
La circulaire manque de cohérence sur les mandataires sociaux

L’Agefi Actifs. - Quelle est la situation des mandataires sociaux en matière de protection sociale complémentaire ?
Frank Wismer. - Hormis le « salarié cadre dirigeant », entendu au sens de la non-application de la réglementation du temps de travail, le personnel de direction d'une entreprise intervient dans le cadre d'un mandat social, régi par le Code du commerce, qui n'est donc pas un contrat de travail. Il en résulte que, sauf à y être préalablement autorisé par les organes de délibération de l'entreprise, le mandataire social ne bénéficie pas du statut collectif applicable aux salariés.
En revanche, certains mandataires sont affiliés au régime général de Sécurité sociale des travailleurs salariés, par ordre de la loi (1) : les gérants minoritaires et égalitaires des SARL, le président des SA à conseil d'administration, les directeurs généraux et les directeurs généraux délégués des SA, le président des SAS... Leur rémunération est donc soumise à charges sociales, dans les mêmes conditions qu'un salarié. Dès lors, s'ils sont autorisés à bénéficier du financement par l'entreprise de garanties de retraite supplémentaire et de prévoyance complémentaire, on peut concevoir qu'ils puissent bénéficier des mêmes règles d'exclusion d'assiette. Cela était l'un des points très attendus de la circulaire.
Quelle est la position de la direction de la Sécurité sociale ?
- Sur la base d'une interprétation strictement littérale du texte d'exonération, la direction de la Sécurité sociale (DSS) considère, par principe, que l'exclusion d'assiette ne bénéficie qu'aux salariés, anciens salariés et ayants droit. Cela lui permet donc de raisonner « par exception ». Elle considère que les mandataires sociaux qui cumulent valablement leur mandat avec un contrat de travail bénéficient de l'exonération si ce contrat les fait entrer dans la catégorie objective. S'ils ne cumulent pas, elle admet l'exonération du financement les concernant « que s'ils remplissent eux-mêmes le ou les critères retenus ».
Cela vaut donc pour la notion de cadre au sens de l'Agirc, que l’on retrouve dans le critère 1, ils sont expressément visés par l'article 4 de la Convention collective nationale Agirc du 14 mars 1947, et pour les tranches de rémunération prévues dans le critère 2. Mais la DSS ne précise pas expressément si cela implique nécessairement que l'exonération est exclue, pour leur cas particulier, lorsque les mandataires sont autorisés à bénéficier d'un régime dont la catégorie est définie par les critères 3 (catégories et classifications des conventions collectives nationales), 4 (sous catégories de ces conventions collectives) et 5 (les usages professionnels).
Que penser de cette doctrine ?
- Sur la base de la précédente circulaire DSS du 30 janvier 2009, nous avons eu à traiter de nombreux contentieux qui avaient mis en évidence des divergences d'interprétation entre des entreprises et certaines Urssaf. Les cas d'exonération expressément admis – les cadres au sens de l'Agirc et les tranches de rémunération– règlent à cet égard tout débat. Mais cela ne résout pas les problèmes concernant le recours aux autres critères. A n'en pas douter, il faut craindre que les Urssaf liront cette doctrine comme ne permettant pas le bénéfice de l'exonération pour les mandataires sociaux lorsque la catégorie est définie selon les critères 3 à 5.
Mais à admettre que la doctrine DSS doit être lue de cette façon, rien n'interdit de la critiquer par ailleurs ! Nous disposons déjà d'arguments pour mener la lutte, la thèse de la DSS n'étant pas, selon moi, cohérente sur ce point précis. Les entreprises doivent donc choisir entre le recours à des critères désormais fiables car opposables aux Urssaf, ou accepter le principe d'une discussion lorsque le mandataire bénéficiera d'un régime dont le collège est défini sur la base du critère 3 ou 4. Mais ne perdons pas de vue que la DSS considère qu'en cas de difficulté, la remise en cause de l'exonération ne porte que sur le financement alloué au mandataire sans que cela perturbe, sur ce seul motif, l'exclusion d'assiette des salariés éligibles au régime.
(1) Art. L.311-1 Code de la Sécurité sociale.