savoir en choisir une et s’y tenir, la respecter scrupuleusement. Un agrégateur de comptes (répertoriant les différents contrats d’assurance-vie, les différents produits de défiscalisation…) peut aussi être un bon appui. Le client répond à une série de questions déterminées, puis le logiciel définit son profil : il peut ou non accepter le positionnement qui lui est proposé. Celui qu’il aura retenu, qu’il aura matériellement « signé », s’imposera. Un contrôleur est susceptible de s’enquérir des questions posées et du mode de détermination du profil. Avoir eu recours à un outil de qualité permet de répondre à ces interrogations.

Mais cette procédure initiale ne suffit pas pour se prémunir de tout recours. Le suivi de l’allocation d’actifs est primordial. Les cabinets ont besoin d’être épaulés dans ce domaine, qui est un sujet à part entière car il fera sans nul doute l’objet de nombreux contentieux à l’avenir. L’allocation doit vivre et des propositions d’arbitrages réguliers doivent être faites (souscription d’un nouveau fonds, sortie d’un autre…), au regard du contexte des marchés et de l’horizon d’investissement du client. Ces propositions d’arbitrages doivent être justifiées, afin de permettre une traçabilité complète de la vie de l’allocation.

Une véritable industrialisation des processus

Ces procédures peuvent apparaître bien lourdes pour des conseillers en gestion de patrimoine qui suivent en moyenne une cinquantaine de familles, soit une centaine de clients, qui disposent chacun de plusieurs contrats. Gérer plusieurs centaines de contrats d’une manière rigoureuse nécessite aujourd’hui une véritable industrialisation des processus, afin par exemple de diffuser plusieurs centaines de courriers types par email, tout en les personnalisant. De même, à l’avenir beaucoup des actes de gestion devront être totalement automatisés. Déjà la majeure partie des compagnies d’assurance ont accepté que leurs contrats soient pilotés via des agrégateurs de comptes, qui peuvent ainsi devenir un outil d’arbitrage.

Outre la sécurisation de son activité, cette stratégie est particulièrement bénéfique au développement d’un cabinet, car une optimisation de procédures administratives très chronophages, permet aussi de mieux se consacrer aux relations avec ses clients et au développement commercial. Et in fine, l’objectif de chacun pouvant être de céder sa clientèle, un cabinet dont les dossiers sont systématiquement numérisés affichera naturellement une meilleure valorisation.