
DDA : vers une (mini) révolution ?

L’objectif affiché par DDA est de parfaire le marché unique de l’assurance en mettant les consommateurs européens sur un pied d’égalité. Un objectif tout à fait louable mais clairement ambitieux au vu de la disparité des pratiques de distribution de produits assurantiels à travers l’Europe.
Jusqu’à juin de l’année dernière, assureurs comme distributeurs retenaient leur souffle dans l’Hexagone : dans ses premières versions, la directive remettait complètement en cause le modèle économique de distribution d’assurance « à la française ». Elle prévoyait en effet d’interdire le système de commissions, pierres angulaires de la rémunération des intermédiaires d’assurance (CGPI, plateformes etc.) en France. Afin d’éviter tout conflit d’intérêt, le distributeur aurait dû être rémunéré directement par le client sur la base d’honoraires, et non plus par l’assureur. Dans sa dernière acception, le texte indique finalement que « les commissions ne sont pas interdites si elles ne sont pas dommageables à la qualité du conseil ».
En l’état actuel, le texte prévoit surtout d’étendre la portée de la directive DDA à la vente d’assurance en direct. Ainsi, les règles de commercialisation applicables aux intermédiaires le sont également aux sociétés d’assurance.
Casse-tête pour les acteurs de l’assurance. Le projet de texte introduit notamment plusieurs dispositions inspirées de la directive MiF 2 en matière d’identification et de gestion des conflits d’intérêt, en distinguant vente avec ou sans conseil personnalisé. Elle formule des exigences spécifiques lorsque le conseil est qualifié d’« indépendant ». Les compagnies d’assurance sont également tenues de mettre en place des procédures encadrant l’élaboration des nouveaux produits : pour chaque produit, elles sont désormais censées définir des cibles de clientèle et assurer la diffusion de l’information nécessaire aux personnes chargées de leur commercialisation.
Philippe Parguey, Directeur associé, Nortia
Rémunération. Si le système de rémunération par commission reste finalement autorisé, une totale transparence du mode de rémunération des distributeurs de produits d’assurance est désormais fortement encouragée par le texte. Il s’agirait d’informer le client sur la « nature » et la « source » de cette dernière, afin qu’il puisse ainsi disposer de l’ensemble des informations et spécificités de son contrat, pour mieux pouvoir le comparer à ceux de la concurrence. Mais exiger d’un intermédiaire qu’il dévoile ces éléments reviendrait, transposé par exemple à la grande distribution, à ce que le consommateur soit informé de la marge de chaque distributeur sur chaque produit vendu en rayon…
Un autre dommage collatéral de ce volet de transparence des rémunérations serait de voir s’orienter le client vers un conseil « low cost ». En tant que consommateur, chacun d’entre nous tend naturellement à rechercher le produit le moins cher. Mais l’efficacité d’un produit d’assurance, et d’un produit d’assurance vie en particulier, réside dans son suivi, sa réévaluation régulière et son ajustement au plus proche de la situation et des objectifs du client (composition de sa famille, de son patrimoine, objectifs professionnels ou de départ en retraite, etc.), tout en tenant compte de l’évolution du contexte règlementaire. Il est donc dangereux que les moins-disants en termes de frais exercent une pression au détriment de la qualité du conseil. Le premier perdant serait l’épargnant, ce qui est contraire à l’esprit de la loi.
Transférabilité à terme. Le texte sous-tend aussi que la rémunération liée au contrat doit revenir au conseil. Un point positif, puisque cela mettrait fin aux us et coutumes de l’assurance prévoyant que le courtier à l’origine de la souscription est propriétaire du contrat et des rémunérations afférentes. Ainsi, dans une application littérale, si le courtier se contentait de vendre le contrat initial sans assurer ensuite un véritable suivi, sa rémunération n’aurait plus lieu d’être. La boucle serait bouclée avec la mise en place de la transférabilité des contrats : elle permettrait au client de confier son épargne acquise à un autre assureur, s’il estime que les supports ou options de son contrat ne sont plus suffisants pour répondre à ses objectifs. Mais nous en sommes cependant encore loin.
Cette nouvelle directive DDA esquisse toutefois un certain nombre de garde-fous intéressants concourant au renforcement de l’information et à la protection des clients. Et une chose demeure certaine : le rôle d’un intermédiaire dans sa capacité à délivrer du conseil et à suivre son client dans la durée demeure primordial.