
Coup d’envoi pour les SPE

Quatre syndicats professionnels - le Syndicat national des notaires (SNN), l’Association des avocats conseils d’entreprises (ACE), l’Institut français des experts-comptables et des commissaires aux comptes et la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle - ont organisé le 8 juillet dernier un colloque sur le thème de l’interprofessionnalité. « L’objet du colloque était de savoir comment construire en pratique l’interprofessionnalité », souligne Audrey Chemouli, avocate associée au cabinet In Extenso Avocats, membre du Conseil national des barreaux et de l’ACE. Ce sujet fait figure d’arlésienne pour les professions juridiques depuis plusieurs années, mais une récente décision du Conseil d’Etat du 17 juin 2019 sur les sociétés pluriprofessionnelles d’exercice (SPE) - créées depuis la loi Macron de 2015 - l’a encore une fois mis sous le feu des projecteurs et donne donc le coup d’envoi à ce type de structure (1). La SPE a pour objet de permettre l’exercice en commun de plusieurs professions du droit et du chiffre (2). Elle se distingue de la société de participation financière d’exercice libérale (SPFPL), cette dernière, créée en 2001, étant limitée à l’interprofessionnalité capitalistique.
Déontologie. La plus haute juridiction de l’ordre administratif a en effet rejeté les recours de plusieurs organisations professionnelles. Celles-ci estimaient notamment que la déontologie n’avait pas été traitée par l’ordonnance. Or, « le Conseil d’Etat a considéré qu’il n’est pas opportun que les pouvoirs publics se mêlent de la déontologie des professionnels », explique Audrey Chemouli, rappelant que « la SPE n’avait pas été demandée aux pouvoirs publics par les professionnels, mais imposée à eux ». Selon l’avocate, une quinzaine de SPE existent à ce jour toutes professions confondues. « Mais ce faible nombre de SPE ne veut pas dire que ces sociétés n’attirent pas les professionnels. Ils ont simplement eu du mal à se l’approprier à cause de ce recours. Et les instances n’étaient pas prêtes ».
Lever les freins. La décision du Conseil d’Etat étant rendue, les quatre syndicats ont lors de ce colloque réfléchi « à une charte de bonne conduite dédiée aux SPE et ont voulu relever les différentes problématiques communes à celles-ci afin qu’il n’y ait plus de frein à la mise en commun de leurs projets ». Le secret professionnel est notamment un « point très important », selon Philippe Glaudet, notaire et président du SNN : « Il faut réaliser des lettres de mission, rendues nécessaires par décret, pour prévenir le client que le secret sera levé entre professionnels - partiellement ou totalement - dans les dossiers traités en commun ». « Les notaires et huissiers ont aussi l’obligation d’instrumenter - c’est une obligation légale d’ordre public - les autres professionnels devront se déporter dans ce cas-là », remarque Audrey Chemouli.
Assurance. Par ailleurs, en termes d’assurances, si tous les professionnels sont assurés individuellement via une assurance responsabilité civile professionnelle (RCP), la loi Macron a aussi imposé une obligation d’assurance de la SPE elle-même sans pour autant en fixer le taux de couverture. Dans ce contexte, deux interrogations se posent selon Audrey Chemouli : « Est-ce que le professionnel individuel dans une SPE doit augmenter son taux de couverture pour atteindre celui du professionnel le mieux garanti, et est-ce que l’assurance de la SPE doit s’aligner sur ce même taux ? » Autant de questions auxquelles il faudra répondre pour rassurer davantage les professionnels sur la création de telles structures.
(1) Voir notamment CE, 17 juin 2019, n°412149. Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Ordonnance n°2016-394 du 31 mars 2016.
(2) Avocat, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, commissaire-priseur judiciaire, huissier de justice, notaire, administrateur judiciaire, mandataire judiciaire, conseil en propriété industrielle et expert-comptable.