
La certification en écho à la responsabilité des CGP

Dix-neuf ! Par le cumul des places d’honneur occupées par plusieurs d’entre eux, ce sont dix-neuf conseillers financiers qui ont été primés mercredi 30 janvier au Cercle Interallié à Paris, sur les 30 places des différents podiums - intégrant des ex æquo. Des récompenses attribuées dans le cadre de la 15e cérémonie de remise des prix de Conseils en gestion de patrimoine (CGPC) dont L’Agefi Actifs est partenaire depuis l’origine. Ces professionnels qui ont été félicités pour leur travail et leurs compétences dans différents domaines de la gestion de patrimoine ne sont toutefois que la partie émergée de la certification. Cette dernière a en effet permis à de nombreux candidats - certes en légère baisse par rapport à l’an passé selon la CGPC - de parfaire cette année leurs connaissances.
L’intérêt pour la certification démontre bien l’importance de la maîtrise des sujets patrimoniaux, et l’accompagnement nécessaire des conseillers sur la durée pour se doter systématiquement des meilleures compétences. Dans ce cadre, cette année a été l’occasion pour la CGPC d’innover et étoffer le nombre de candidats potentiels. L’association vient en effet de créer une nouvelle certification dite de niveau 1. « Il s’agit de former des conseillers en gestion de patrimoine ‘juniors’, appelés à intervenir sur des dossiers client de complexité moyenne, ou sur des dossiers complexes avec le soutien d’un conseiller ‘senior’ détenteur de la certification », explique-t-on à la CGPC. De fait, se dessine le parcours professionnel certifiant que les entreprises de bancassurance et les cabinets de CGP et/ou de courtier peuvent offrir à leurs conseillers.
Une profonde évolution. L’intérêt de ce « maillage » est évident. Car la gestion de patrimoine connaît une profonde évolution. Et entre réglementation omniprésente et risques de contentieux, les conseillers en gestion de patrimoine doivent trouver leur place, ce qu’ils parviendront d’autant plus facilement à faire si leur niveau de connaissance est au plus haut. Cette idée a d’ailleurs été l’objet d’échanges lors d’une table ronde - une première en l’occurrence - précédant la remise de prix. A cette occasion, aux côtés de Raymond Leban, président de CGPC, deux membres du conseil scientifique de l’association, Pierre-Grégoire Marly, professeur agrégé des Facultés de droit, et Dounia Harbouche, avocat à la cour, ont pointé plusieurs pierres d’achoppement sur le plan réglementaire, et évoqué les risques de contentieux, le rôle des tribunaux, de même que de récentes et importantes jurisprudences pour les conseillers en gestion de patrimoine. Ainsi, Pierre-Grégoire Marly a d’abord souligné la différence qu’il existait entre ce qui était imposé par les textes (la loi « dure ») et les simples recommandations (appelées la loi souple ou « soft law »). « Le fait de ne pas avoir respecté une recommandation ne peut pas justifier une sanction disciplinaire ou une sanction judiciaire », a-t-il souligné. Mais le professeur fait bien la différence entre la théorie et la pratique en précisant que « dans les faits, la frontière entre le droit dur et le droit souple se révèle très poreuse ». C’est pour cette raison que même si le statut de conseiller en investissement financier n’est stricto sensu pas obligatoire pour distribuer un contrat d’assurance vie multisupport, si aucun service de conseil n’est prodigué, Pierre-Grégoire Marly recommande à tous les professionnels d’opter pour ce statut. Un conseil que Dounia Harbouche abonde, car « la jurisprudence étant si différente, d’une affaire à l’autre, d’un lieu géographique à un autre, voire d’une chambre à l’autre dans un même tribunal, qu’il vaut mieux être CIF, car sinon, sans s’en rendre compte, un professionnel risque d’être confronté à une juridiction qui estime qu’il ne respecte pas la loi ». Si la jurisprudence concernant la responsabilité des conseillers est foisonnante, on retiendra tout de même de cette table ronde que les interprétations des textes sont loin d’être claires et homogènes.
Un examen qui ratisse large. Compte tenu de ces évolutions subies dans l’univers de la gestion de patrimoine - facteurs d’instabilité par nature - « la certification est donc parfaitement dans l’air du temps », a insisté Raymond Leban au cours de la soirée. Ce dernier a également noté que « dans les formations préparatoires qu’il faut avoir suivies pour pouvoir se présenter à l’examen de certification, non seulement les compétences utiles sont décrites pour donner un conseil éclairé, mais on apprend à dérouler le bon processus de conseil qui inspire confiance au régulateur et on initie aux subtilités de la jurisprudence sur la responsabilité du conseiller ». Ainsi, a ajouté Raymond Leban, « on demande aux certifiés de signer des engagements renouvelés chaque année de bonnes pratiques et d’éthique professionnelle, et de faire la preuve du suivi de formations, avec le souci de donner un temps d’avance sur les réglementations ».
En pratique, organisée autour de six UV, l’examen ratisse large. Il couvre à la fois l’environnement juridique du patrimoine (UV 1), l’environnement fiscal du patrimoine (UV 2), l’environnement économique et financier (UV3), la protection de la personne et de son patrimoine (UV4) et la réglementation et la déontologie (UV 5). Enfin, un contrôle des connaissances est prévu baptisé synthèse-diagnostic et conseil patrimonial global (UV 6).
Outre les lauréats de ces épreuves techniques, trois professionnels ont été distingués au cours de la cérémonie (voir les portraits ci-contre). Dans le cadre du nouveau prix du Conseil financier certifié pour commencer, puis dans le cadre de la catégorie concernant les professionnels affichant une spécialisation dans leur activité (immobilier, prévoyance, etc.). Enfin le prix du Conseil en gestion de patrimoine certifié a été attribué au meilleur des conseillers par son classement général aux épreuves techniques.
Taux de réussite satisfaisants. Le décor étant planté, que pourra-t-on retenir des résultats cette année ? Tout d’abord, les taux de réussite sont satisfaisants. Ils s’élèvent à 71,70 % pour la certification CFP/CGPC, à 86,67 % dans le cadre du conseil financier certifié, et 68,09 % pour le conseil en protection sociale certifié. Par ailleurs, on notera une fois encore cette année l’omniprésence des assureurs, avec une arrivée remarquée du groupe Le Conservateur parmi les établissements adeptes de la certification. Ainsi, sur les neuf podiums établis, Le Conservateur occupe pas moins de dix-sept places. « Notre stratégie est de poursuivre notre développement tout en augmentant les moyens mis à la disposition de notre réseau d’agents indépendants : immobilier, formations notamment certifiantes et diplômantes telles que la CGPC et service d’ingénierie patrimoniale dédié pour maintenir dans le temps un conseil à forte valeur », a justifié Corinne Caraux, directrice de l’ingénierie patrimoniale du groupe. Derrière, MMA Vie s’impose cinq fois, avec un podium dédié à la certification niveau 1 totalement occupé par des salariés de l’assureur auquel s’ajoutent deux expertises de bronze dans le cadre de l’UV « Réglementation et déontologie ». A égalité de distinctions, des membres du réseau de CNP Assurances s’arrogent le podium « Conseil certifié spécialisé ». Pour sa part, Allianz glane une Expertise d’or dans la catégorie Diagnostic et synthèse patrimoniale globale et deux Expertises de Bronze dans la catégorie Environnement économique et financier et Prévoyance Retraite Assurance vie. Pour être complet, un conseiller de Gan Patrimoine remporte l’Expertise d’Or dans cette dernière catégorie et un autre chez MAAF Vie récupère l’Expertise de Bronze de l’UV Diagnostic et synthèse patrimoniale globale. Naturellement, ces résultats sont à mettre en perspective avec ceux globaux de la certification et les objectifs de la CGPC. « En 2019, on pourra observer une présence plus forte des courtiers et CGPI à l’examen de certification de palier 2 », a annoncé l’association.
Conseil en gestion de patrimoine certifié
Eric razny,
Le Conservateur
Le choix du conseilet du client
« A 95 % bancaire, finance et conseil ». C’est ainsi que Eric Razny juge sa carrière qu’il a débutée avec un diplôme de 3e cycle Finance Marchés d’une école de commerce - Eslsca. Le lauréat 2019 du Prix Conseil en gestion de patrimoine certifié cette année a d’abord évolué pendant vingt ans dans la banque. Mais les carrières ne sont pas linéaires et ce cadre se fixe de nouveaux défis. A 40 ans, il répond positivement à une création de poste, qui le conduit à prendre la direction générale d’une entreprise de chauffage basée à Strasbourg, où il aura la charge de structurer les fonctions supports de l’entreprise.
Mais ce sont ses racines nordistes et sa région qu’il souhaite rejoindre, qui le conduiront à entrer de plain-pied dans le monde de l’assurance. « Un choix raisonné qui me ramène à ce que j’ai toujours apprécié dans ma carrière professionnelle, le conseil sur mesure et le client », explique Eric Razny, aujourd’hui âgé de 50 ans. Il rejoint ainsi Le Conservateur en 2014 en qualité d’agent indépendant, attiré par un groupe qui témoigne d’un développement inédit sur le marché de l’assurance ces dix dernières années (…).
Ses résultats sont rapidement au rendez-vous. Il est aujourd’hui délégué régional, une fonction qui lui permet, au-delà du conseil apporté à ses clients, d’être également un animateur et un recruteur. Ses résultats et son évolution l’incitent également à suivre la certification de CGPC. « Une formation diplômante et reconnue qu’il apprécie pour être au fait de la connaissance patrimoniale et profiter d’une actualisation systématique de ses compétences et du cadre réglementaire ». L’intérêt pour Eric Razny est d’entretenir cette image de professionnel expert pour parvenir à ne travailler que par recommandation. En attendant, son périmètre d’animateur vient d’être élargi. Coïncidence ou conséquence de sa brillante première place à l’examen de CGPC ? Les paris sont ouverts…
Conseil certifié spécialisé
Fouzia Hammou,
CNP Assurances
Le concret de la prévoyance et de la protection sociale
La lauréate du Grand Prix Certifié Spécialisé en est convaincue. On intègre le monde de l’assurance par pragmatisme, mais on peut y rester par goût. C’est en tout cas ainsi que Fouzia Hammou résume son parcours. De formation littéraire, détentrice d’un DEUG d’espagnol, ses études trop généralistes ne lui permettent pas d’entrevoir de réelles débouchés sur le marché du travail. D’où l’obtention d’un BTS formant au secrétariat de direction. Pourtant, c’est une expérience commerciale dans une agence immobilière qui constituera un premier tournant dans sa carrière. Fouzia Hammou apprécie cette activité professionnelle qu’elle poursuit au sein d’une société d’assurance, PFA Athéna, en se spécialisant dans la protection sociale. Aujourd’hui encore, elle justifie son choix et son goût pour cette spécialisation en pointant son aspect concret, le fait que ce sujet préoccupe le plus grand nombre et que chaque personne est un cas particulier. Après PFA Athéna, Fouzia Hammou rejoint CNP Assurances et son réseau Amétis où elle apprécie la taille humaine des équipes et la grande proximité avec ses responsables. Basée alors en Lorraine, à Nancy, elle donne une nouvelle orientation géographique à sa carrière en rejoignant il y a quelques mois la direction régionale de Nantes de CNP Assurances, qui cherche à se renforcer pour développer ses relations avec les chefs d’entreprise de la région. Pour mettre toutes les chances de son côté, Fouzia Hammou a demandé à passer la certification proposée par son employeur. « La certification est une montée en compétences particulièrement appréciable dans un contexte où la réglementation est de plus en plus présente et exigeante, et où il est nécessaire de posséder une expertise de plus en plus pointue et qui doit être régulièrement remise à jour », explique Fouzia Hammou. Et ce d’autant que les problématiques des chefs d’entreprises sont complexes ! Dans ce cadre, sa certification obtenue, cette conseillère en gestion de patrimoine voit les sacrifices réalisés pendant un an être payés en retour. Et lui permet d’entrevoir une poursuite de sa carrière de façon sereine.
Conseil Financier Certifié
Julien Combe,
MMA Vie
« Un client est prioritaire »
En dépit de son profil scientifique et de sa formation d’ingénieur, Julien Combe, âgé aujourd’hui de 33 ans a rapidement délaissé cette filière pour côtoyer la faculté puis, très vite, suivre un BTS Assurance en alternance chez MMA - où il est gestionnaire de contrats d’assurance vie. Le pli est alors pris et ce sarthois suit ensuite une formation de conseiller financier à Angers. Son diplôme en poche en 2014, il entre au Crédit Mutuel en tant que conseiller de clientèle où il reste un an avant de rejoindre un cabinet de courtage situé à Nantes. Des conditions financières plus intéressantes le conduiront quelques temps plus tard à retourner dans la Sarthe et rejoindre la société Meilleurtaux Solutions, spécialisée dans le rachat de crédit. Il y devient rapidement responsable commercial. Cependant, sans réelle possibilité d’évolution de carrière au sein de la société, c’est un cabinet de recrutement à la recherche d’un conseiller en gestion de patrimoine chez MMA qui lui mettra définitivement le pied à l’étrier. Après une formation théorique de 15 jours, c’est par l’expérience terrain et le travail en interne qu’il développe son portefeuille constitué de 250 clients pour commencer. Ses très bons résultats le conduiront à obtenir le statut cadre au début de l’année dernière et se voir proposer par son entreprise de passer la certification Niveau 1 de CGPC. Ce qu’il accepte avec enthousiasme en dépit des sacrifices qu’exigent les examens le soir ou le week-end. « J’ai appris énormément, tant dans le domaine juridique ou fiscal que dans la connaissance des produits de placements, explique-t-il. Surtout, ajoute-t-il, sur le plan commercial, je suis désormais plus autonome et je me sers également beaucoup de l’interprofessionnalité auprès de mes clients en ayant constitué un réseau d’avocats, de notaires ou d’experts ». Une stratégie gagnante pour la clientèle qui se sent en confiance et apprécie un interlocuteur qui maîtrise son sujet. Au nom de ce client qu’il considère comme prioritaire, le lauréat du Prix du Conseil Financier Certifié souhaite désormais passer le Niveau 2 de la certification. Avec l’ambition de devenir un jour inspecteur Vie ou agent général.
Trois questions à...
Raymond Leban,
président de CGPC
L’Agefi Actifs. Entre une réglementation omniprésente et des risques de contentieux qui vont croissants, êtes-vous inquiet pour l’avenir de la profession des conseillers en gestion de patrimoine ?
Raymond Leban. Je ne suis pas inquiet pour les CGP qui ont pris à bras le corps la question du « renforcement de leur capacité à appliquer la réglementation renforcée ». Les obligations de formation continue instaurées pour toutes les activités réglementées du CGP (CIF, IAS, IOBSP, Intermédiation des transactions immobilières avec la carte T) y aident. CGPC apporte sa pierre en proposant des formations conçues dans cet esprit (qui répondent par exemple au cahier des charges des formations continues appropriées, attaché à la DDA). S’agissant des risques de contentieux, deux remarques.
La première ramène à la formation : expliquer aux CGP quels sont les risques à éviter ou tout au moins à réduire (en se tenant par exemple à l’écart de certains produits ou en traçant correctement les relations avec les clients), ce qui revient pour une part à leur expliquer quelles sont les règles à respecter, est évidemment très utile.
La conférence conduite avec les membres de notre conseil scientifique, Dounia Harbouche et Pierre-Grégoire Marly, montre ensuite que les tribunaux construisent une jurisprudence « sage » : non, l’obligation d’alerter sur les risques des produits n’est pas illimitée, elle ne s’applique pas aux propositions de placement n’ayant pas de caractère spéculatif. Ce qui ne veut pas dire que la sécurité juridique est totale (nous avons tous en tête cette jurisprudence à deux têtes qui dit : un intermédiaire d’assurance qui conseille sur une assurance vie en unités de compte n’a pas à respecter la réglementation CIF… sauf s’il a été consulté dans le cadre d’un projet d’investissements financier !)
Vous n’avez jamais caché les enjeux européens de la certification et vous avez été récemment élu « Chairperson of FPSB Europe ». Quels objectifs vous êtes-vous fixé ?
FPSB Europe regroupe les organismes de certification qui, comme CGPC en France, délivrent la certification « Certified Financial Planner™ », qui est aussi ISO 22 222. Plus de 9.000 certifiés au sein de l’Union. Les autorités de supervision européennes et la Fédération d’organisations de consommateurs européennes, Better Finance, ont mis en évidence trois piliers pour la protection financière des consommateurs-épargnants : une meilleure éducation financière de ces derniers, la possibilité pour eux de recourir à des conseillers suffisamment qualifiés et agissant dans leur intérêt et enfin une réglementation mieux protectrice.
GPC et ses collègues européens du FPSB Europe contribuent au deuxième pilier par la mise à disposition des consommateurs épargnants de conseillers certifiés, compétents et éthiques. Mon ambition est de mieux le faire savoir auprès des autorités de supervision européennes et du grand public. Elle est aussi de développer des positions sur les modalités d’application des régulations qui viennent d’être mises en place, susceptibles de contribuer à l’efficacité de ces régulations.
Vous évoquez CGPC devenu il y a peu membre de Better Finance. Quelle stratégie poursuivez-vous précisément ?
CGPC juge utile de travailler avec les constituants du premier pilier de la protection des consommateurs-épargnants que sont les associations de consommateurs des pays de l’Union, membres de Better Finance. Nous pensons à une réflexion commune sur la manière d’améliorer la culture, les connaissances financières des consommateurs-épargnants, sujet jugé stratégique par les autorités de supervision tant européennes que nationales.
Nos certifiés ont une expérience en la matière. Ils participent à l’éducation financière de leurs clients. Nous pensons aussi au partage avec ces organisations de positions d’un côté sur les évolutions souhaitables des réglementations, de l’autre sur le caractère concret de la réglementation récemment mise en place pour mieux protéger le consommateur-épargnant, sur les modalités de sa mise en œuvre, qui vont se construire.