
La clientèle patrimoniale d'HSBC France attire les convoitises

HSBC France est pris en étau. Entre le projet de cession de sa banque de détail et la restructuration massive de sa maison mère HSBC, annoncée hier, l’ex-CCF a dévoilé une perte nette de 39 millions d’euros en 2019. «C’est notre deuxième année de pertes consécutive», a déclaré mardi Jean Beunardeau, directeur général (DG) de HSBC France, lors d’une conférence de presse. En 2018, la banque avait publié un résultat net part du groupe de -17 millions d’euros.
La santé de HSBC France est scrutée de près, dans le cadre de la revue stratégique qui pourrait aboutir à la vente de ses activités de banque des particuliers et des PME. La Banque Postale et la Société Générale se seraient portées candidates lors du premier tour d’enchères bouclé en fin de semaine dernière, selon des sources proches du dossier qui confirment les rumeurs des dernières semaines. HSBC France ne fait pas de commentaires. «La revue stratégique se poursuit normalement. Il y a des contacts avec des acheteurs potentiels et aucune décision n’est prise», affirme Jean Beunardeau.
Chantier informatique «au point mort»
Ce fonds de commerce a «une très belle clientèle patrimoniale, très fidèle, servie par des banquiers de grande qualité», estime le banquier. «Elle n’est pas rentable pour nous car nous n’avons pas la masse critique pour absorber les coûts fixes et informatiques, ajoute-t-il. Mais pour quelqu’un qui a la masse critique ce réseau est vraiment rentable».
Si HSBC France trouve preneur pour ses 800.000 clients particuliers et une partie de sa clientèle d’entreprises, le groupe prendra à sa charge les coûts de restructuration du réseau d’agences et la baisse des effectifs, déclare une source proche du dossier. A fin 2019, la banque des particuliers comptait 3.500 équivalents temps plein (hors PME). Reste le sujet épineux de l’informatique, alors que le chantier de la migration du «core banking» est «au point mort», selon une source syndicale.
Rentabilité de 0,6% en Europe
Le processus de cession en France prend un tour nouveau après l’annonce, hier, du plan d'économies de HSBC. Le groupe prévoit de réduire ses effectifs mondiaux de 35.000 personnes et ses encours pondérés du risque (RWA) de 100 milliards de dollars (92,4 milliards d’euros) d’ici à fin 2022. Les coupes vont notamment toucher les activités européennes (hors banque de détail britannique), à la rentabilité quasi nulle. En 2019, leur rendement sur fonds propres tangibles (RoTE) a atteint seulement 0,6%. Sous trois ans, les RWA dans la région devront diminuer de 35%, alors que le groupe souhaite déporter en partie son centre de gravité vers l'Asie. Dans la banque de financement et d’investissement (BFI), particulièrement visée, Paris est devenu la tête de pont continentale dans le cadre du Brexit. «L’ampleur du redimensionnement et du focus sur les différents secteurs européens n’a pas été défini», indique Jean Beunardeau. «Tous les métiers de la BFI sont concernés par le fait que l’on va repenser la BFI sur une base européenne et réallouer les métiers entre Londres, Paris et l’Allemagne», ajoute-t-il. La réorganisation dépendra aussi de l’accord final sur le Brexit entre le Royaume-Uni et l’Union européenne, notamment sur la question du passeport financier.
Année blanche en «fixed income»
Les métiers de cash actions sont déjà explicitement concernés par les réductions de coûts. L’exécution des ordres est centralisée à Londres, mais Paris emploie une dizaine de vendeurs et neuf analystes actions. La France est surtout le centre des activités de fixed income (taux et changes) pour la zone euro. Or ces métiers ont souffert des taux très bas, voire négatifs, des émissions de dette souveraine en 2019. Si le «fixed income représente la moitié» des revenus de la BFI de HSBC France lors d'«une année normale», sa contribution a été de «presque rien» l’an dernier, selon la banque.
Pour autant, «la confiance dans la France a été renouvelée ce matin par Noel Quinn (le DG par intérim du groupe, ndlr), assure Jean Beunardeau. La France est un pays d’investissement pour HSBC.» Le rattachement à Paris d’une dizaine de succursales européennes (Espagne, Italie, Luxembourg, etc.) ces deux dernières années a permis de gonfler les revenus 2019 de HSBC France de 418 millions d’euros. Le produit net bancaire a atteint au total 1,095 milliard d’euros, en hausse de 8,3% sur un an glissant.
L’élargissement du périmètre de la filiale tricolore contribue aussi à hauteur de 131 millions au résultat avant impôt. La variation favorable de la valeur des activités d’assurance vie, réajustée tous les ans, a aussi gonflé le bénéfice imposable de 113 millions d’euros. Cela a permis à la division de banque de particuliers et de gestion de patrimoine de redevenir profitable, avec un bénéfice avant impôt ajusté de 38 millions d’euros, contre une perte inédite de 55 millions d’euros en 2018.
A l’échelle de HSBC France, le résultat imposable est toutefois dans le rouge, à -22 millions d’euros contre +45 millions en 2018. Il pâtit d’une dotation pour risque de crédit de 128 millions d’euros (contre une reprise de provision de 10 millions en 2018) et d’une dépréciation d’écart d’acquisition de 169 millions d’euros dans la banque d’entreprises (liée au rachat de la Banque Hervet en 2001). Après une dépréciation de 127 millions d’euros dans la banque des particuliers en 2016, «nous tournons la page des années de forte valorisation des banques européennes cotées qui sont passées de deux fois les fonds propres à 0,6 fois», pointe le patron de HSBC France.