Médiation/arbitrage

Des dispositifs méconnus amenés à se développer

Avant tout contentieux, les particuliers ont la faculté de s'adresser à un médiateur de la consommation en vue de régler les désaccords les opposant aux CGP.
Ce dispositif est appelé à monter en puissance, au même titre que l'arbitrage qui concerne désormais tous les champs de la gestion de patrimoine.
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La médiation de la consommation est un nouveau mode de résolution à l’amiable des conflits depuis le 1er janvier 2016. Tout consommateur peut désormais saisir un médiateur, notamment lorsqu’il conteste une prestation de services rendue par un conseiller en gestion de patrimoine (CGP). C’est le résultat de la mise en musique d’une directive européenne (1). Pour répondre à cette obligation, le professionnel doit au préalable identifier le médiateur dont il souhaite relever et se rapprocher de lui afin d’adhérer à son dispositif et que le consommateur puisse le saisir gratuitement.  

Partenariat des organisations professionnelles. Les organisations professionnelles se sont  donc mobilisées pour accompagner leurs membres dans cette obligation. La CNCIF et la CNCGP ont par exemple signé une convention avec le Centre de médiation et d’arbitrage de Paris, association créée en 1995 par la CCI de Paris, pour centraliser les demandes de médiation concernant différents statuts, donc celui de courtiers en assurances, d’intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP), ou de titulaires de la carte T pour les prestations immobilières. L’Anacofi a fait un autre choix en orientant ses adhérents vers différents médiateurs selon le statut concerné par le litige : la médiation de l’assurance pour les prestations assurantielles, l’association nationale des médiateurs Conso (ANM Conso) pour les missions immobilières et d’IOBSP. En revanche, pour les prestations financières délivrées sous le statut de CIF, c’est la médiatrice auprès de l’AMF, Marielle Cohen-Branche, qui est compétente de droit, quel que soit le syndicat professionnel dont dépend le conseiller.   

Arbitrage en gestion de patrimoine. Outre la médiation de la Consommation, l’arbitrage s’applique désormais à la gestion de patrimoine grâce à une loi de 2016 (2). Et pour les professionnels, cette procédure peut avoir des avantages dans le sens où elle s’impose aux parties comme un jugement, contrairement à la médiation (3), et ce à un coût et des délais maîtrisés, la procédure étant organisée par les parties. En effet, cette loi a réformé l’article 2061 du Code civil relatif à la clause compromissoire – qui autorise les parties à avoir recours à l’arbitrage pour régler leur différend - en ne la limitant plus aux contrats conclus à raison d’une activité professionnelle. Désormais, cette clause « est valable pour tous les contrats, et peut donc potentiellement concerner les domaines de l’assurance, de l’immobilier ou du droit de la famille», selon Thomas Clay, professeur à l’école de droit de la Sorbonne, qui s’exprimait aux États généraux de l’arbitrage du Conseil national des barreaux, fin juin. Cette clause doit toutefois avoir été acceptée par la partie à laquelle on l’oppose. « L’arbitrage était jusqu’alors exceptionnel, et surtout méconnu, en droit de la famille», explique Marianne Abgrall, avocate au barreau de Paris, dans une tribune publiée sur le site de l’Association française d’arbitrage. De fait la professionnelle cite plusieurs cas où l’arbitrage aurait droit de cité, tels que l’évaluation de la prestation compensatoire, les litiges successoraux, la liquidation et le partage d’un régime matrimonial, ou les indivisions. 

Peu d’arbitrage ou de saisine de médiateurs. Pour autant, aucun des acteurs interviewés n’a eu vent d’un litige entre un CGP et son client qui se soit réglé par l’arbitrage, cette procédure étant relativement récente et surtout confidentielle. Pour Bertrand Lefeubvre, si l’arbitrage investit ce champ, « il faut trouver des arbitres [outre les avocats et les notaires] qui connaissent bien la pluralité de nos métiers ». Et pourquoi pas suggérer aux conseillers en gestion de patrimoine de devenir eux-mêmes des arbitres. De la même manière s’agissant de la médiation de la consommation, peu de saisines ont concerné des professionnels de la gestion de patrimoine. Ainsi, la CNCGP qui a mis en place au printemps son partenariat avec le CMAP ne recense pour l’instant aucun dossier en cours d’instruction,et la CNCIF n’a enregistré que trois demandes « qui n’ont pas été suivies d’effet à la demande des clients », selon Elizabeth Decaudin, déléguée générale de la structure. Même constat à l’Anacofi puisque les dossiers traités pour le syndicat par l’ANM Conso constituent 2,5 % du total des dossiers de l’association en 2017, alors que l’Anacofi représente 25 % des entreprises membres. De la même manière, les dossiers avec les CIF représentent environ 4 % des demandes reçues en 2017 par la médiatrice auprès de l’AMF. « Les principaux motifs de saisines concernent assez peu les CIF », commente David Charlet, président de
l’Anacofi. Il s’agit de cas de trading sur forex ou d’épargne salariale. Le médiateur de l’assurance recense de son côté moins de 1 % des dossiers qui concernent un litige avec un intermédiaire (soit une centaine sur un total de 16.000 dossiers). 

Méconnaissance. Comment expliquer ce faible nombre de saisines ? Pour Elizabeth Decaudin, déléguée générale de la CNCIF, cela tient aux caractéristiques de la profession : « le métier de CGP est tellement intuitu personae que les litiges se règlent soit en face à face, soit devant les juridictions », explique-t-elle. Elle met aussi l’accent sur une « méconnaissance  » de l’existence du dispositif. Le professionnel doit en effet informer ses clients de la possibilité de saisir un médiateur de la consommation, mais « le client est tellement noyé sous les documents, que je ne suis pas sûre qu’il les lise tous », souligne Elizabeth Decaudin. Bertrand Lefeubvre, vice-président de la CNCGP et président de sa commission RCP, souligne aussi le rôle de prévention et de formation effectué par la commission prévention des risques du syndicat, et la mise à disposition des membres « d’un kit réglementaire » pour s’approprier les nouvelles législations. De fait, le nombre de dossiers de sinistres étudiés par la commission RCP de la chambre est passé de 73 en 2017 à 23 depuis le début de l’année. 
Philippe Feuille, président de la Compagnie des CGPI, qui n'a pas encore signé de partenariat avec un médiateur de la Consommation en particulier, rappelle que le CIF doit, par son statut, établir une procédure de traitement des réclamations clients  et de gestion des conflits d'intérêts, qui énumère de façon non exhaustive les conflits pouvant survenir. David Charlet estime pour sa part que la profession a gagné en « maturié » : « les règles de bonne conduite sont appliquées, et les combats gagnés en justice connus ». Le président de l’Anacofi reconnaît toutefois que les CGP ont « vécu de belles années » : « si nous faisons gagner de l’argent à nos clients, de quoi voulez-vous qu’ils se plaignent ? Par contre, si nous avons des années plus difficiles, peut-être qu’ils seront moins cléments», s’inquiète-t-il.  

Inadéquation du conseil avec le profil du client. Pour l’essentiel, dans les dossiers traités par la médiatrice auprès de l’AMF et par le médiateur de l’assurance, c’est l’inadéquation du conseil avec le profil et les objectifs du client qui pose problème. Marielle Cohen-Branche vérifie par exemple « si le CIF s’est informé lui-même comme il doit le faire sur le produit proposé, (et particulièrement si le produit pouvait être commercialisé en France…), s’il s’est informé sur son client, a rédigé une lettre de mission, délivré une information claire et non trompeuse et in fine formalisé son conseil dans un rapport écrit »
Le médiateur de l’assurance, Philippe Baillot, cite également dans son rapport publié fin juin (lire l’Agefi actifs, n°727) le cas d’un souscripteur qui l’a saisi estimant que l’intermédiaire ne lui avait pas proposé un produit correspondant à sa situation patrimoniale. En l’espèce, la partie du bulletin de souscription permettant la détermination du profil de l’investisseur n’avait pas été remplie, mais il y était néanmoins inscrit au titre du résultat « profil dynamique ». Dans ce type de dossier, par exemple, la médiation peut suggérer une indemnité de 1.000 euros - dans le cas d’un contrat à versements périodiques de 60 euros mensuels - correspondant à la perte de chance de souscrire un contrat mieux adapté à la situation et aux besoins du souscripteur. Pour le médiateur de l’assurance, « il est donc primordial que tout intermédiaire ou assureur distribuant en direct ses produits procède à une analyse effective de la morphologie de son client sur la durée et conserve la trace du recueil des besoins effectué, ainsi que du conseil prodigué lors de la souscription, afin de se ménager une preuve en cas de litige portant sur le respect du devoir de conseil ».  

Augmentation du nombre de saisines ? Mais selon Philippe Baillot, la saisine du médiateur par les consommateurs pourrait augmenter, notamment sur le terrain de la renonciation à un contrat d’assurance vie. En effet, dans plusieurs arrêts datés du 19 mai 2016 (par exemple CCass, 2ème civ, n°15-12767), la Cour de Cassation a jugé que celle-ci « pouvait être considérée comme abusive » au regard du profil averti de l’investisseur et a donc limité cette faculté de renonciation au profit de l’assureur. Ne pouvant plus attaquer ce dernier sur ce fondement, les particuliers pourraient décider de poursuivre les intermédiaires pour manquement à leur devoir de conseil. De l’avis du médiateur du notariat, Christian Lefebvre (voir encadré), « la médiation devrait encore plus se développer à l’avenir dans le cadre d’une volonté politique de désengorger les tribunaux, mais aussi d’un souhait des parties de se réapproprier leurs conflits ». Preuve en est avec le projet de loi de Réforme pour la justice, dont l’examen au Parlement doit débuter cet automne.  

Réforme de la médiation judiciaire. Un article de ce texte comprend plusieurs mesures relatives à la médiation judiciaire. Ainsi, le juge pourra désormais désigner un médiateur pour procéder aux tentatives préalables de conciliation auparavant prévues par la loi en matière de divorce (lire l’Agefi Actifs, n°726). Il pourra enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur en tout état de la procédure, y compris en référé, lorsqu’il estime qu’une résolution amiable est possible. Cet article prévoit aussi d’étendre la tentative préalable obligatoire de résolution amiable des conflits, actuellement prévue pour les litiges devant le tribunal d’instance, à ceux portés devant le tribunal de grande instance lorsque la demande porte sur le paiement d’une somme et n’excède pas un montant défini par décret en Conseil d’État.

(1) Directive 2013/11/UE relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation. Cette obligation figure désormais à l’article L. 612-1 du Code de la consommation 

(2) Loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la Justice du XXIe siècle

(3) Pour obtenir la force exécutoire de « la sentence arbitrale », la partie ayant obtenu un arbitrage favorable devra cependant aller devant un tribunal de grande instance pour obtenir une « ordonnance d’exequatur »