
Credit Suisse tente d’apaiser les marchés à l’approche d’une restructuration coûteuse

Le chemin est encore long pour que Credit Suisse retrouve la confiance des investisseurs. Chahutée depuis une semaine sur les marchés, à la suite de rumeurs sur sa santé financière, la banque suisse a d’abord usé des mots. Mais le message sur sa solidité, martelé par son management et ses cadres, n’a pas complètement rassuré les marchés inquiets d’un potentiel retour du risque systémique. Après s’être envolé à 250 points de base le vendredi 30 septembre, le prix de la couverture contre le risque de défaut de la banque à 5 ans – les CDS ou credit default swaps – s’établissait le vendredi 7 octobre à 324 pb. Il reste plus de cinq fois supérieur au niveau observé en janvier et au-dessus de celui atteint pendant la crise financière.
Credit Suisse est donc passé des mots aux actes. Preuve que la banque dispose d’un matelas de liquidités, elle a annoncé vendredi 7 octobre le rachat de ses propres obligations pour près de 3 milliards de francs suisses (3,10 milliards d’euros). « Cette opération nous permet de profiter des conditions de marché pour racheter notre propre dette à un prix attractif », a justifié le groupe suisse dans un communiqué. Le geste rappelle celui d’une autre banque européenne en difficulté. Confrontée elle aussi à des doutes sur son avenir, Deutsche Bank avait eu recours à un rachat de dette de plusieurs milliards d’euros en 2016.
Pour S&P Global Ratings, qui a réaffirmé la note de crédit de la banque suisse à « A/A-1 » assortie d’une perspective négative, la solidité de Credit Suisse, qui détient un ratio de fonds propres de 13,5%, ne fait pas de doute. « Nous considérons également que la liquidité de Credit Suisse est assez solide pour fournir un financement adéquat des premiers pas de sa transformation », souligne l’agence, alors que la banque suisse doit dévoiler le 27 octobre ses plans pour se recentrer sur la gestion de fortune et la gestion d’actifs. D’ailleurs, la banque centrale suisse, qui a indiqué « regarder de près » la situation au titre du caractère systémique de Credit Suisse, veille au grain. « Si Credit Suisse était réellement menacée de défaut, le régulateur ne lui permettrait pas ainsi de racheter ses obligations », fait remarquer un analyste à L’Agefi.
Une restructuration complexe et coûteuse
Reste que ses marges de manœuvre pour mener à bien sa restructuration sont étroites. « Nous pensons que les incertitudes économiques et la volatilité de marché peuvent rendre la restructuration plus difficile que prévu, avec le risque de retarder le retour de la confiance des investisseurs », souligne S&P Global. Etant donné le prix auquel s’échange actuellement l’action Credit Suisse, à 0,27 fois seulement sa valeur comptable, une augmentation de capital s’avérerait très dilutive pour ses actionnaires.
Tandis que Credit Suisse pourrait étudier la vente de certains actifs, comme son activité de produits titrisés, les analystes de JPMorgan envisagent deux scénarios. Le premier consisterait en une réduction de 70% de la taille de sa banque d’investissement, en sortant des activités de taux (fixed income) et actions, ce qui réduirait l’exposition de la banque suisse de l’ordre de 300 milliards de francs suisses. Un scénario qui ferait perdre à Credit Suisse 21% de ses revenus, tandis que son ratio de capital CET 1 s’établirait à 13% en 2025, après avoir essuyé l’impact de « Bâle 4 ». Dans un tel scénario, Credit Suisse pourrait envisager de vendre une part minoritaire dans son entité suisse, ou de lever directement 2 milliards de francs suisses de capital. Cela se traduirait toutefois par une dilution de l’ordre de 12 à 15% du bénéfice par action, estiment les analystes qui recommandent d’éviter une telle opération.
Le second scénario réside dans une nouvelle restructuration « sans enthousiasme » de sa banque d’investissement, après cinq mouvements du même type depuis 2011. Le titre de Credit Suisse resterait alors « sous pression », jugent les analystes, tandis que « les inquiétudes sur le financement pourraient alimenter de nouvelles spéculations sur un possible rachat ». La « pilule empoisonnée » pour Credit Suisse consisterait à opérer une scission de son entité suisse, valorisée à 15 milliards d’euros, ce qui réduirait, selon eux, la valeur de son activité de gestion de fortune à néant.