
Un « super acte de notoriété »

Le certificat successoral européen (CSE), créé par le règlement européen n°650/2012 « successions internationales », offre désormais aux notaires, dans le cadre d’une succession internationale, un instrument alternatif à l’acte de notoriété. Aux termes de l’article 63 du règlement, en effet, le certificat est « destiné à être utilisé par les héritiers, les légataires ayant des droits directs à la succession et les exécuteurs testamentaires ou les administrateurs de la succession qui, dans un autre Etat membre, doivent respectivement invoquer leur qualité ou exercer leurs droits en tant qu’héritiers ou légataires, et/ou leurs pouvoirs en tant qu’exécuteurs testamentaires ou administrateurs de la succession ».
Véritable instrument de simplification, le CSE tire son intérêt principal des effets qui lui sont attachés. Le certificat, une fois établi, va pouvoir circuler librement et sans autre formalité dans tous les Etats participant au règlement (Danemark, Irlande et Royaume-Uni exclus), rompant ainsi avec les difficultés que suscitait jusqu’à présent l’absence d’harmonisation du droit international privé des Etats membres sur ce point. Par ailleurs, une fois établi, le certificat successoral européen comporte une force probante intrinsèque : il fait foi de son contenu.
Relations avec les certificats nationaux. Le CSE n’a pas vocation à se substituer à l’acte de notoriété (ou équivalent) des droits internes des Etats membres. Le CSE ne peut être utilisé dans le cadre d’une succession franco-française, et dans une succession internationale, le notaire conserve toujours le choix entre certificat national et européen. Le CSE bénéficie cependant d’une priorité par rapport aux documents nationaux : il se suffit à lui-même et l’emporte en cas de conflit avec un certificat national.
CSE et régimes matrimoniaux. S’agissant des informations de nature matrimoniales portées dans le CSE, elles sont limitées par l’article 65 du règlement à l’identité du conjoint ou partenaire, l’indication du régime matrimonial et l’existence d’un contrat de mariage. Il n’est donc pas question d’évoquer la part qui revient au conjoint en vertu du régime matrimonial et d’y faire figurer les conventions matrimoniales. Le plus souvent, pour éviter toute imprécision, il est donc sans doute nécessaire de doubler le CSE d’un certificat national, voire de préférer le certificat national au CSE. Par ailleurs,
il peut exister une difficulté de qualification des droits du conjoint survivant : sont-ils de nature successorale et donc susceptibles d’être mentionnés dans le CSE, ou de nature matrimoniale, et exclus de son champ d’application ? Une telle question a été posée dans une affaire récente (CJUE 1er mars 2017 Doris Mahnkopf - Aff. C.558/16). La Cour de Justice, interrogée sur l’interprétation du droit allemand, a qualifié de successoral la péréquation forfaitaire des acquêts de l’article 1371 BGB. Cette affaire a privilégié une qualification successorale « autonome » de droit de l’union européenne, rejetant la qualification « matrimoniale » privilégiée par le droit interne allemand. Cette interprétation autonome donne un maximum d’effet utile au CSE.
Publicité foncière. Aux termes de l’article 69-5 du règlement, « le certificat constitue un document valable pour l’inscription d’un bien successoral dans le registre pertinent d’un Etat membre ». Le préambule du règlement ajoute qu’« afin d’éviter la duplication des documents, les autorités chargées de l’inscription devraient accepter les documents rédigés par les autorités compétentes d’un autre Etat membre, dont la circulation est prévue par le présent règlement ». De telles affirmations ont suscité des interrogations. Doit-on en conclure que le CSE peut donner lieu à transcription sur le registre ? Peut-il, en somme, tenir lieu d’attestation immobilière en France ? Selon l’interprétation la plus raisonnable de ces dispositions, le CSE peut être directement visé dans l’attestation immobilière, et, dans ce cas, les énonciations informatives contenues dans le CSE suffisent et n’ont pas besoin d’être reprises formellement dans l’attestation immobilière,
à charge pour l’attestation notariée de compléter les informations manquantes dans le CSE.