Financement participatif

La France finit par se révéler

Edouard Waels, avocat, Bignon Lebray
Après un démarrage modeste, le financement participatif acquiert ses lettres de noblesse en France
La levée de fonds se libéralise, le statut se structure et la transparence est promue sur les risques encourus
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Après de longs mois de débats parfois houleux entre les principaux acteurs du financement participatif et Bercy, c’est depuis la Silicon Valley que François Hollande a promis, le 12 février dernier, « une nouvelle impulsion » pour le crowdfunding (ou « financement participatif »).

Ce modèle de financement embryonnaire en France permet, via des plates-formes web spécialisées, de mettre en contact des porteurs de projets et des internautes désireux de les financer. Il se décline selon trois grandes familles en s’orientant sur le don, le prêt ou l’investissement en capital, ces différentes familles ayant comme tronc commun la recherche de fonds auprès d’un large public en utilisant le web.

Un intérêt croissant.

Faute de pouvoir compter sur une réglementation adaptée et souvent condamné par ses détracteurs qui y voient un terrain propice à la dérive et aux abus, le crowdfunding n’a, jusqu’à présent, que trop timidement permis de contribuer au financement de notre économie. Dans un contexte marqué par la frilosité du système bancaire, qui montre une réelle aversion au risque, Bercy vient cependant de se positionner clairement en faveur du financement participatif. Le message adressé témoigne ainsi d’une volonté d’accélérer son rôle dans le financement de notre écosystème aux côtés des business angels et des fonds d’amorçage et de capital-risque.

Le nouveau cadre réglementaire ambitieux qui a été annoncé le 14 février dernier par Fleur Pellerin – alors ministre déléguée aux PME et à l’économie numérique – suscite de nouveaux espoirs et fait de la France un pays pionnier sur ce secteur au niveau européen.

Cadre réglementaire amélioré.

Il permettra notamment aux start-up et aux PME de lever jusqu’à 1 million d’euros, soit par l’émission d’actions nouvelles à souscrire par des investisseurs particuliers, soit sous la forme de prêts souscrits auprès de ce même public.

Les start-up et PME qui souhaitent renforcer leurs fonds propres par ouverture de leur capital et qui sont bien souvent confrontées à l’equity gap, pourront ainsi lever jusqu’à 1 million d’euros (au lieu de 100.000 euros jusqu’à présent) sans être soumises à la contrainte lourde de l’établissement d’un prospectus. Ce document, comprenant 200 à 500 pages d’informations visées par l’AMF et qui, au-delà de son aspect chronophage, suppose l’intervention d’experts juridiques/financiers, constituait une contrainte rédhibitoire pour des jeunes pousses en phase d’amorçage. Par ailleurs, alors que seule la société anonyme (SA) était jusqu’à présent éligible pour les levées de fonds faisant appel au public, la société par actions simplifiée (SAS), forme sociale la plus courante à ce jour, pourra également bénéficier de cette alternative de financement.

Concernant les plates-formes de crowdfunding orientées sur le prêt rémunéré, une exception au monopole bancaire permettra aux particuliers de prêter jusqu’à 1 million d’euros à une entreprise, étant précisé que chaque prêteur pris individuellement ne pourra pas prêter plus de 1.000 euros par projet.

Nouveaux statuts et transparence.

Pour consacrer cet avènement et crédibiliser ces modèles de financement, il sera créé, en marge du statut de CIF, un nouveau statut de « conseiller en investissement participatif » (CIP) pour les plates-formes dédiées à l’investissement en capital, et d’« intermédiaire en financement participatif » (IFP) pour les plates-formes dédiées au prêt rémunéré, sans que ces dernières n’aient à justifier d’un niveau minimum de fonds propres.

En contrepartie, il est demandé à chacun des acteurs une plus grande transparence sur les frais et les risques encourus par l’investisseur. Un label signalant les plates-formes en conformité avec la réglementation sera créé, ce qui permettra d’évincer du marché tout acteur qui ne serait pas suffisamment diligent et précautionneux.

Une ordonnance reprenant ces grandes lignes devrait être publiée prochainement (lire p. 18) et devrait être suivie d’ici à juillet de décrets d’application. Par la suite, Bercy promet de faire un point à court terme sur l’impact de la réforme, comme pour mieux sensibiliser les différents acteurs sur la nécessité de travailler à la prévention et à la maîtrise des risques d’abus (notamment de blanchiment d’argent) qui pourraient condamner définitivement le financement participatif.