
« Devenir une référence de la gestion d’actifs »

L'Agefi Actifs. - Quel bilan dressez-vous de votre activité en 2019 ?
Guillaume Jalenques de Labeau. – 2019 a été une année de croissance dans nos trois activités (gestion d’actifs, family office et M&A). L’activité de gestion d’actifs, qui est notre activité principale [elle représente environ 75 % du chiffre d’affaires de Mansartis, NDLR], a vu ses encours passer de 670 millions d’euros à fin 2018 à 830 millions fin 2019.
L’un des temps fort de l’an passé a été notre sélection par le fonds 2i Sélection et par la Sicav Emergence. Au-delà des 50 millions d’euros investis par Emergence, c’est surtout le crédit que nous avons acquis auprès des investisseurs qui nous servira pour la suite.
Quels sont vos objectifs pour les années à venir ? Nous avons le milliard d’euros d’encours en ligne de mire. Une fois ce cap stratégique et symbolique atteint nous aurons fait un pas important vers notre objectif final : devenir l’une des marques indépendantes de référence de la gestion d’actifs.
Plus spécifiquement, nous commençons à nous développer à l’international, surtout dans les pays francophones. C’est une des actions à mener pour laquelle la visibilité apportée par Emergence pourra nous aider. Mais, notre priorité reste le marché français où il y a beaucoup à faire. Cela passera notamment par le développement de la clientèle de grands institutionnels et celle de la distribution que nous avons peu sollicitée jusqu’ici. Notre priorité est donc de rencontrer les mutuelles, les caisses de retraites, les assurances mais aussi les banques privées, les multigérants et les family offices.
Les CGP ne vous intéressent donc pas ? Ils nous intéressent bien entendu ! Cependant, c’est une clientèle difficile à capter et nous n’avons pas assez de ressources à y allouer pour le moment. Actuellement, c’est donc plutôt une clientèle d’opportunité. Nous avons tout de même déjà référencé nos produits auprès de sept assureurs sur différents contrats d’assurance vie pour le compte de notre clientèle privée, ce qui permet aux conseillers souhaitant travailler avec nous de le faire facilement.
Pour devenir incontournable, il vous faudra grossir, comment comptez-vous y parvenir ? En nous appuyant avant tout sur une croissance organique forte. Evidemment, nous resterons opportunistes et nous regarderons le marché pour réaliser éventuellement de la croissance externe. Mais ce n’est pas notre priorité. Nous avons une philosophie de gestion très marquée, il nous faudrait donc trouver une société qui nous ressemble ou qui veut nous ressembler.
Dans tous les cas, l’indépendance de la société restera au cœur du projet. Aujourd’hui, les deux-tiers du capital appartiennent à la famille fondatrice dont je fais partie. Le reste est détenu par nos collaborateurs, entrés au capital de Mansartis depuis 2016.
La croissance organique peut-elle vraiment suffire ? C’est notre conviction, à condition qu’elle s’accompagne du recrutement de vrais talents pour renforcer nos compétences. En 2020, nous allons renforcer le pôle de gestion diversifiée avec l’arrivée d’un gérant. Nous serons vigilants également pour les autres équipes, notamment les équipes commerciales, et renforcerons les ressources dès que cela sera nécessaire.
L’an dernier, nous avions déjà accueilli un analyste Europe ainsi qu’un directeur de la clientèle privée. La mission de ce dernier sera justement d’accélérer notre croissance organique en mettant notamment l’accent sur le segment des high net worth individuals (1). Il pourra s’appuyer sur une nouvelle interface digitale que nous sommes en train de mettre en place pour nos clients privés avec la fintech OneWealthPlace.
Vous avez évoqué une philosophie de gestion forte. En quoi consiste-t-elle ? Notre crédo est d’appliquer un seul et même processus d’investissement, avec un biais croissance, quelles que soient les zones géographiques. Ce crédo se base sur notre conviction qu’il faut investir sur trois tendances fortes : l’évolution de la consommation des classes moyennes dans les zones émergentes, l’innovation technologique et industrielle, et les préoccupations sociales et environnementales (transition écologique, vieillissement de la population, prise en compte des millénials…). C’est le cœur de l’ensemble de nos stratégies de gestion, qui se retrouve dans 80 %, au minimum, de nos investissements actions.
Quelle est la typologie de votre clientèle ? Sur la partie gestion d’actifs, nous avons environ 400 clients. En termes d’encours, un tiers est constitué de personnes privées et deux-tiers d’institutionnels classiques et d’organismes sans but lucratifs (OSBL).
Notre family office, soit cinq collaborateurs [Mansartis compte 32 collaborateurs au global, dont 20 en gestion d’actifs, NDLR], suit une dizaine de familles. À cela s’ajoutent quelques clients privés que nous conseillons sur des problématiques patrimoniales.
Proposez-vous des services allant au-delà de la gestion d’actifs à vos clients privés ? Nos clients privés, s’ils le souhaitent, ont accès à une offre de conseil et d’ingénierie patrimoniale. C’est l’avantage d’avoir un family office au sein de notre groupe. Nous proposons donc à nos clients certains services que l’on trouve généralement dans une banque privée classique, à la seule différence que nous fonctionnons en architecture strictement fermée.
Y compris pour votre gestion collective et votre activité de family office ? Notre gestion collective, notamment diversifiée, n’utilise effectivement pas d’OPCVM externes.
La question est un peu différente pour l’activité de family office. En effet, cette activité est avant tout du conseil patrimonial, professionnel et familial et pas de la gestion d’actifs. Sauf demande explicite de nos clients, nous préférons donc déléguer la gestion des actifs à des tiers et nous positionner en tant que superviseur du patrimoine. De ce fait, la question de l’architecture ouverte ou fermée ne se pose pas et nous ne risquons pas de conflits d’intérêts. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le family office a opté pour une rémunération basée exclusivement sur des honoraires de conseil avec zéro rétrocession.
Pouvez-vous nous dire quelques mots sur votre politique ESG ? C’est l’autre actualité forte de notre société. Nous avons intégré la prise en compte systématique des critères ESG dans l’ensemble de notre gamme. Nous avons entamé cette démarche en 2018 avec la première labellisation ISR d’un fonds sur la transition écologique. Cela s’est poursuivi l’an dernier avec les labellisations ISR de nos fonds Europe, Asie et Japon en décembre. Nous allons poursuivre cette démarche en 2020. Les deux prochains fonds que nous espérons voir labelliser sont les fonds Mansartis Amérique et Mansartis Investissement.
De plus, nous avons lancé, en octobre dernier, un fonds green bonds, dont nous espérons obtenir une labellisation en 2020. Il a pour règle stricte d’investir 80 % minimum de son portefeuille sur les obligations vertes. Il nous servira de brique ESG au sein de notre gestion diversifiée et nous apportera une expertise différenciante sur la partie obligataire.
Pourquoi ce virage ESG ? Ce n’est pas un virage à proprement parler car nous avons toujours pris en compte certains critères extra-financiers dans nos analyses. Ce qui change, c’est la manière dont nous structurons et systématisons cette approche. Nous sommes des gérants de convictions, des stock-pickeurs, l’exclusion de secteurs ou de sociétés sur la base de critères parfois extra-financiers est inhérente à notre métier.
En outre, notre clientèle associative était très demandeuse de la mise en place de cette politique depuis notre création. La prise de conscience collective du monde de la finance de l’importance de notre industrie pour lutter contre le réchauffement climatique a aussi été cruciale. C’est désormais toute les équipes de Mansartis qui sont convaincus et veulent œuvrer dans ce sens.
Enfin, la professionnalisation des acteurs de l’ESG ces dix dernières années nous a grandement facilité la mise en œuvre. Désormais, nous travaillons avec Sustainalytics sur la notation ESG, avec ISS (2) pour la votation et TruCost pour les problématiques liées aux empreintes carbones.
(1) Individus disposant d’un patrimoine financier compris entre un et cinq millions d’euros.
(2) Institutional Shareholder Services group of companies.